C'est le sujet à la mode du moment dans le microcosme handballistique français. L'élite masculine doit-elle agrandir la famille et le championnat de D.1 passer de 14 à 16 clubs ? La question commence à faire débat d'autant que le Paris handball, actuelle lanterne rouge du championnat, intéresse d'éventuels investisseurs qatariens. Mais à une seule condition et non des moindres, le maintien en D.1.
Comment aborder un projet qui n’est porté par personne de manière bien précise et qui n’a fait l’objet d’aucune demande officielle ? L’idée consiste à faire passer la D.1 masculine de 14 à 16 clubs. A l’instar de la Liga espagnole par exemple, le dessein peut tenir la route mais suscite çà et là, quelques réserves sur la précipitation qui semble animer son élaboration. Certains parlent de coïncidence, d’autres font l’amalgame entre cette question d’augmenter le nombre de convives à la table de la LNH et l’obligation pour un club comme le Paris handball de garantir son maintien parmi l’élite pour permettre l’arrivée d’investisseurs qatariens. La question a le mérite de faire débat et parmi les personnes sondées, appartenant à toutes les composantes de la famille du handball national, l’avis est quasi unanime. Etudier un projet de la sorte et en imaginer les contours pour les saisons futures, pourquoi pas, mais certainement pas dans l’urgence. Le dossier sera évoqué ce vendredi matin, lors d’un comité directeur exceptionnel qui doit se tenir au siège de la LNH. Les discussions seront sans doute passionnées et chacun, représentants des clubs, de la Ligue, de la Fédération Française de handball, des joueurs et des entraîneurs, avancera ses arguments.
Jusque là à l’écoute de toutes les parties concernées, le président de la LNH Philippe Bernat-Salles (notre photo de tête) a accepté de nous faire partager son point de vue.
Alors, Philippe, il va y avoir deux couverts de plus à la table de la LNH ?
La discussion existe mais elle n’est pas nouvelle. On parle d’évolution du championnat, de modification de certains choses, il faut qu’il y ait une avancée mais l’échéance n’est pas encore fixée. Est-ce que cela se fera l’année prochaine, l’année d’après ou peut-être pas ? Personne ne le sait. Mais très sincèrement, un passage à 16 clubs d’ici un mois et demi me semble très compliqué. Il y a l’aspect sportif à préserver. A part Montpellier qui est sûr d’être champion, il y a encore quelques enjeux.
Les avis ne sont pas hostiles mais il y a des réticences sur les modalités…
Je me rappelle qu'il y a un an, lorsque Canal + nous a rejoint, en évoquant sans fixer d’échéances, les play-offs, certains nous ont traités de tous les noms. Je le répète, on ne faisait qu’évoquer l’idée et comme d’habitude, il y a eu un emballement qui n’était pas légitime. La preuve, ça ne s’est pas fait.
Sauf que ce passage à 16 concerne plus de monde...
C'est vrai, beaucoup de personnes s'expriment ouvertement ou pas sur la question. Certains y voient un intérêt particulier, d’autres un intérêt collectif, c’est la raison pour laquelle il faut vraiment mettre le sujet à l’ordre du jour. Et surtout, il faut qu’il y ait un large consensus sur l’attitude à adopter. Si on veut que l’année prochaine, il y ait une élite à 16, c’est une option qui doit être validée assez rapidement mais je suis d'accord, pas dans la précipitation. On évoquera le sujet ce vendredi,lors du comité directeur mais ce sera à l’Assemblée générale de la Ligue de trancher. Et cette AG se réunira en juin.
L'attention est aussi focalisée sur Paris et la possible arrivée d'importants investisseurs
Le problème c’est l’amalgame qui est fait entre le passage à seize et ce que je pourrais appeler entre guillemets "il faut sauver Paris". Je comprends que certaines personnes aient fait le lien, je ne blâme personne mais ce qui me perturbe aujourd’hui, c’est qu’on ne peut plus travailler sereinement comme on aurait pu le faire entre toutes les parties concernées… à la LNH.
Quelle serait la meilleure décision à prendre ?
La meilleure ? C’est celle qui consiste à exposer encore mieux le handball. Mais il faut le faire dans un climat dépassionné. Le passage à 16 peut être très intéressant pour le développement du hand mais je le répète, il n’y a pas d’amalgame à faire avec la situation de Paris et l’arrivée des qatariens. Je suis arrivé à la LNH, il y a plus d’un an et demi et dès le départ, j’ai toujours dit qu’il fallait qu’il y ait un gros club dans la capitale. Comme il y a en football avec le PSG ou en rugby avec le Metro Racing et le Stade Français.
