Faire aussi bien qu’à Pékin, Londres ou Rio, se qualifier pour participer à l’apothéose, c’est ce que quatorze joueurs Français et leur staff vont tenter de réaliser ce jeudi face à l’Egypte en demi-finale du tournoi olympique.
Après quatre participations aux J.O en tant que joueur (Sydney 2000, Athènes 2004 puis Pékin 2008 et Londres 2012) et après avoir comptabilisé 390 sélections et 1463 buts inscrits (ce qui en fait le meilleur réalisateur français de tous les temps), pour Jérôme Fernandez, la carrière en trois couleurs s’est arrêtée peu avant l’Euro 2016. Reconverti entraîneur, le Girondin n’en a pas moins intéressé les médias puisque durant l’été de la même année, France Télévisions l’a embarqué dans l’aventure brésilienne comme consultant aux côtés d’André Garcia. Cinq ans plus tard, il remet ça. Cette fois en tandem avec le volubile Emmanuel Roux (notre photo de tête). Jérôme commente les matches de l’équipe de France masculine, ce qui en fait un témoin privilégié et expérimenté de la compétition. A la veille de la demi-finale entre les Bleus et les Pharaons, il a accepté de nous livrer ses impressions sur le carré final et plus généralement sur les Jeux qui se déroulent depuis une douzaine de jours au Japon.
France-Egypte en demi, doit-on être étonné d’une telle affiche ?
Non parce qu’au dernier Mondial, les Egyptiens ont failli éliminer les Danois qui finissent champions. On sait donc qu’ils savent se hisser au niveau des meilleures nations et donc ils ont totalement mérité leur place en demi-finale. En matches de poule, ils terminent à égalité de points et de goal-average avec le Danemark et ils ont été 2èmes parce que les Danois les avaient battus.
Contre l’Allemagne, l’Egypte a montré de la solidité sur tous les postes. Est-ce une impression ou la réalité ?
Les Allemands sont plus faibles que les Danois et l’Egypte a des ressources à tous les postes, c’est une équipe très bien rodée, les joueurs se connaissent parfaitement et ils travaillent depuis plusieurs années avec des coaches espagnols. Finalement c’est ce qu’il leur manquait car ils ont toujours eu de magnifiques individualités mais ils n’étaient pas en capacité d’évoluer ensemble. Ils sont bien préparés tactiquement, en fonction de l’adversaire et vu ce qu’ils ont montré à Paris quand on les bat d’un but, ce jeudi, c’est loin d’être gagné.
Davis puis Parrondo. Quel est l’apport des techniciens espagnols ?
Un peu plus de rigueur. Avant, les Egyptiens évoluaient un petit peu plus au feeling sur leurs qualités, et ce qu’ont amené David et Roberto, c’est ce qu’amènent Alberto Entrerrios à Nantes, Raul Gonzalez à Paris, c’est une philosophie collective du jeu autant défensivement qu’offensivement. Ils ont une meilleure connaissance de leur adversaire.
Les Français doivent s’attendre à souffrir…
Oui mais c’est une demi-finale de J.O. Vu les forces en présence, on sait que le dernier carré est relevé. La preuve, les 1ers et 2èmes de chaque poule sont au rendez-vous. Ça va se jouer sur des petits détails comme lors du quart Suède-Espagne. Les Français ont bien négocié leurs matches de poule parce qu’ils ont mis beaucoup d’intensité et de course sur le grand espace mais aujourd’hui les organismes sont entamés et il va falloir faire comme les Danois, savoir jouer en marchant et ça, pour l’instant, je ne suis pas sûr que l’équipe de France en soit capable.
Il y a assez d’expérience dans cette équipe pour trouver des solutions, non ?
Il y a du banc c’est vrai, on utilise tout le monde, je pense que l’équipe de France peut courir sur cette demi-finale et faire exploser cette équipe d’Egypte.
Le fait d’avoir joué le quart bien plus tôt que les Egyptiens a-t-il son importance ?
A ce stade de la compétition, quand tu as 3,6 ou 9h de plus de récupération, ça peut avoir une influence. Les Egyptiens ont évolué en fin de programme, ils ont dû évacuer la tension, ils se sont couchés tard et je pense que sur l’aspect physique, cela peut jouer en notre faveur.
Est-ce que sur cette demie, l’Egypte a moins à perdre que les Français ?
Oui parce qu’elle n’a pas l’habitude d’être en demi-finale des J.O alors que pour les Français, cela va être la 4ème d’affilée en espérant participer à une 4ème finale consécutive également. Les Bleus ont beaucoup plus d’expérience de ces moments-là que les Egyptiens et je ne pense pas qu’ils se positionnent comme les favoris. Au contraire, ils vont se présenter comme outsiders en se disant que l’équipe de France est une grande nation et qu’ils ont les arguments pour la faire chuter.
Y’a-t-il une ou plusieurs clés dans cette confrontation ?
