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EDF M: L'Allemagne a métamorphosé Kévynn Nyokas

Euro

vendredi 31 octobre 2014 - © Yves Michel

 6 min 7 de lecture

Kévynn Nyokas est à lui seul ce qu'on pourrait appeler un phénomène atypique. Le handball commencé sur le tard, il a gravi les échelons qui l'ont tout naturellement conduit en équipe de France. Depuis cet été, le Francilien a franchi un nouveau cap en signant dans le championnat allemand. Et jusqu'à présent, tout lui réussit.

A dix ans, Kévynn jouait avec Olivier son jumeau, au basket-ball au pied de son immeuble. A quinze, les deux frangins étaient happés par le hand parce qu’un prof de collège les convainc de changer de discipline. A vingt, après un passage à Montgeron puis à Pontault-Combault, ils sont recrutés par le Paris Handball. Mais en 2008, chacun prend une direction opposée. Olivier franchit les Pyrénées et se retrouve en Asobal, Kévynn lui, reste du côté de Coubertin. Cette saison est aussi synonyme de galère. En décembre, l'arrière droit est victime d’une rupture du tendon d’Achille du pied gauche, qui l’éloigne des terrains jusqu’à la fin de la saison. Double punition puisque le club de la capitale est relégué en Pro D2. Un an de purgatoire plus tard, c’est le retour parmi l’élite. Pendant ce temps, l’expérience espagnole a tourné court pour Olivier qui revient à la maison et signe à Créteil. Même s'ils n'évoluent pas dans la même équipe, la complicité entre les deux frères n’a jamais cessé d’exister. Mais le mauvais sort continue de s’acharner sur Kévynn, encore lâché par son tendon d’Achille, cette fois au pied droit. Nouvelle interruption, nouvelles souffrances et nouvelle impatience. Douze matches suffiront pour le remettre en selle et attirer l’œil de Claude Onesta.

De remplaçant pour la tournée en Argentine en juin 2011, le gaucher intègre le groupe, Xavier Barachet s’étant blessé. Kévynn ne ratera désormais aucun stage tricolore. Après un Euro serbe vécu depuis les tribunes, les Jeux de Londres et le Mondial espagnol lui passent sous le nez. Entre temps, il a quitté Paris, devait évoluer à Montpellier mais se retrouve à Chambéry (2012-2014). En janvier, il est dans le bon wagon pour le Danemark. Titularisé dès le 1er match contre la Russie, il crève l’écran en marquant neuf buts. La suite, c’est l’épopée des Tricolores dans leur ensemble et cette finale parfaitement maîtrisée face à Mikkel Hansen et ses compatriotes. Cette année, c’est aussi le moment de changer d’air. Göppingen lui fait une proposition intéressante. Elle l’est encore plus, lorsque Olivier, l'indissociable frangin pourtant annoncé à Nantes, se retrouve lui aussi en Bundesliga. A Balingen, à 100 kilomètres plus au sud. Les débuts de chacun outre-Rhin sont époustouflants.

Cette semaine, Kévynn a franchi la frontière. Jeudi, contre la République Tchèque dans un Phare qui l’a ovationné lors de son apparition en 2ème période, il a inscrit après seulement cinq minutes, son 40ème but chez les Bleus. Deux autres réalisations viendront récompenser ses efforts et Claude Onesta lui fera même confiance en défense sur une 5-1 en position avancée. A 28 ans, Kévynn Nyokas a mis le turbo car il a perdu trop de temps pour réaliser ses rêves.  

Kévynn, l'Allemagne t'a-t-elle changé ? 
Ça se passe très bien, je n'imaginais pas que cela serait à ce point-là. D'entrée, avec mon frère, on a eu de la réussite. Sans douter de moi et de ce que je pouvais faire. C'est surprenant puisque aujourd'hui Olivier est meilleur buteur de Bundesliga (hors tireurs de pénalty). Nous à Göppingen, l'équipe tourne très bien, on est 4ème derrière les gros, Kiel, Rhein Neckar et Flensburg, c'est le pied.

