bandeau handzone

EDF F : comment construire sur cette médaille d’argent ?

International

vendredi 26 août 2016 - © Pierre Menjot

 6 min 44 de lecture

Auréolée de sa première breloque olympique, l’équipe de France féminine va désormais s’attaquer à un défi encore plus grand : confirmer lors de la prochaine olympiade, avec l’Euro 2018 à domicile comme prochain objectif. Pour cela, elle doit travailler sur le socle bâti au Brésil, comme le préconisent nos experts interrogés.

Tout juste rentrées de Rio, les Bleues enchaînent les rendez-vous. Goûter à l’Élysée, tournée des médias et partenaires, retrouvailles en famille. Les 16 filles ayant décroché l’argent aux Jeux olympiques peuvent savourer. Mais il s’agit pourtant de débriefer et de se projeter sur la prochaine olympiade amenant à Tokyo 2020, avec l’Euro 2018 qui se tiendra en France. Ce Championnat d’Europe, comme les Jeux, constituent deux échéances à ne pas manquer, outre les deux Mondiaux (Allemagne 2017, Japon 2019).

Le mental ne suffira pas
« Le plus gros du travail reste à faire, prévient Christine Vanparys, internationale plus d’une centaine de fois entre 2002 et 2009. Souvent, par le passé, une bonne compétition en entraînait une moins bonne, on restait un peu sur nos acquis. Là, cette équipe commence à créer son histoire. Soit les filles s’assoient sur leur médaille, se disent "c’est tout beau, tout rose" et se relâchent ; soit elles ont encore faim et en veulent d’autres. Dans ce cas, il faut travailler encore plus car le mental et la force de caractère ont leurs limites. »

Au Brésil, c’est en effet le cœur, l’envie de ce collectif qui ont impressionné. « Même en difficulté, elles ont toujours trouvé des ressources, souligne Arnaud Gandais, ancien entraîneur d’Issy-Paris dont il est aujourd’hui le directeur général. Les filles voulaient montrer à ceux qu’elles pensent être leurs détracteurs qu’elles étaient capables de faire quelque-chose, et montrer au président de la fédé qu’il avait eu raison de leur faire confiance en rappelant Olivier Krumbholz. Elles se devaient d’être solidaires, de tout donner et cela s’est vu, elles n’ont jamais abandonné, même si en termes de jeu, ça n’a pas été flamboyant. » Cet état d’esprit peut-il être décliné sur la longueur pour répéter ce genre de performances ? Sans doute pas, du moins pas en se construisant avec un désir de revanche permanent. Mais il n’a pas été le seul argument présenté par les Bleues, qui ont surtout retrouvé leur défense pour faire déjouer tous leurs adversaires au long de la compétition.

La défense comme garantie
Suffisant pour cueillir de futures médailles ? « Le groupe a atteint son maximum, pense Pierre Mangin, ancien sélectionneur de France jeunes qui a vu passer la majorité des joueuses argentées à Rio. Après 2012, je savais que d’autres nations allaient nous passer devant et que notre place serait plutôt entre 5 et 8e au niveau mondial, avec la possibilité d’entrer une fois dans le dernier carré. Là, cette finale est un petit exploit pour moi. On a l’une des meilleures défenses, avec deux gardiennes très complémentaires, mais le problème est qu’on a du mal à marquer plus de 24 buts. Donc je ne pense pas qu’elles puissent faire beaucoup mieux, mais j’espère me tromper. »

Au contraire, Arnaud Gandais se veut, lui, plutôt optimiste. « Il faut aussi s’extasier de ça, cette densité physique, cette volonté au combat, ce côté besogneux. Ça fait partie de nos gênes et nos adversaires nous redoutent pour ça. Continuons à cultiver cette force collective en essayant d’avancer sur nos faiblesses. » Et pourquoi pas évoluer en défense également ? « On se contente d’une défense 0-6, certes efficace, mais une défense plus offensive permettrait de récupérer des balles, estime Mangin. On a les filles pour avoir des stratégies un peu plus offensives. Allison Pineau, par exemple, était très efficace en poste avancé, elle avait un gros abattage. »

La relève attendue en attaque
Reste que le principal chantier demeure le secteur offensif. « Des jeunes comme Estelle (Nze Minko, 25 ans) et Gnonsiane (Niombla, 26 ans) ont commencé à éclore, veut croire Christine Vanparys. On ne peut plus s’appuyer que sur 4-5 joueuses en attaque. Ces jeunes ont les qualités, elles le prouvent chaque week-end en club, mais une Chloé Bulleux, par exemple, est trop inefficace sur les tirs. Elle doit passer un cap. »