Un facteur important, c’est la prestation des gardiens de but. Pour en avoir discuté avec le staff des Egyptiens (Jérôme est très proche de Venio Losert, le Croate ancien portier de Montpellier et coach des gardiens égyptiens), ils savent pertinemment qu’ils ont perdu contre le Danemark parce que les leurs ont été moins bons que leurs homologues nordiques et ils savent aussi qu’ils ont gagné la Suéde et éliminé l’Allemagne, parce qu’ils ont été performants sur ce poste-là. La prestation d’Hendawi par exemple peut s’avérer déterminante. Comme pour nous, celle de Vincent Gérard ou de Yann Genty.
La 2ème demi-finale Danemark-Espagne, c’est plutôt du classique…
Oui tout à fait avec deux équipes qui dominent le handball depuis quatre ans. Il faudra s’inquiéter d’ci jeudi de l’état de santé de Mathias Gidsel (le gaucher danois a été victime d'un mauvais geste de Sagosen et s’est retrouvé groggy. Son absence serait très préjudiciable car il est le 2ème meilleur buteur de l’équipe derrière Mikkel Hansen). S’il peut normalement jouer, le Danemark me semble un poil plus stable que les Espagnols qui depuis le début du tournoi, gagnent les matches contre les gros, un petit peu à l’arrache. L’Espagne n’est pas favorite de cette demie et les Danois au complet me semblent mieux armés.
Tu es le grand témoin sur les J.O. Quelles images as-tu déjà emmagasinées ?
Déjà, c’est un bonheur d’être au Japon. Je trouve la ville de Tokyo très plaisante même si on est soumis à certaines contraintes. C’est une ville qui est très propre avec des gens très respectueux et très accueillants et toutes les infrastructures que j’ai eu la chance de voir sont de très grande qualité. Le défi à relever pour Paris 2024 est énorme pour se hisser au même niveau que le Japon.
Malgré tout… le virus rode…
C’est vrai que ce sont des Jeux atypiques mais on ne ressent pas un rejet de la population. Par contre, c’est vrai que dans la ville, il y a très peu d’éléments qui t’indiquent que des Jeux sont en train de se dérouler. Absence de pancartes, ils se sont contentés du minimum, ça fait bizarre car tu n’as pas l’impression qu’il y a un évènement planétaire sur place.
Au niveau émotionnel, quel est ton temps fort ?
J’ai eu la chance de voir le France-Brésil en volley où les Français perdent au 5ème set et le quart contre la Pologne championne du Monde où il y a eu du suspens et de l’intensité. Les Bleus ont été vraiment bons et cette fois, ils ont parfaitement géré le tie-break et ont réalisé un véritable exploit en jouant bien. Contre l’Argentine en demie, je pense que ça sera difficile mais abordable. C’est en tous cas génial de voir toutes les équipes masculines de sports co en salle encore en course. (Jérôme a bien entendu assisté à la brillante et large victoire des Françaises d'Olivier Krumbholz face aux Pays Bas)
Concernant l’état de santé de Gidsel
Ce mercredi matin, les médias danois ont rencontré Nicolaj Jacobsen, le coach du Danemark qui s’est voulu plutôt rassurant quant à la participation de son arrière droit à la confrontation face à l’Espagne. Ne précisant pas si Mathias Gidsel a été victime d’une commotion cérébrale après son accrochage avec Sagosen, le technicien est conscient qu’une absence de celui qu’il considère comme le meilleur de l’équipe serait très préjudiciable. Pour autant, une solution a été avancée. Celle qui consisterait à positionner Mikkel Hansen ou Jacob Holm ou même Mads Mensah sur le côté droit mais Jacobsen a martelé « tout le monde s'attend à ce qu'il joue. On veut aller jusqu’au bout mais il y a aussi une vie après les JO. On ne va pas jouer avec l’intégrité physique de Mathias. Il doit être proche de 100 % si nous décidons de l'envoyer au combat. »
Sagosen enfant trop gâté ?
Pour Sander Sagosen, les Jeux se terminent en queue de poisson. Non content de s'être répandu dans les médias norvégiens et d'avoir mis en cause la qualité et l'honnêteté des soeurs Bonaventura, arbitres de la rencontre Norvège-Danemark et qui ont expulsé l'ancien Parisien après un 3ème "2 minutes", un média norvégien relayé par un site danois a rapporté une scène intervenue quelques jours plus tôt, à l'issue du match perdu par la France face aux Norvégiens. Sagosen a eu un échange plutôt houleux avec le pivot tricolore Ludovic Fabregas et selon nos confrères nrk.no puis hbold.dk, les deux joueurs concernés ont dû être séparés par leurs partenaires, Nikola Karabatic s'amusant même de la situation. Le compte rendu médiatique n'a pas indiqué le sujet de la discorde... Qu'il perde ou qu'il gagne, Sander Sagosen est très "soupe au lait".