Qu’est-ce qui t’a frappé en arrivant là-bas ?
La culture est totalement différente. Au niveau du handball, c’est une autre conception. On a l’habitude de le dire mais il faut l’avoir vécu pour en témoigner. Les salles sont toujours remplies. Pour un match amical, par exemple, on peut se retrouver avec 4 à 5000 personnes qui font du bruit de la 1ère à la dernière minute. C'est pour ce genre d'ambiance que je fais du sport. Je n'arrête pas d'inciter mes potes à venir voir ce qui se passe en Allemagne.

En plus, Olivier n'est pas très loin
C'est peut-être le hasard, je n'en sais rien. Ça rajoute à la qualité de vie qu'on peut avoir. Depuis cet été, on n'est pas souvent revenu en France car on s'entraîne beaucoup et on est pas mal sollicités. Mais c'est génial de pouvoir se voir 2 à 3 fois par semaine, échanger et manger ensemble. Ça n'a pas de prix et ça rajoute à la dimension fantastique et extraordinaire de cette expérience que l'on peut vivre tous les deux en Allemagne.

Quand on se penche dessus, ton parcours est vraiment atypique
C'est vrai, j'ai bénéficié d'une trajectoire assez spéciale. J'ai commencé le hand très tard, j'ai fait mes classes à Paris et j'ai évolué en tant que jeune joueur. A Chambéry, j'ai beaucoup apporté à l'équipe. Il y a une certaine continuité. Peut-être aurais je du partir en Allemagne plus tôt ? Ce n'est pas un regret mais je me dis que je suis désormais dans mon élément.

Le petit reproche qu'on t'a toujours fait, c'est d'être irrégulier...
C'est mon jeu qui veut ça et c'est quelque chose qu'on va me reprocher longtemps. Je ne pense pas que ce soit justifié. Cette saison, en Bundesliga, je suis plus régulier. Ce reproche me suit depuis ma jeunesse. Ça me colle à la peau aujourd'hui mais cela ne me dérange pas. Je fais mon bonhomme de chemin en me donnant des objectifs à atteindre.

Justement, quels sont tes objectifs ?
Cela fait plus de 3 ans que je suis en équipe de France donc l'objectif c'est d'être appelé régulièrement et jouer le plus de compétitions. Il y a peu d'élus donc je prends la place qu'on me donne. J'étais très heureux sur l'Euro danois lorsque Claude m'a fait démarrer contre la Russie. J'ai les cartes en main et plus on me fait confiance, plus je suis dans d'excellentes conditions. En Allemagne, j'ai la chance d'avoir un grand entraîneur Magnus Andersson. Il a joué avec "la Grande Suède" et il compte sur moi à chaque sortie. On échange beaucoup et il se repose sur ce que je sais faire. Ce Monsieur inspire le respect et avec lui, je ne peux qu'encore progresser.

L'histoire d'une photo et... d'un drapeau

Kévynn Nyokas gardera gravée dans sa mémoire cette fin d'après-midi du 26 janvier 2014 et cette victoire à Herning, sur le sol danois, en finale de l'Euro face au Danemark. Un souvenir indélébile ponctué par plusieurs images. Tout d'abord, la rentrée sur le terrain pour à peine quatre minutes de jeu, le symbole de ses deux buts inscrits, les deux derniers de l'équipe de France venant parachever un magistral succès (32-41), la médaille, la liesse sur le podium et la communion avec les supporters français. Une image (ci-dessus) restera aussi à l'esprit. Celle de l'enfant de Montfermeil brandissant l'étendard tricolore. « C'était instinctif, au moment du coup de sifflet final, j'ai vu un supporter qui me tendait ce drapeau. Je m'en suis emparé, ce n'était pas réfléchi. C'est vrai, c'est une image forte et surtout un moment fort. Etre là et porter ce maillot, c'est un honneur, une immense fierté de pouvoir représenter la France. Les gens qui nous suivent sont fidèles et nous accompagnent. On leur doit beaucoup.» Et Kévynn espère bien entendu renouveler pareil geste lors des précédentes échéances qui attendent l'équipe de France.