« Le problème,
reprend Pierre Mangin, c’est qu’Estelle, Gnonsiane, Allison (Pineau) ou Grace (Zaadi) ne sont pas vraiment des arrières tireuses. Il nous manque une canonnière. Je pensais qu’Audrey Bruneau (partie à Hypo, en Autriche, ndlr) pourrait l’être : elle réussissait des choses extraordinaires à 16 ans, mieux que Neagu au même âge. Sans buteuse de loin, ça va être difficile de progresser. Et je pense qu’on va manquer de pivot tonique pour la suite, d’ailière droite aussi. Je ne vois pas trop d’éléments pour renforcer cette équipe dans les années à venir, jusqu’à ce que la génération 98 (6e du Mondial jeunes cet été) arrive. »

« Il y a plein d’autres joueuses qui poussent derrière, croit au contraire Gandais. En pivot, une fille comme Sophia Fehri (Issy-Paris, 20 ans) entrera tôt ou tard dans le dispositif. Je pense aussi à Coatanea (Nantes, 23 ans) sur l’aile droite, ou Kouyaté (Nice, 21 ans). En arrière gauche, Kalidiatou Niakaté (Issy-Paris, 21 ans) a été perturbée par les blessures, il faut voir, mais Nelly Plazanet (20 ans) fait une belle saison avec Besançon. Il n’y a pas de raisons qu’elles ne continuent pas à toutes progresser. Et il faut aussi analyser nos concurrents. Le Monténégro va rentrer dans le rang, l’Espagne aussi. Il reste la Norvège, la Russie et les Pays-Bas. Le Danemark et la Roumanie feront le yoyo. La France doit faire partie du carré de tête. »

Avec quel coach ?
Revenu en janvier pour monter une « opération commando » pour Rio, Olivier Krumholz a rempli sa mission. Son adjoint de toujours, Éric Baradat, a déjà signalé qu’il arrêtait. Mais le Messin n’a toujours rien dit. « Quand on a une médaille aux Jeux, pourquoi remettre en cause l’entraîneur ?, s'interroge Vanparys. Olivier a l’expérience, une approche différente qui fonctionne. Il a pris du recul avec ce côté autoritaire qui nous stressait beaucoup. » « En tout cas, il ne faut pas trop toucher le groupe, poursuit Mangin. Là, il semble qu’il y ait un équilibre, ç’a l’air serein, elles se sont toutes remises de leurs problèmes et il ne faut pas trop chambouler. Même si d’ici Tokyo, j’espère qu’une fille ou deux viendra parce qu’elles auront progressé. » Pour un résultat similaire ? Le handball féminin français signerait des deux mains.

EDF F : comment construire sur cette médaille d’argent ? 

International

vendredi 26 août 2016 - © Pierre Menjot

 6 min 44 de lecture

Auréolée de sa première breloque olympique, l’équipe de France féminine va désormais s’attaquer à un défi encore plus grand : confirmer lors de la prochaine olympiade, avec l’Euro 2018 à domicile comme prochain objectif. Pour cela, elle doit travailler sur le socle bâti au Brésil, comme le préconisent nos experts interrogés.

Tout juste rentrées de Rio, les Bleues enchaînent les rendez-vous. Goûter à l’Élysée, tournée des médias et partenaires, retrouvailles en famille. Les 16 filles ayant décroché l’argent aux Jeux olympiques peuvent savourer. Mais il s’agit pourtant de débriefer et de se projeter sur la prochaine olympiade amenant à Tokyo 2020, avec l’Euro 2018 qui se tiendra en France. Ce Championnat d’Europe, comme les Jeux, constituent deux échéances à ne pas manquer, outre les deux Mondiaux (Allemagne 2017, Japon 2019).

Le mental ne suffira pas
« Le plus gros du travail reste à faire, prévient Christine Vanparys, internationale plus d’une centaine de fois entre 2002 et 2009. Souvent, par le passé, une bonne compétition en entraînait une moins bonne, on restait un peu sur nos acquis. Là, cette équipe commence à créer son histoire. Soit les filles s’assoient sur leur médaille, se disent "c’est tout beau, tout rose" et se relâchent ; soit elles ont encore faim et en veulent d’autres. Dans ce cas, il faut travailler encore plus car le mental et la force de caractère ont leurs limites. »

Au Brésil, c’est en effet le cœur, l’envie de ce collectif qui ont impressionné. « Même en difficulté, elles ont toujours trouvé des ressources, souligne Arnaud Gandais, ancien entraîneur d’Issy-Paris dont il est aujourd’hui le directeur général. Les filles voulaient montrer à ceux qu’elles pensent être leurs détracteurs qu’elles étaient capables de faire quelque-chose, et montrer au président de la fédé qu’il avait eu raison de leur faire confiance en rappelant Olivier Krumbholz. Elles se devaient d’être solidaires, de tout donner et cela s’est vu, elles n’ont jamais abandonné, même si en termes de jeu, ça n’a pas été flamboyant. » Cet état d’esprit peut-il être décliné sur la longueur pour répéter ce genre de performances ? Sans doute pas, du moins pas en se construisant avec un désir de revanche permanent. Mais il n’a pas été le seul argument présenté par les Bleues, qui ont surtout retrouvé leur défense pour faire déjouer tous leurs adversaires au long de la compétition.