Peut-on vraiment se mettre au diapason du foot ou du rugby ?
Une plateforme parisienne faciliterait le développement du handball au niveau notamment du marketing. Je vais même plus loin. Il faut certes, un grand club avec une belle équipe mais il faut aussi une belle salle digne de ce nom et la possibilité d'y faire tous les deux mois, une opération marketing. Mais à titre personnel, je ne suis en rien lié à l'arrivée d'investisseurs qatariens.
Quelques avis sur la question
Béatrice Barbusse (présidente de l'US Ivry et membre du comité directeur de la LNH):
« Un maintien en LNH ne s’achète pas. Je ne suis pas contre le passage à 16 clubs mais pas dans la précipitation. Il faut prendre le temps d’en discuter. On nous dit qu’une opportunité se présente et qu’il ne faut pas la louper. J’en ai marre des opportunités car on finit par n’avoir plus rien de cohérent. Là, j’ai l’impression que c’est un passage en force et cela ne me plait pas. »
Jérôme Fernandez (Fénix Toulouse - capitaine de l'équipe de France):
« Je ne suis pas foncièrement contre le fait d’avoir deux équipes de plus mais un rallongement du calendrier serait préjudiciable à notre élite (les joueurs de l’équipe de France et les clubs européens). Ensuite, il y a les raisons économiques. Il vaut mieux qu’il y ait quatorze clubs en très bonne santé financière avec des collectifs de qualité, plutôt que seize équipes dont on sait que 2 ou 3 ne pourront pas tenir la cadence. Ou alors, instaurons des play-off et des play-down, il y aurait des enjeux tout au long de la saison mais en maintenant quatorze équipes. »
Jean-Pierre Vandaele (président de Dunkerque handball Grand Littoral):
« Seize clubs, pourquoi pas ? Mais je ne suis pas d'accord pour que les règles soient changées en cours d’année. D’abord pour une question de motivation des équipes, ensuite, parce qu'on sent bien qu'un club a besoin que ça aille vite parce qu’ils ont la pression d'investisseurs qui veulent reprendre une équipe qui reste en 1ère division. Ce n’est pas l’esprit du hand de changer les règles du jeu parce qu'il y a soudain, un apport d’argent. »
Pascal Léandri (entraîneur de l'US Ivry):
« Tant qu'à faire, si le nombre de clubs doit augmenter en LNH, profitons de cette saison pour changer la donne. Il vaut mieux qu'on le fasse alors qu'il ne reste que quelques matches, plutôt que d'avoir dès septembre, un championnat où tout serait figé, où personne ne descendrait. Pour l'enjeu, ce serait très moyen. »
Rémy Lévy (président du Montpellier AHB et de l'Union des Clubs Professionnels):
« Caser d'un coup, quatre journées supplémentaires me parait impossible dans l'immédiat. Il faut prendre du recul. On doit se montrer rigoureux. Je rappelle qu'au cours des deux dernières saisons, on a perdu Aurillac et St Cyr pour des raisons économiques. Il y a toute une organisation, toute une réflexion à mettre en place. Cela doit se faire dans le calme. Avec le calendrier olympique et celui de l'année prochaine, cela va faire trop. Je suis d'accord avec les joueurs quand ils disent que la charge est trop importante. »
Philippe Barberet (président de l'OC Cesson):
« L'intérêt particulier doit-il prendre le pas sur l'intérêt général ? La question reste posée et à vrai dire j'attends une position officielle de la LNH. Si on passe de 14 à 16 dès septembre, est-ce qu'on fausse le championnat ? Quand Chambéry et St Raphaël se seront rencontrés, l'affaire ne sera-t-elle pas réglée ? Si on décide de faire une poule à 16 dans un an, ça signifie que la saison 2012-2013 sera blanche, sans descente. Alors, le championnat sera faussé pendant 26 matches. Je suis donc partagé. »
Sollicités par nos soins, Thierry Anti, le président du syndicat des entraîneurs 7 Master et Marc-Olivier Albertini, le président de l'Association des Joueurs Professionnels nous ont indiqué qu'ils préféraient attendre la réunion du bureau directeur de la LNH, prévue vendredi, pour livrer leur point de vue.