C’est fait ! Grâce à une finale exceptionnelle d’intensité et de solidarité, les Françaises ont renversé tous les pronostics en dominant la Norvège (23-21) en finale du championnat du monde. D’Amandine Leynaud, encore une fois exceptionnelle, à Manon Houette, fabuleuse de vitesse et de détermination sur son aile gauche en passant par Orlane Kanor, entrée cinq minutes pour deux buts déterminants, les Bleues sont toutes à honorer, féliciter et admirer. A 11 mois et demi de l’Euro en France, gagner ce Mondial donne toute sa place aux filles dans le panthéon du handball français.
De notre envoyé spécial à Hambourg (Allemagne)
Comment réagir quand une puissante vague de bonheur vous submerge ? Toutes les attitudes sont permises. A la manière d'un tennisman vainqueur de Grand Chelem, Manon Houette a escaladé les premières marches des tribunes pour enlacer des connaissances, des supporters, et s'emparer d'un drapeau bleu-blanc-rouge. Grace Zaadi, doctorante en dancefloors, s'est déhanchée plus intensément qu'après un énième titre du Metz HB. Blandine Dancette et Camille Ayglon, les Nîmoises canal historique, n'ont pas retenu leurs sanglots. Alexandra Lacrabère a rugi, comme après avoir inscrit le penalty du sacre, quelques instants plus tôt (22-20, 58').
La gamme des émotions est immense. Aussi grande que le chef d'œuvre accompli. Quatorze ans après Myaro, Nicolas, Vogein, Pecqueux-Rolland et compagnie, l'équipe de France féminine a brodé sa deuxième étoile de championne du monde. Pour la coudre, elle a fendu en deux la mer rouge. La couleur dominante de la Barclaycard Arena d'Hambourg, majoritairement peuplée de supporters norvégiens extatiques. Celle de la nation dominante du jeu à sept féminin des années 2010, invaincue en finale depuis l'Euro 2012 (défaite contre le Monténégro).
Ce crime de lèse-majesté, à l'échelle de la balle collante, les filles d'Olivier Krumbholz l'ont commis en restant elles-mêmes. En condensant, sur une heure, toute leur quinzaine entre Trèves, Leipzig et la ville-Etat du nord de l'Allemagne. Elles ont vacillé en première période, se sont parfois compliqué inutilement la tâche, mais rien ne les a jamais ébranlées.
Les sanctions arbitrales, une fois de plus à leur désavantage (quatre exclusions à une) ? Même pas mal. La motricité, la vivacité du duo infernal Stine Oftedal (1/7, 6 passes) / Nora Mork (6/11, 5 passes) ? Même pas peur. Se faire embrocher de bonne heure (4-4, 9' puis 4-8, 13'). Même pas fait gaffe... Les Françaises étaient dans leur bulle. Dans leur monde. Jusqu'au bout. Totalement indifférentes au discours de clôture d'Hassan Mustafa, le patron de l'IHF, elles savouraient l'instant sans modération, perches à selfie en évidence.
Malgré quelques étourderies, malgré une 0-6 norvégienne coercitive pour les arrières, les nouvelles Miss Monde ont avancé tout en contrôle. En finale comme aux tours précédents. Impavides entre toutes, Amandine Leynaud et Cléopâtre Darleux ont paré trois jets de 7 mètres. Considérant le +2 final, le titre planétaire s'est certainement joué dans l'un de ces face-à-face avec Mork, Stine Oftedal et Kristiansen.
Et vers la cinquantième minute, à 18-18, quand le palpitant s'accélérait de partout, il y avait quelque chose de sidérant à voir le poids du monde reposer sur les frêles épaules d'une gamine de vingt ans. Orlane Kanor, la dernière appelée dans le collectif, a succédé à Niombla, Niakaté, Nze Minko (dans l'ordre chronologique) au poste d'arrière gauche. Celui qui a le plus tracassé Olivier Krumbholz pendant la compétition.
Au culot, comme elle le ferait en LFH ou Ligue des Champions, la Guadeloupéenne a transpercé Katrine Lunde Haraldsen (19-18, 52'). Comme, précédemment, Estelle Nze Minko, alias la soliste, ou Manon Houette, dont la tonicité et l'adresse à l'aile gauche ont de nouveau épaté (4/4).