La défense comme garantie
Suffisant pour cueillir de futures médailles ? « Le groupe a atteint son maximum, pense Pierre Mangin, ancien sélectionneur de France jeunes qui a vu passer la majorité des joueuses argentées à Rio. Après 2012, je savais que d’autres nations allaient nous passer devant et que notre place serait plutôt entre 5 et 8e au niveau mondial, avec la possibilité d’entrer une fois dans le dernier carré. Là, cette finale est un petit exploit pour moi. On a l’une des meilleures défenses, avec deux gardiennes très complémentaires, mais le problème est qu’on a du mal à marquer plus de 24 buts. Donc je ne pense pas qu’elles puissent faire beaucoup mieux, mais j’espère me tromper. »

Au contraire, Arnaud Gandais se veut, lui, plutôt optimiste. « Il faut aussi s’extasier de ça, cette densité physique, cette volonté au combat, ce côté besogneux. Ça fait partie de nos gênes et nos adversaires nous redoutent pour ça. Continuons à cultiver cette force collective en essayant d’avancer sur nos faiblesses. » Et pourquoi pas évoluer en défense également ? « On se contente d’une défense 0-6, certes efficace, mais une défense plus offensive permettrait de récupérer des balles, estime Mangin. On a les filles pour avoir des stratégies un peu plus offensives. Allison Pineau, par exemple, était très efficace en poste avancé, elle avait un gros abattage. »

La relève attendue en attaque
Reste que le principal chantier demeure le secteur offensif. « Des jeunes comme Estelle (Nze Minko, 25 ans) et Gnonsiane (Niombla, 26 ans) ont commencé à éclore, veut croire Christine Vanparys. On ne peut plus s’appuyer que sur 4-5 joueuses en attaque. Ces jeunes ont les qualités, elles le prouvent chaque week-end en club, mais une Chloé Bulleux, par exemple, est trop inefficace sur les tirs. Elle doit passer un cap. »

« Le problème,
reprend Pierre Mangin, c’est qu’Estelle, Gnonsiane, Allison (Pineau) ou Grace (Zaadi) ne sont pas vraiment des arrières tireuses. Il nous manque une canonnière. Je pensais qu’Audrey Bruneau (partie à Hypo, en Autriche, ndlr) pourrait l’être : elle réussissait des choses extraordinaires à 16 ans, mieux que Neagu au même âge. Sans buteuse de loin, ça va être difficile de progresser. Et je pense qu’on va manquer de pivot tonique pour la suite, d’ailière droite aussi. Je ne vois pas trop d’éléments pour renforcer cette équipe dans les années à venir, jusqu’à ce que la génération 98 (6e du Mondial jeunes cet été) arrive. »

« Il y a plein d’autres joueuses qui poussent derrière, croit au contraire Gandais. En pivot, une fille comme Sophia Fehri (Issy-Paris, 20 ans) entrera tôt ou tard dans le dispositif. Je pense aussi à Coatanea (Nantes, 23 ans) sur l’aile droite, ou Kouyaté (Nice, 21 ans). En arrière gauche, Kalidiatou Niakaté (Issy-Paris, 21 ans) a été perturbée par les blessures, il faut voir, mais Nelly Plazanet (20 ans) fait une belle saison avec Besançon. Il n’y a pas de raisons qu’elles ne continuent pas à toutes progresser. Et il faut aussi analyser nos concurrents. Le Monténégro va rentrer dans le rang, l’Espagne aussi. Il reste la Norvège, la Russie et les Pays-Bas. Le Danemark et la Roumanie feront le yoyo. La France doit faire partie du carré de tête. »

Avec quel coach ?
Revenu en janvier pour monter une « opération commando » pour Rio, Olivier Krumholz a rempli sa mission. Son adjoint de toujours, Éric Baradat, a déjà signalé qu’il arrêtait. Mais le Messin n’a toujours rien dit. « Quand on a une médaille aux Jeux, pourquoi remettre en cause l’entraîneur ?, s'interroge Vanparys. Olivier a l’expérience, une approche différente qui fonctionne. Il a pris du recul avec ce côté autoritaire qui nous stressait beaucoup. » « En tout cas, il ne faut pas trop toucher le groupe, poursuit Mangin. Là, il semble qu’il y ait un équilibre, ç’a l’air serein, elles se sont toutes remises de leurs problèmes et il ne faut pas trop chambouler. Même si d’ici Tokyo, j’espère qu’une fille ou deux viendra parce qu’elles auront progressé. » Pour un résultat similaire ? Le handball féminin français signerait des deux mains.

Dans la même rubrique

  1 2 3 4