Olivier Krumbholz a du mal à accepter son éviction de la tête de la sélection féminine. Alain Portes prend sa succession et la Fédération Française assume totalement son choix. Ce mardi, une page importante a été tournée pour les filles de France A.
L'avenue conduisant au siège de la Fédération Française a du lui sembler bien longue. Olivier Krumbholz est sorti du siège fédéral sans trop se retourner, se demandant même quand il y remettrait les pieds. Le technicien à la tête de France A féminine sans interruption depuis 1998, avait appris quelques heures plus tôt de la bouche de Joël Delplanque, le président de la FFHB, qu’il était démis de ses fonctions. « C’est un choc, nous a-t-il glissé en guise de premiers commentaires. C’est une décision que je regrette mais que j’accepte aussi car cela peut arriver à n’importe quel entraîneur. Je regrette surtout la temporalité qui est néfaste pour l’équipe de France, la Fédération et moi-même. » Le coach messin a pensé jusqu’au dernier moment que la qualification pour le Mondial arrachée dimanche par les Françaises en Croatie sauverait sa tête et que l’aventure se poursuivrait. Il n’en a rien été. Le président Joël Delplanque estimera quelques minutes plus tard en conférence de presse, que « ce changement était inévitable et se séparer d’Olivier Krumbholz avait été une décision très difficile à prendre mais qu’elle s’imposait. » Habituée à conserver ses cadres sur le long terme et surtout à ménager leur sortie, c’est la rapidité de la sanction qui a étonné. On a souvent reproché à l’ancien sélectionneur des rapports plutôt houleux avec ses joueuses et sa manière autocratique de gérer son environnement. Ce dont s’est défendu le principal intéressé. « Je ne veux pas qu’on travestisse la vérité, met en garde le coach. Mes relations avec le groupe étaient excellentes, il y a eu des tensions mais elles sont nécessaires à la vie d’une grande équipe. J’aurais pu mener l’opération à son terme, la stabilité était le meilleur choix. Maintenant, je pense qu’il faut éviter de dire n’importe quoi pour justifier ma mise à l’écart.» A travers les propos du technicien, on sent poindre une certaine amertume. Il n’évoquera pas ou si peu, son entrevue en début d’après-midi avec Philippe Bana, le DTN et le président de la FFHB. « Nous souhaitons qu’Olivier reste au sein de la Fédération, précisera un peu plus tard, Joël Delplanque. Son investissement et sa connaissance du handball international peuvent nous être très utiles pour les grandes échéances qui nous attendent. Nous organiserons le Mondial masculin 2017 et nous sommes candidats à l’Euro féminin 2018. Il peut aussi intervenir dans la préparation olympique à l’INSEP. »
Mais Olivier Krumbholz a-t-il véritablement envie de rester ? Même s’il a une grande estime pour Alain Portes, n’est-il pas le premier à penser qu’il n’est jamais opportun de vivre dans l’ombre de celui qui vient de lui succéder ? « Je ne peux que lui souhaiter bonne chance. Alain Portes aura tout mon soutien et je sais à quel point c’est très pénalisant lorsqu’on en manque. » Le désormais ancien patron de l’équipe de France féminine va prendre le temps de réfléchir sur ce que pourrait être son avenir. « Ce qui m’arrive est assez brutal donc je n’ai aucune visibilité immédiate. On m’a fait des propositions pour rester dans la maison, j’ai aussi d’autres propositions extérieures, je vais tout étudier. La grande question est de savoir si j’ai envie d’entraîner ou si j’arrête. » Des trémolos dans la voix, l’homme qui a consacré quinze années de son existence à la même tâche est atteint, plus obsédé par ce qu’il a raté que par ce qu’il a réussi. De 2000 à 2012, l’absence de podium olympique pèse apparemment plus lourd que le titre en 2003, les trois médailles d’argent acquises sur d’autres Mondiaux et les deux breloques en bronze à l’Euro. « Pourtant, pour moi, le bilan est bon. Les Jeux restent mon seul regret, mais c’est comme ça. De toute façon, je ne pense pas cette équipe capable de gagner à chaque fois. » Olivier Krumbholz a toujours été envieux de l’insolente réussite de Claude Onesta et de l’équipe masculine. « Peut-être a-t-on trop souffert de la comparaison ? » se risquera-t-il à relever avant de tourner les talons et quitter ce siège de la Fédération par cette longue avenue qui ce mardi, était décidément bien dure à remonter.
Quatre questions à Philippe Bana, directeur technique national
En écartant Olivier Krumbholz, prenez-vous un risque ?
Oui, nous en sommes conscients car on se sépare d’un des meilleurs techniciens du Monde mais nous sommes prêts à assumer. Il faut voir loin, vers Rio, vers l’Euro 2018. Cette décision est froide et douloureuse mais c’est certainement un pari sur l’avenir. Si quelqu’un peut amener un petit plus à ce hand féminin qui est au pied du podium olympique, c’est peut-être Alain Portes. On a réussi à le faire chez les masculins, il n’y a pas de raison qu’on n’y parvienne pas avec les filles.
Cette équipe féminine ne souffre-t-elle pas justement de la comparaison avec les garçons ?
Oui, mais est-ce qu’on doit s’excuser d’être trop ambitieux ? Je ne me satisfais pas du parcours durant cette olympiade, je veux retrouver la dynamique de 2003, je veux que ces filles jouent, que la volonté soit là, à l’image de ce que font les basketteuses. Je ne pense pas que la réussite du hand masculin nous ait fait du mal. On n’est pas hystérique de cette réussite.
Pourquoi être allé chercher Alain Portes ?
Parce que c’est quelqu’un qui a été fabriqué avec des tas de morceaux, une rigueur personnelle, un passé de joueur fantastique, un ancien qui a tout connu, du club féminin au club masculin, le 1er titre dans une coupe d’Europe et lui qui est un ascète, il s’en va en Tunisie, dans une zone volcanique et il y réussit en s’adaptant constamment aux subtilités du pays. On ne sait pas à l’avance, ce qui va se passer mais s’il existe une petite chance de faire plus, ce ne peut être qu’avec lui.
Lorsqu’on sait ce qu’il est advenu du transfert Costantini-Onesta, comment peut-on imaginer une collaboration Krumbholz-Portes ?
On a une extrême chance d’avoir deux personnes très intelligentes. Olivier a une culture du service et s’il reste avec nous, je suis persuadé qu’il se mettra au niveau de son successeur. Quant à Alain Portes, il a une telle admiration pour celui qui le précède, qu’il n’y aura aucun problème. On a là, deux grands sauriens du handball qui se respectent.