Sur le podium, personne ne voulait lâcher ce trophée translucide que Siraba Dembélé, la capitaine de cette génération dorée 2.0, a brandi la première. Il était 19h26, ce dimanche 17 décembre 2017, quand a résonné l'indémodable « We are the champions ». Dehors, la nuit est tombée très en avance sur Hambourg. Mais sur la planète handball, près de onze mois après le triomphe des Experts à Paris-Bercy, le ciel n'a jamais été aussi bleu. Et dire que les championnats d'Europe (les messieurs en janvier, les dames fin novembre à la maison) arrivent au galop...
Laurisa Landre : « Mentalement, on a été énormes »
Orlane Kanor (arrière gauche) : « Ca fait bizarre, c'est un truc de fou ! En plus, j'ai pu jouer... C'est incroyable ! Je réaliserai peut-être demain... Je ne m'attendais déjà pas à être sélectionnée la première fois, alors arriver en finale du championnat du monde et gagner... On a gagné la Norvège au bon moment, c'est à dire maintenant. »
Laurisa Landre (pivot) : « On sait qu'on est championnes du monde, on est super contentes, mais on ne s'en rend pas compte. Mentalement, le match a été très difficile. On a été énormes de rester dans le match quand la Norvège est revenue. Dès le départ, on savait que ça se gagnerait dans la tête. On l'a fait d'une manière impériale, comme on ne l'avait jamais fait auparavant. »
Grace Zaadi (meilleure demi-centre du tournoi) : « J'ai passé les dernières secondes à dire : ''Les meufs, on est championnes du monde !'' Honnêtement, je n'ai jamais douté. Jamais. Un match, c'est long. On est devant, derrière, au coude à coude... On a mal débuté (défaite 23-24 face à la Slovénie), on finit sur la plus haute marche. Ca fait partie d'un Mondial. Etre meilleure demi-centre, je ne m'en fiche pas. C'est encourageant pour la suite. »
Olivier Krumbholz (sélectionneur, champion du monde 2003 et 2017) : « On a su tenir la balle, mais pas que. Comme en demi-finale, on a su conclure au moment au l'adversaire revenait fort. Dans ce type de match, quand le temps passe très vite, c'est que ça va bien. Le gros danger contre la Norvège, c'est de se faire décrocher. A partir du moment où on était un peu devant ou a égalité, c'est elle qui a fini par craquer et gamberger. Tout le monde a apporté quelque chose, avec un petit plus pour Amandine (Leynaud), qui nous a soulagés quand il fallait nous sortir quelques ballons exceptionnels. Je prends un plaisir immense à coacher ces filles. »
Stine Oftedal (demi-centre norvégienne) « C'est très dur à supporter. Nous avions fait un très bon championnat avant cette finale. Je suis vraiment déçue et je me sens coupable. Nous espérions tant un autre résultat. »
Le diaporama du match par S. Pillaud FFHB
Les neuf marches de la gloire
Premier tour (2-8 décembre, à Trèves, deuxième place du groupe B) : FRANCE - Slovénie 23-24 ; FRANCE - Angola 26-19 ; FRANCE - Paraguay 35-13 ; FRANCE - Espagne 25-25 ; FRANCE - Roumanie 26-17.
Huitième de finale (10 décembre, à Leipzig) : FRANCE - Hongrie 29-26.
Quart de finale (12 décembre, à Leipzig) : FRANCE - Monténégro 25-22.
Demi-finale (15 décembre, à Hambourg) : FRANCE - Suède 24-22.
Finale (17 décembre, à Hambourg) : FRANCE - Norvège 23-21.
A Hambourg, Barclaycard Arena
Le dimanche 17 décembre à 17h30
France - Norvège : 23 - 21 (Mi-temps : 11-10)
11 261 spectateurs.
Arbitres : Mmes Hansen et Christiensen (Danemark)
Evolution du score : 2-4 5°, 4-6 10°, 5-7 15°, 9-9 20°, 11-10 25°, 11-10 MT - 14-12 35°, 16-15 40°, 17-17 45°, 18-18 50°, 21-20 55°, 23-21 FT.