Toutes les Allemandes qui inaugurent le 23ème championnat du monde féminin, ce vendredi face au Cameroun (19 h, à Leipzig), évoluent au pays. Toutes, sauf deux, familières du public français : Xenia Smits est l’arrière gauche de Metz depuis 2015, Isabell Klein vit sa deuxième saison à Nantes. L’arrière droit germano-ligérienne est heureuse, impatiente, de pouvoir disputer un tel événement dans son pays. Son objectif minimal : le dernier carré. A condition de ne pas en faire une obsession.
Vu de l’autre rive du Rhin, c’est le Mondial du siècle. Le mois dernier, la fédération allemande (DHB) célébrait les cent ans de l’édiction des règles ancestrales du jeu, le 29 octobre 1917 à Berlin.
Dans l’histoire récente, le chiffre des unités porte bonheur aux dames. En 1997, la République fédérale accueillait déjà les meilleures joueuses de la planète. Elle avait terminé sur le podium, derrière le Danemark et la Norvège. Dix ans après, dans ce qu’on appelait encore le Palais omnisports de Paris-Bercy, la Frauenmannschaft de Grit Jurack et Sabine Englert se parait à nouveau de bronze. Sa dernière médaille internationale à ce jour.
Nous sommes en 2017, l’Allemagne s’apprête à organiser un championnat du monde. La garantie absolue d’une breloque ? « Ca serait facile ! », coupe Isabell Klein (en défense en photo de tête face à la Serbe Liscevic). Plus pragmatique que superstitieuse, l’arrière droit de Nantes (33 ans) ne parle même pas ouvertement d’une cinquième étoile, qui suivrait 1971, 75, 78 (RDA) et 1993, après la réunification.
« On veut aller en demi-finales. C’est l’objectif », approuvé et réitéré par le sélectionneur, Michael Biegler (*). Plutôt raisonnable, pour un ensemble arrivé sixième du championnat d’Europe 2016. Atteindre Hambourg, son carré final dans quinze jours, ça donne quand même trois chances sur quatre de finir avec du métal autour du cou…
« Quelque chose de grand, d'incroyable »
Cet horizon est encore lointain, hypothétique. A la veille du jour J, l’une des rares internationales allemandes à préférer notre LFH à la Bundesliga (avec l’arrière gauche de Metz Xenia Smits, 23 ans et 32 sélections) ignore encore si elle sera partie prenante du début des réjouissances. Son coach se donne encore une nuit pour réduire son groupe de 22 à 16 joueuses.
Dans le doute, elle s'abstient de penser à autre chose qu'au Cameroun, hors d'œuvre du groupe D (**). Un raisonnement personnel et collectif, éprouvé en Suède. « L’année dernière, pendant l’Euro, l’entraîneur donnait toujours des objectifs pour un match. Si on les atteignait, on gagnait. Dans la préparation, on fait le travail physique et tactique, et on se dit que le prochain match est le plus important. »
Le contexte, évidemment, sera totalement différent de la Scandinavie. Comme de la Chine (2009) ou au Brésil (2011), les deux éditions du Mondial auxquelles Isabell Klein, qui a raté les deux suivants sur blessure, a participé. « C’étaient deux cultures complètement différentes. Les voyages étaient très longs, on ne savait pas où on allait. »
L’étranger n’a rien de comparable avec ce qui s’annonce à Leipzig, en première semaine, devant 6500 compatriotes. « Faire un Mondial à la maison, c’est quelque chose de grand, d’incroyable. C’est un truc spécial, qui ne va arriver qu’une fois dans une carrière. On est toujours content d’avoir la possibilité de faire quelque chose comme ça. »
« Pas de compétition avec Dominik », champion du monde 2007
L’excitation, l’impatience de démarrer masquent-elles du stress, une peur de décevoir les attentes légitimes du public ? De se trouer comme les garçons, éliminés du Mondial français de janvier dès les huitièmes de finale ? « On fait du sport professionnel, argumente la Bavaroise aux 86 capes. On doit toujours montrer qu’on est capables de performer. Alors, ça ne sera pas une pression négative. Avec les spectateurs allemands derrière nous, on aura un gros avantage. »
Le 4 février 2007, à Cologne, l’ex-joueuse de Buxtehude avait pu mesurer jusqu’où l’atout peut mener. Elle avait, en effet, vécu en direct le sacre planétaire de son ailier gauche de mari, Dominik Klein, sous les ordres d’Heiner Brand. « J’étais dans la salle quand ils ont gagné la demi-finale (contre la France, après prolongation) et la finale (face à la Pologne, 29-24). Je me souviens bien de ces moments-là. C’était incroyable, indescriptible. »
S’il y a un champion du monde dans le couple d'expatriés nantais, pourquoi pas deux ? « On peut se l’imaginer, en rit Isabell Klein. Mais à la maison, il n’y a pas de compétition. Je ne dis pas : Dominik a eu ça, je veux ça aussi. C’est plus pour nous, pour le handball féminin allemand. On a la possibilité de jouer ce Mondial à la maison, alors ce serait super d’avoir une médaille. » Faire au mieux, plutôt que faire à tout prix pareil que Monsieur…
les 2 expatriées de la sélection allemande, Klein et la Messine Xenia Smits
(*) sélectionneur des femmes depuis avril 2016, Biegler sera remplacé par Henk Groener, l’architecte des succès néerlandais jusqu’aux Jeux Olympiques 2016, à partir du 1er janvier 2018.
(**) le groupe de l’Allemagne comprend aussi la Corée du Sud, la Serbie, la Chine et les Pays-Bas.