Il n’a pas eu besoin de cadrer et de déborder son adversaire pour aller marquer l’essai. Tout simplement parce qu’il n’y avait pas d’adversaire, exceptées les deux abstentions du syndicat des joueurs et des entraîneurs ! A 40 ans, l’ancien ailier du XV de France Philippe Bernat-Salles a reçu un véritable plébiscite pour s’installer dans le fauteuil qu’occupait depuis six ans, Alain Smadja, à la tête de la Ligue Nationale de Handball.
La Ligue Nationale de Handball a tourné la page Smadja. Celui qui voulait retenter l’aventure à l’occasion d’un 4ème mandat de deux ans, n’a pas obtenu l’assentiment de ses pairs. Au terme d’un processus, où la cooptation entre présidents de clubs est la règle, Alain Smadja n’a pas reçu le label de personnalité « qualifiée » nécessaire pour intégrer le bureau directeur de la LNH et par la suite, envisager la fonction suprême. Il n’a même pas eu droit aux honneurs, tant son bilan a été jugé, à mots couverts, peu convaincant. Son entrée et sa sortie, vendredi de l’Assemblée générale de la Ligue ont été des plus glaciales. L’avocat d’affaires a bel et bien été débarqué par ceux qui l’avaient si longtemps soutenu. Il paie très cher le fiasco populaire et financier engendré par l’organisation des finales de la Coupe de la Ligue à Miami en avril 2009 : désaffection du public, supporters français écartés de l’épreuve à cause d’un coût exorbitant du déplacement et du séjour et surtout retombées sonnantes et trébuchantes nulles pour les clubs de D1. Alain Smadja était d’ailleurs resté droit dans ses bottes, n’abandonnant pas l’idée d’une délocalisation de l’épreuve encore en 2010, hors de nos frontières puisqu’après avoir envisagé le Madison Square Garden de New York, l’Outre Mer avait été proposée. Une dernière idée qui avait provoqué l’ire des présidents de club de D1 et notamment celle du plus titré d’entre eux. Son attitude plutôt boudeuse aux finalités de Nantes en mars dernier, a été la goutte d’eau qui a fait déborder… la Coupe. « On ne niera pas qu’Alain Smadja a fait de bonnes choses pour notre sport, s’est empressé de déclarer Alain Poncet, membre du bureau directeur de la LNH et président de Chambéry mais pour aller de l'avant, il était nécessaire que l’on change de président. Nous renouvelons la moitié de l’équipe en nous ouvrant vers l’extérieur et le monde de l’entreprise. Je comprends qu’Alain Smadja soit déçu mais il fallait en passer par là ». Exit donc Alain Smadja qui pour le moment n’a pas voulu faire de commentaires, et bienvenue à… Philippe Bernat-Salles.
Bernat-Salles ? Si ce patronyme vous dit obligatoirement quelque chose, ce n’est pas dans l’histoire du handball qu’il faut aller chercher des indices. Philippe Bernat-Salles est un nom qui fleure bon le Béarn et surtout le rugby. Dix ans au plus haut niveau de l’ovalie, entre Pau, Bègles et Biarritz et surtout une belle carrière en équipe de France (41 sélections et 26 essais inscrits) ponctuée par quelques faits d’armes retentissants comme un grand chelem dans le Tournoi 98 et surtout la fameuse victoire contre les All Black néo-zélandais en demi-finale de la Coupe du Monde disputée en Angleterre en octobre 99 (Philippe marquera le 4ème et dernier essai tricolore). Alors, quel lien rattache Bernat-Salles au handball ? Une première rencontre avec le grand Jackson, une amitié indéfectible avec la triplette chambérienne (Gardent-Munier-Poncet) et une volonté d’apporter une expérience d’organisation du haut niveau et de la communication à une LNH qui parait-il, en manque cruellement. Dans son sillage, l’ancien ailier du XV de France entraîne le DG France de l’horloger suisse Baume & Mercier, Manuel Mallen (43 ans, ancien rugbyman et passionné de pelote basque) qui sera vice-président de la Ligue. S’ajoutent à cet exécutif du hand pro, trois « anciens », Nicolas Bernard (Dunkerque), Alain Poncet (Chambéry) et Louis Moralès (Istres). De nouvelles têtes arrivent également au comité directeur de la LNH : Rémy Lévy (Montpellier), Philippe Carrara (Tremblay) Béatrice Barbusse (Ivry) et Marc-Henri Bernard (50 ans, et joueur de St Maur, Créteil et Pontault Combault et ancien international 99 fois quand même). Par ailleurs, Eric Florand (49 ans, ancien handballeur, patron de la société de communication Inside Media qui a parmi ses clients Orange Sports, SFR ou Canal +) aura en charge la communication de la Ligue.
Du sang neuf donc, pour de nouvelles perspectives, parmi lesquelles la relance d’une stratégie commune avec la Fédération Française de Handball et surtout dans les prochains mois, la renégociation des droits Télé. Pour le moment, Orange Sports (à hauteur d’1,5 million d’euros) et Eurosport (500 000 euros) se partagent la diffusion des matches de D1 masculine. La Ligue aimerait sinon augmenter, du moins reconduire les accords existant. Le temps presse, les contrats arrivant à terme au 30 juin 2011.
