Le Qatar en demi-finale ! Qui l'eût cru il y a encore une dizaine de jours ? Certes, le pays organisateur d'une compétition est toujours placé dans de meilleures conditions que les autres mais jusque-là, cet émirat n'avait pas d'histoire avec la discipline.
De notre envoyé spécial à Doha, Yves Michel
Après avoir intrigué et même fait sourire les plus sceptiques, les performances de l'équipe du Qatar sont désormais dans toutes les conversations et suscitent un intérêt grandissant au point de voir certains raconter des histoires dignes des contes des Mille et Une nuits. La dernière en date relate que lors du dernier quart de finale remporté par les hommes de Valero Rivera, l'émir qui avait apprécié le comportement de "ses joueurs" est descendu dans le vestiaire, non seulement pour chaleureusement les féliciter mais également pour ajouter une rallonge à la prime individuelle des 500 000 dollars déjà promise en cas de qualification après la phase de poule. Lorsque d'ailleurs ce jeudi matin, au cours du "Media Day", un journaliste danois a posé la question à Danijel Saric si sa famille était heureuse de tout l'argent qu'il avait accumulé en si peu de temps, le portier de Barcelone naturalisé qatari pour la circonstance, est devenu rouge de colère et a tourné les talons. Le handball qatari fait jaser, ça c'est sûr et fait aussi écrire. Tous les journaux locaux sont présents sur l'évènement et "Doha Stadium" une sorte d'Equipe Magazine en anglais n'a pas hésité à faire sa Une sur le hand en titrant que l'instant était historique. Dans ce même tabloïd papier glacé, un reportage est consacré à Claude Onesta qui selon nos confrères représente ce que doit être le hand international.
Alors le hand qatari, réalité ou chimère qui comme une baudruche se dégonflera dès le championnat terminé ? « Je pense qu'on a déjà écrit l'histoire, nous confie sans détours le pivot tuniso-qatari Youssef Benali (notre photo). On a eu une préparation exceptionnelle d'un an et demi et avec les renforts dont on a bénéficié, l'équipe a pu se construire. » Le mot est lâché. Ces "renforts" attirés par des espèces sonnantes et trébuchantes, sont les personnages centraux. Youssef Bénali, Bertrand Roiné, Danijel Saric, Borja Fernandez, Zarko Markovic, Rafaël Capote ou Goran Stojanovic pour ne citer que les étrangers les plus en vue, sont venus certes pour disputer un Mondial qu'ils n'auraient plus vécu avec leur sélection d'origine mais également pour prendre au passage un peu de monnaie. « On a prouvé sur le terrain que notre équipe était de qualité, balbutie Youssef Bénali, pivot de 26 ans, formé à l'Espérance de Tunis et "oublié" d'une sélection tunisienne à laquelle il aurait pu aisément prétendre. Ce n'est plus mon problème. Ils n'ont pas voulu de moi, tant pis pour eux. Le Qatar était ma seule chance de jouer au niveau international, j'ai prouvé que je le méritais et je suis désormais tourné sur cette demi-finale. » Pour en arriver là, le Qatar a également engagé un coach 4 étoiles au palmarès éloquent. Valero Rivera est arrivé à Doha quelques mois après avoir remporté à la tête de la "Roja" espagnole le dernier titre de champion du Monde. Il n'a bien entendu pas été attiré dans l'émirat avec du vinaigre et a eu carte blanche pour façonner une équipe performante. « Il a apporté avant tout la confiance pour ceux qui arrivaient d'horizons différents mais aussi une certaine rigueur, souligne Youssef Bénali. Si les résultats sont là, ce n'est pas par hasard. » Tant que le Qatar gagne, personne à Doha n'aborde les sujets qui dérangent. Quid de tous ces naturalisés à la hâte et qui peut-être perdront leur statut, pactole et privilèges parce que la Pologne, l'adversaire en demie, aura chamboulé leur dessein ? « C'est sûr qu'ici, le hand n'est pas un sport... traditionnel mais je peux vous assurer qu'il n'y a pas que l'aspect financier. Je ne sais pas de quoi sera fait mon avenir, ce Mondial nous met en valeur, mon rêve est encore de jouer en Europe et pourquoi pas en Champions League... » Youssef Bénali vit donc au jour le jour. Son futur peut être déjà scellé ce week-end. Qu'importe ! Il a déjà gagné son pari. Etre le 1er Tunisien en demi-finale d'un championnat du Monde depuis 2005, année au cours de laquelle ses compatriotes Hmam, Megannem et autres Tej avaient échoué au pied du podium.
A noter que lors des 25 dernières années, depuis le championnat du Monde de 1990 en Tchécoslovaquie, le pays organisateur a remporté l'épreuve à trois reprises. La France en 2001, l'Allemagne en 2007 et l'Espagne en 2013.