EDF M: L'Allemagne a métamorphosé Kévynn Nyokas 

Euro

vendredi 31 octobre 2014 - © Yves Michel

 6 min 7 de lecture

Kévynn Nyokas est à lui seul ce qu'on pourrait appeler un phénomène atypique. Le handball commencé sur le tard, il a gravi les échelons qui l'ont tout naturellement conduit en équipe de France. Depuis cet été, le Francilien a franchi un nouveau cap en signant dans le championnat allemand. Et jusqu'à présent, tout lui réussit.

A dix ans, Kévynn jouait avec Olivier son jumeau, au basket-ball au pied de son immeuble. A quinze, les deux frangins étaient happés par le hand parce qu’un prof de collège les convainc de changer de discipline. A vingt, après un passage à Montgeron puis à Pontault-Combault, ils sont recrutés par le Paris Handball. Mais en 2008, chacun prend une direction opposée. Olivier franchit les Pyrénées et se retrouve en Asobal, Kévynn lui, reste du côté de Coubertin. Cette saison est aussi synonyme de galère. En décembre, l'arrière droit est victime d’une rupture du tendon d’Achille du pied gauche, qui l’éloigne des terrains jusqu’à la fin de la saison. Double punition puisque le club de la capitale est relégué en Pro D2. Un an de purgatoire plus tard, c’est le retour parmi l’élite. Pendant ce temps, l’expérience espagnole a tourné court pour Olivier qui revient à la maison et signe à Créteil. Même s'ils n'évoluent pas dans la même équipe, la complicité entre les deux frères n’a jamais cessé d’exister. Mais le mauvais sort continue de s’acharner sur Kévynn, encore lâché par son tendon d’Achille, cette fois au pied droit. Nouvelle interruption, nouvelles souffrances et nouvelle impatience. Douze matches suffiront pour le remettre en selle et attirer l’œil de Claude Onesta.

De remplaçant pour la tournée en Argentine en juin 2011, le gaucher intègre le groupe, Xavier Barachet s’étant blessé. Kévynn ne ratera désormais aucun stage tricolore. Après un Euro serbe vécu depuis les tribunes, les Jeux de Londres et le Mondial espagnol lui passent sous le nez. Entre temps, il a quitté Paris, devait évoluer à Montpellier mais se retrouve à Chambéry (2012-2014). En janvier, il est dans le bon wagon pour le Danemark. Titularisé dès le 1er match contre la Russie, il crève l’écran en marquant neuf buts. La suite, c’est l’épopée des Tricolores dans leur ensemble et cette finale parfaitement maîtrisée face à Mikkel Hansen et ses compatriotes. Cette année, c’est aussi le moment de changer d’air. Göppingen lui fait une proposition intéressante. Elle l’est encore plus, lorsque Olivier, l'indissociable frangin pourtant annoncé à Nantes, se retrouve lui aussi en Bundesliga. A Balingen, à 100 kilomètres plus au sud. Les débuts de chacun outre-Rhin sont époustouflants.

Cette semaine, Kévynn a franchi la frontière. Jeudi, contre la République Tchèque dans un Phare qui l’a ovationné lors de son apparition en 2ème période, il a inscrit après seulement cinq minutes, son 40ème but chez les Bleus. Deux autres réalisations viendront récompenser ses efforts et Claude Onesta lui fera même confiance en défense sur une 5-1 en position avancée. A 28 ans, Kévynn Nyokas a mis le turbo car il a perdu trop de temps pour réaliser ses rêves.  

Kévynn, l'Allemagne t'a-t-elle changé ? 
Ça se passe très bien, je n'imaginais pas que cela serait à ce point-là. D'entrée, avec mon frère, on a eu de la réussite. Sans douter de moi et de ce que je pouvais faire. C'est surprenant puisque aujourd'hui Olivier est meilleur buteur de Bundesliga (hors tireurs de pénalty). Nous à Göppingen, l'équipe tourne très bien, on est 4ème derrière les gros, Kiel, Rhein Neckar et Flensburg, c'est le pied.