Pas de répit donc pour Philippe Bernat-Salles et son équipe qui seront jugés aux actes et aux résultats. Prochaine grande échéance, le trophée des Champions en Principauté de Monaco, une semaine avant la reprise du championnat fixée au 11 septembre prochain.
La nouveau Comité Directeur de la LNH:
- 5 représentants des clubs: Béatrice BARBUSSE, Nicolas BERNARD, Rémy LEVY, Louis MORALES et Alain PONCET
- 1 représentant de l’Association des Joueurs Professionnels: Marc-Olivier ALBERTINI
- 1 représentant de l’Association des entraîneurs professionnels: Philippe CARRARA
- 1 représentant de la FFHB : Jean-Paul DEMETZ.
- 2 personnalités qualifiées par l’Union des Clubs Professionnels: Philippe BERNAT-SALLES et Manuel MALLEN
- 1 personnalité qualifiée désignée par la FFHB : Marc-Henri BERNARD
Philippe Bernat-Salles, l’homme qui veut apprendre du handball
Philippe Bernat-Salles, quel est votre lien avec le handball ?
C’est avant tout une rencontre d’hommes. Tout d’abord, une partie des Barjots comme Jackson Richardson, Philippe Gardent, Denis Lathoud et Laurent Munier qui m’ont fait connaître leur sport de l’intérieur. Nous sommes devenus amis assez rapidement et j’ai ensuite rencontré Alain Poncet, le président de Chambéry et d’autres présidents de clubs. Par les valeurs qu’il véhicule, le hand ressemble pour moi, beaucoup au rugby donc ce sport me plait et en discutant, on en est rendu à l’évidence que la discipline n’était pas assez sur le devant de la scène comme elle devrait l’être. Avec mon « complice » Manuel Mallen, nous apportons notre fraîcheur et notre savoir faire dans le monde des affaires.
La Ligue vous accueille parce que vous avez des idées nouvelles, un carnet d’adresses bien rempli ou des recettes miracles ?
On est là par passion, par envie et par motivation. Nous ne sommes pas là pour passer à la télé ou avoir notre nom écrit dans le journal. Si on est là également, c’est que sans doute le hand pro voulait du sang neuf. Nous sommes cinq nouveaux au comité directeur et deux au bureau. Sans chambouler fondamentalement ce qui existe déjà, j’espère qu’on va pouvoir apporter notre relationnel, notre façon de voir les choses, ce regard venu de l’extérieur, pour essayer, sans prétention, de faire bouger les lignes.
Vous savez fort bien que vous allez être attendu au tournant, que vous allez être épié ? Vous êtes un Ovni qui arrive sur la planète hand….
Je m’en doute mais j’ai quand même l’habitude de me remettre en question. Professionnellement, j’ai acheté ma 1ère affaire avec un de mes amis, il y a dix ans. C’était un camping dans les Landes. A l’époque, on m’a pris pour un fou. Aujourd’hui avec ce même ami, nous possédons six campings. Donc voilà. Si j’étais resté dans mon coin, je n’en serais pas arrivé là. Etre attendu au tournant fait partie de la mission. Quand je jouais au rugby, quand je n’étais pas bon, on ne me ratait pas.
Jusque là, votre contact avec le hand a été « extérieur ». Comment envisagez-vous votre « immersion » ?
Je ne vais pas trop entrer dans l’aspect technique de la discipline. Lorsque j’ai arrêté ma carrière rugbystique, je n’ai pas été attiré par une fonction d’entraîneur ou de manager. C’est encore plus vrai pour le handball. Je crois que le challenge de communication, de marketing, d’évènementiel est plus intéressant à relever. Mais je me soucierai bien entendu du sportif. J’ai prévu d’aller sur le terrain, à la rencontre des clubs et voir ce qui se passe. Le relationnel avec les sponsors et la négociation des droits télé sont des domaines où je peux apporter mes connaissances.
Toutes les décisions seront collectives ?
Bien entendu. Je ne viens pas imposer ma loi. Je vais suivre, regarder, apprendre. Je veux travailler avec tout le monde. Avec tous les clubs, les présidents, les entraîneurs, les arbitres, … Alors bien-sûr, il y aura des gens satisfaits, d’autres moins. Je ne pense pas que des décisions seront prises dans mon dos mais il est clair que par exemple, pour décider des relations entre la Ligue et la Fédération, je demanderai conseil car je n’aurai pas toutes les réponses appropriées. Ceux qui m’ont élu me font confiance donc c’est déjà important.
D’où allez-vous diriger la LNH ?
J’habite Biarritz. Il y aura des périodes où je passerai du temps à Paris. De chez moi, je pourrai aisément me déplacer à Toulouse, Montpellier, Dunkerque ou Nantes. Ma chance, c’est d’avoir professionnellement parlant, deux associés qui croient en moi, qui m’ont encouragé à faire cette démarche. Je n’ai pas peur, je suis motivé et content de ce qui m’arrive. J’étais très intimidé aujourd’hui, lors cette élection. Les gens en place nous ont réservé, nous les nouveaux, un bel accueil.
En bon communicant (il est aussi, consultant rugby sur Canal Plus), Philippe Bernat-Salles s’est montré à son aise pour répondre aux nombreuses interrogations qui accompagnent son arrivée sur la planète handball. Extraits sonores….
Dossier et réactions réalisés par par Yves MICHEL (www.rtl-lequipe.fr)