Dans un Mondial complètement fou où déjà la Suède puis le Danemark, l’Allemagne et la Croatie sont passés à la trappe, la France retrouve donc l’Espagne en demi-finale. C’est assurément le plus gros défi à surmonter et l’adversaire le plus coriace qui se dresse sur la route des Bleus avant d’envisager une 5ème étoile.
De notre envoyé spécial à Doha, Yves Michel
L’Espagnol n’est pas rancunier mais a le souvenir tenace. 8 août 2012, Copper Box à Londres, la France a retrouvé son voisin pyrénéen en quart de finale des JO. Il ne reste que 50 secondes à jouer, les deux équipes sont dos à dos (22-22). Le demi-centre Joan Canellas rate le tir pour passer devant. Le chrono continue sa course folle, l’enclenchement est français et Niko Karabatic prend le shoot. Arpad Sterbik est sur la trajectoire mais il n’arrive pas à contrôler un ballon au rebond capricieux qui échoue sur… William Accambray. Le Cannois n’a même pas le temps d’armer, tire et marque. La France est dans le carré final ! Cet épisode, certains Espagnols ne l’ont toujours pas digéré. La revanche est programmée en demi-finale de l’Euro danois, moins d'un an et demi plus tard. Les débats sont serrés, les hommes de Cadenas n’ont jamais laissé ceux d’Onesta prendre véritablement le large (25-25 à la 53ème). Dans l’équipe de France, il y a "Tchouf" et "Niko" qui connaissent l’Asobal sur le bout de leurs doigts mais aussi un certain "Lucio". L’artiste entame sa démonstration et en 4 minutes, plante trois missiles successifs. L’affaire est entendue. Le face à face a encore basculé du côté français.
Dès ce mercredi soir, lorsque l'affiche a été connue, c'est un dialogue de sourds qui s'est installé entre les deux équipes, chacun habillant l'autre du costume de favori. Le champion d'Europe 2014 contre le champion du Monde 2013. « Même si le parcours est aléatoire, arriver en demi-finale d’une compétition signifie qu’on fait partie de ceux qui l’ont dominée, reconnait Claude Onesta. Après, c’est la bouteille à l’encre. Ça va se jouer à pas grand-chose. On va retrouver une équipe qui est vraiment de notre niveau, avec des joueurs qui ont autant d'expérience que les nôtres. Pour nous, c’est une confirmation de l’Euro de l’an dernier et une stabilisation de notre niveau de performance. J’entendais Jérôme (Fernandez) dire que c’était sa 7ème demi-finale mondiale, pour ma part, la 6ème, ça fait beaucoup mais on ne s’en lasse pas. » Ce vendredi, ce seront de franches retrouvailles mais pas une franche rigolade.
Les hommes-clé d'un collectif bien huilé
L’Espagne est assurément l’adversaire le plus difficile qui pouvait se présenter sur la route des Français. Au Qatar, elle est la seule à avoir réalisé une éloquente série (sept succès de rang et une qualification pour une 5ème demi-finale d’affilée). Cette régularité n’est pas fortuite, Manolo Cadenas bénéficie du travail amorcé en 2008 par un certain Valero Rivera. Dix des seize joueurs présents à Doha figuraient déjà dans l’équipe consacrée il y a deux ans à Barcelone. Les fondations étaient saines, il n'y avait plus qu'à les consolider ou s'adapter aux circonstances. Arpad Sterbik n’était pas rétabli après une intervention au ménisque ? Qu’à cela ne tienne, le sélectionneur a renouvelé sa confiance à Gonzalo Perez de Vargas. Quelle bonne pioche! L’ancien joueur de Toulouse et désormais coéquipier de Nikola Karabatic et Cédric Sorhaindo au FC Barcelone, figure dans le Top 3 des gardiens les plus efficaces du Mondial. Cadenas peut aussi se vanter d’avoir confirmé le remuant ailier Valero Rivera, poison des défenses qui tardent à se replier et dissuasion à 7 mètres. Tout comme "Gonzi", le Nantais a rendu largement la monnaie de la pièce (39 buts à 83% dont un 12/14 aux pénalties). Joan Canellas (photo ci-dessus) est l'autre élément clé de l’ensemble ibérique. C’est lui qui a inscrit l’ultime but mercredi face au Danemark, envoyant la "Roja" en demi-finale. Le meneur de jeu connait toutes les ficelles du métier. Il a écumé la Liga Asobal (avec Didier Dinart, Jérôme Fernandez et Luc Abalo à Ciudad Real) et à presque 27 ans, mis le cap vers la Bundesliga. D'abord coéquipier de Kentin Mahé à Hambourg, l'été dernier, il s'est réfugié à Kiel. L’homme est athlétique (1.98 pour 100 kg), mobile et un danger permanent pour les défenses adverses. Les autres sont pas mal non plus. Il y a bien sûr les anciens comme Viran Morros, le célibataire de la bande, Julen Aguinagalde (photo du bas), le "torito" pivot, le régulateur Raul Entrerrios, sans oublier le fantasque nantais Jorge Maqueda qui depuis trois saisons, en fait voir de toutes les couleurs à Thierry Anti. « Ce qu’il faut surtout mettre en avant, insiste l’ancien parisien Antonio Garcia, c’est notre grand esprit d’équipe. Le collectif passe avant tout, chacun est là pour l’autre. Lorsqu’il y a eu un moment compliqué à traverser, c’est cet incroyable esprit d’équipe qui nous a sorti d’affaire. Face à la France, on s’attend à un match très serré mais cela va être particulier. Ils nous ont souvent battus ces dernières années mais comme on veut être encore une fois, champions du Monde, il faudra l’emporter. »
La guerre des nerfs et des faux-semblants a commencé. Ils ne sont pas dans le même hôtel mais inévitablement lors de la conférence de presse des demi-finalistes ce jeudi ou sur les réseaux sociaux, certains vont se risquer à quelques phrases bien senties. C'est le résumé d'une histoire d'amour qui dure et qui dans le handball, n'est pas prête de s'arrêter.
Ce qu'ils en pensent...
Michaël Guigou: "C'est une équipe qui sait nous faire déjouer et par rapport à ça, il va falloir qu'on soit bien vigilants dans la préparation, il ne faudra jamais s'affoler, même s'ils sont devant et quoiqu'il se passe. On retrouve en face des joueurs qui ont gagné la Ligue des Champions et on sait que la moindre erreur peut être fatale"
Nikola Karabatic: "C'est le remake de la demie de l'Euro, c'est pour moi, LE grand favori de ce Mondial, ils vont être très revanchards et pour moi tout comme Cédric qui jouons là-bas, ce sera particulier. Mais ce que je voudrais souligner quand même, c'est qu'on est toujours là avec un niveau très élevé avec surtout des jeunes qui s'intègrent et qui donnent l'impression d'être là depuis 10 ans. Valentin, Luka, Kentin m'impressionnent vraiment."
Dragan Gajic (ailier slovène de Montpellier): "J'espère de tout cœur que les Français vont gagner le championnat. Pour avoir joué les deux équipes, je pense que la France est plus forte que l'Espagne. Je vois une finale France-Pologne et le titre pour la France."
Gag télévisuel
On va finir par croire que le groupe TF1 s'est positionné sur le handball dans le seul but d'enquiquiner son éternel rival France Télévisions et sans être animé du moindre intérêt pour la discipline. La demi-finale sera bien diffusée en clair ce vendredi dès 19h00 (heure française) pas sur la chaîne leader mais sur... TMC, appartenant au groupe et plus connue pour son Télé Achat ou ses séries surannées. On murmure en haut lieu que la direction de la 1ère chaîne, informée que le match débutait à 19h n'a pas voulu raccourcir (avec diffusion d'un quart d'heure à la mi-temps) sa messe du 20h. Si la France se qualifie en finale, la diffusion sera-t-elle programmée sur HD1 ou NT1 ?
BeIN sports fidèle au handball depuis le début du Mondial diffusera comme d'habitude, la rencontre avec aux commentaires le duo d'attaque Thomas Villechaize-"Zouzou" Houlet et Xavier Hamel pour les impressions au bord du terrain.