Qu’est-ce qui t’a frappé en arrivant là-bas ?
La culture est totalement différente. Au niveau du handball, c’est une autre conception. On a l’habitude de le dire mais il faut l’avoir vécu pour en témoigner. Les salles sont toujours remplies. Pour un match amical, par exemple, on peut se retrouver avec 4 à 5000 personnes qui font du bruit de la 1ère à la dernière minute. C'est pour ce genre d'ambiance que je fais du sport. Je n'arrête pas d'inciter mes potes à venir voir ce qui se passe en Allemagne.

En plus, Olivier n'est pas très loin
C'est peut-être le hasard, je n'en sais rien. Ça rajoute à la qualité de vie qu'on peut avoir. Depuis cet été, on n'est pas souvent revenu en France car on s'entraîne beaucoup et on est pas mal sollicités. Mais c'est génial de pouvoir se voir 2 à 3 fois par semaine, échanger et manger ensemble. Ça n'a pas de prix et ça rajoute à la dimension fantastique et extraordinaire de cette expérience que l'on peut vivre tous les deux en Allemagne.

Quand on se penche dessus, ton parcours est vraiment atypique
C'est vrai, j'ai bénéficié d'une trajectoire assez spéciale. J'ai commencé le hand très tard, j'ai fait mes classes à Paris et j'ai évolué en tant que jeune joueur. A Chambéry, j'ai beaucoup apporté à l'équipe. Il y a une certaine continuité. Peut-être aurais je du partir en Allemagne plus tôt ? Ce n'est pas un regret mais je me dis que je suis désormais dans mon élément.

Le petit reproche qu'on t'a toujours fait, c'est d'être irrégulier...
C'est mon jeu qui veut ça et c'est quelque chose qu'on va me reprocher longtemps. Je ne pense pas que ce soit justifié. Cette saison, en Bundesliga, je suis plus régulier. Ce reproche me suit depuis ma jeunesse. Ça me colle à la peau aujourd'hui mais cela ne me dérange pas. Je fais mon bonhomme de chemin en me donnant des objectifs à atteindre.

Justement, quels sont tes objectifs ?
Cela fait plus de 3 ans que je suis en équipe de France donc l'objectif c'est d'être appelé régulièrement et jouer le plus de compétitions. Il y a peu d'élus donc je prends la place qu'on me donne. J'étais très heureux sur l'Euro danois lorsque Claude m'a fait démarrer contre la Russie. J'ai les cartes en main et plus on me fait confiance, plus je suis dans d'excellentes conditions. En Allemagne, j'ai la chance d'avoir un grand entraîneur Magnus Andersson. Il a joué avec "la Grande Suède" et il compte sur moi à chaque sortie. On échange beaucoup et il se repose sur ce que je sais faire. Ce Monsieur inspire le respect et avec lui, je ne peux qu'encore progresser.

L'histoire d'une photo et... d'un drapeau

Kévynn Nyokas gardera gravée dans sa mémoire cette fin d'après-midi du 26 janvier 2014 et cette victoire à Herning, sur le sol danois, en finale de l'Euro face au Danemark. Un souvenir indélébile ponctué par plusieurs images. Tout d'abord, la rentrée sur le terrain pour à peine quatre minutes de jeu, le symbole de ses deux buts inscrits, les deux derniers de l'équipe de France venant parachever un magistral succès (32-41), la médaille, la liesse sur le podium et la communion avec les supporters français. Une image (ci-dessus) restera aussi à l'esprit. Celle de l'enfant de Montfermeil brandissant l'étendard tricolore. « C'était instinctif, au moment du coup de sifflet final, j'ai vu un supporter qui me tendait ce drapeau. Je m'en suis emparé, ce n'était pas réfléchi. C'est vrai, c'est une image forte et surtout un moment fort. Etre là et porter ce maillot, c'est un honneur, une immense fierté de pouvoir représenter la France. Les gens qui nous suivent sont fidèles et nous accompagnent. On leur doit beaucoup.» Et Kévynn espère bien entendu renouveler pareil geste lors des précédentes échéances qui attendent l'équipe de France.

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