Dans son évangile, Saint Luc a dit "Efforcez-vous d'entrer par la porte étroite", rien de plus juste ne peut se dire de la victoire française face à l’Espagne en demi-finale de l’Euro. Si les Bleus seront dimanche de la fête face au Danemark qui a battu en demi-finale la Croatie (29-27), ils le doivent à leur ailier droit qui est passé par des endroits où personne ne soupçonnait que l’on puisse s'engoufrer mais aussi à la grâce d’une fin de match où enfin la base arrière a été percutante.
Pourtant l’entame de match était plus qu’idéale ! On aurait pu dire « décollage tranquille, vitesse de croisière atteinte très rapidement ». Seulement voilà, c’était un peu trop rapide et reposait essentiellement sur une prestation hors norme et énorme de Thierry Omeyer dans les buts. La France semblait avoir retrouvé son mur de Cernay, mais on verra plus tard que cette fois la France aura gagné avec deux gardiens prépondérants. Mais dans le début de match, entre les inspirations de Luc Abalo, la malice de Michael Guigou et la vitesse de Daniel Narcisse, les Espagnols eux ne savaient plus à quel saint se vouer. José Manuel Sierra voyait les ballons finir à tous les coups dans ses buts et la défense n’arrivait pas à contrer Luc Abalo, Valentin Porte et Daniel Narcisse. Seulement si les Bleus ont de l’expérience, les Espagnols en ont tout autant et rapidement ils s’ajustaient face à la problématique bleue. Et surtout Joan Canellas commençait son show. Intenable, l’arrière de Hambourg marquait, organisait, passait et trouvait en Raul Entrerrios son parfait relais et le jeu changeait complètement de maître avec des Bleus soudain arrêtés et surtout contrés systématiquement par la défense ibérique. Nikola Karabatic était l’ombre du joueur dominant du début d’Euro, Cédric Sorhaindo était surveillé comme le lait sur le feu, Daniel Narcisse ne trouvait plus les espaces et Valentin Porte était attendu à 6 mètres là où il est le plus impressionnant. Résultat de 11-6 à la 20° minutes, les Bleus passaient à 12-14 à la pause, un 8-1 qui faisait mal à la tête et surtout semblait donner la main mise pour la seconde période aux champions du Monde. Surtout qu’après avoir été totalement transparent, José Manuel Sierra avait fini aussi fort que Thierry Omeyer n’avait commencé.
Heureusement, les vestiaires allaient régler une bonne partie des problèmes. Même si Canellas était encore intenable, si Julen Aguinagalde se baladait derrière la défense tricolore et que les Bleus se faisaient souvent sanctionner pour poussettes ou des mains au visage, l'amélioration offensive était patente. Rapidement les Tricolores vont revenir à hauteur, paraissant même s’envoler de nouveau avec un 18-16 à la 37° qui sentait bon. Mais l’Espagne n’allait pas mettre longtemps cette fois à régler ses nouveaux problèmes. Si les Maqueda, Rivera et consort perdaient autant de ballons que les Bleus, ils étaient encore très efficaces au shoot. Il fallait un déclic pour que le match bascule, il y en aura en fait deux !
L’entrée de Cyril Dumoulin sur un jet de 7 mètres arrêté devant sa majesté Canellas ! Du coup il restait dans les buts français et se lançait dans un show qui allait mettre les attaquants espagnols à genou. Mais ne pas prendre de but ne signifie pas en marquer, et pour en marquer, place était faite à Saint Luc.
C'est le 2ème déclic: Luc Abalo marquant des buts dans des espaces inexistants mais qu’il trouvait quand même ! Et comme à côté de lui Valentin Porte était aussi sur un nuage, montrant que malgré ses trois mois d’expérience en LNH sur le poste d’arrière droit, le talent peut tout compenser, le Toulousain mettait comme son compère parisien la doublette Sierra – Perez de Vargas au supplice. Pendant que le grand Chambérien multipliait les arrêts, les gardiens espagnols changeaient et essayaient de trouver la bonne carburation face à ce duo de funambule, sans jamais y arriver.
Valentin Porte se permettait même un repli de fou pour gratter un ballon devant Viran Morros et prenait en pleine face la main du défenseur barcelonais. Résultat, balle aux Bleus, Viran Morros dehors jusqu'à la fin du match et Luc Abalo pouvait inscrire le dernier but, laissant Cyril Dumoulin sortir les dernières tentatives désespérées d’une "Roja" qui se savait battue.
Reste maintenant à tenter de finir de plus belle façon encore. Face au Danemark qui dans une Arena survoltée a éliminé la Croatie (29-27), il faudra monter encore de niveau pour de nouveau marcher sur le toit de l’Europe. Nikola Karabatic doit et se doit une revanche, à lui maintenant de prendre les choses en main et montrer qu’il est redevenu le meilleur joueur du monde.
A Herning, Jyske Bank Boxen
Le vendredi 24 janvier à 18h30
France - Espagne : 30 - 27 (Mi-temps : 12-14)
14 000 spectateurs
Arbitres :
MM KRSTIC Nenad et LJUBIC Peter (Slovénie)
Statistiques du match
Evolution du score : 1-1 5°, 5-2 10°, 9-5 15°, 11-6 20°, 12-10 25°, 12-14 30° MT - 16-16 35°, 20-17 40°, 21-20 45°, 24-23 50°, 27-26 55°, 30-27 FT.
les premières réactions...
Claude Onesta, sélectionneur de l'équipe de France: "Avant l'Euro, on était inquiet, on avait des doutes. On était quand même désireux de tout mettre en oeuvre pour y arriver. Au fond de nous, on avait ce rêve-là. On ne peut pas dire aujourd'hui que c'était le match le plus abouti de la compétition, mais cela a véritablement été un match au courage, a défaut de qualité et de précisions. La fin de première mi-temps que nous faisons nous met vraiment en difficulté. On avait complètement débranché car on était peut-être trop facile et le retour des Espagnols nous a fait du mal. Revenir tout de suite dans ce match en deuxième mi-temps, reprendre l'ascendant, c'était bien. Ce qui me satisfait surtout c'est que le transfert de générations est en train de se faire réellement. Valentin Porte a été exceptionnel aujourd'hui. Il bénéficie peut-être du fait que les adversaires le connaissent peu. Peut-être qu'ils lui laissent plus de liberté. On voit aussi la prestation de Cyril Dumoulin dans le dernier quart d'heure qui a été décisif. Igor Anic qui vient au secours de notre défense. C'est la preuve qu'une nouvelle équipe est née. Evidemment, elle se construit sur un socle de talents mais aussi sur beaucoup de générosité. Il nous reste un match. On va d'abord aller boire une bière et ensuite le préparer avec gourmandise."
Thierry Omeyer, gardien "heureux": "On a super bien commencé le match, après on a moins bien négocié les dix dernières minutes. Il sont repassés devant. On ne s'est pas affolé. On savait que l'on avait le temps de revenir. Sur l'ensemble du match, on mérite notre succès. On est allé le chercher même quand cela a été difficile. Cela montre la force mentale de cette équipe. Il y a un super état d'esprit. On est vraiment super contents d'atteindre une nouvelle fois une finale. Je pense que cela va être un grand match dimanche. On va bien récupérer et se préparer pour cela car on a envie d'aller chercher l'or maintenant! Personnellement, je profite car des moments comme celui-là, je ne vais plus en avoir énormément. Je me suis battu pour essayer de revenir à temps. Par rapport à cela, c'est une réelle satisfaction."