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EURO M: France-Suède, nous nous sommes tant haïs !

Euro

samedi 20 janvier 2018 - © Yves Michel

 7 min 16 de lecture

Après une domination sans grand partage dans les années 90, la Suède est rentrée dans le rang en assumant ses choix et en subissant surtout, la suprématie des Français. La confrontation de cette fin d'après-midi à Zagreb, en ouverture du tour principal de l'Euro pour les deux équipes, sera la 55ème du genre. Le bilan est largement en faveur des Nordiques qui n'ont pas remporté un match officiel face aux Bleus depuis, 2014. Et encore, celui-là, n'avait aucun enjeu.

par Yves MICHEL, envoyé spécial à Zagreb


Dans la culture du handball scandinave, dominer n’est pas seulement un exercice, c’est aussi un état d’esprit, une nécessité. Les années 90 comme le rappelle souvent Philippe Bana, le directeur technique national, ont été les plus douloureuses pour les Français. « Une domination insupportable et une accumulation d’une énorme frustration jusqu’à cet instant où Greg Anquetil s’enfonce dans son couloir au terme de la finale du 2001 (pas besoin de préciser qu’il s’agissait du Mondial) et là aussi, les Suédois font preuve d’une forme de mépris car ils le laissent aller comme s’il n’y avait aucun danger. Cet instant, selon moi, a bouleversé le sens de l’histoire. » Il y aura derrière quelques succès suédois (notamment un titre européen en 2002) mais le regard n’est plus le même. « On peut même dire que cette période coïncide à un crash pour eux. Ils ont commis l’erreur de faire vieillir une génération de trentenaires, tellement forte avec les Wislander, Olsson, Lövgren, Magnus Andersson et Lindgren, sans penser à la relève. Et il y a un trou de presque dix ans. Délai nécessaire à la formation de nouveaux joueurs.»

En 2009, les Tricolores entament le tour principal du Mondial à Zagreb face à cette équipe qui depuis quelques temps, montrent ses limites. La confrontation a été sérieusement préparée… à la 9ème minute, la France est largement devant (6-1) mais perd Didier Dinart, blessé à la cuisse gauche. Sans son défenseur exclusif, elle parvient à garder le même niveau de jeu, Titi excelle dans ses cages, Niko Karabatic et Michaël Guigou (7 buts chacun) sont au-dessus des nuages. Les Bleus s’imposent 28-21.

Bis repetita en 2011, qui plus est, suprême humiliation en terre sainte à Malmö. La poignée de supporters tricolores qui ont fait le déplacement est submergée dans l’arène par une déferlante jaune et bleue. Mais à la fin du match, ce sont les Gaulois qui exultent. Encore une fois, Mika a sorti le grand jeu (8/7), entrainant dans son sillage un Bertrand Gille phé-no-mé-nal (notre photo - 8/8). Les Vikings de l’époque ont pour nom Kallman, Sjostrand, Jernemyr, Karlsson et un jeune ailier de 20 ans, Niklas Ekberg pointe le bout de son nez.  A l’entrée du dernier quart d’heure, la France d’Onesta compte 7 longueurs d’avance, elle se fera peur dans le money-time (+2 à la 56ème), elle clôturera sans souci (26-29, s’offrant un billet royal pour la finale.

Il ne faut pas attendre trop longtemps pour des retrouvailles. Cette fois, le cadre est somptueux : les Jeux Olympiques de Londres en 2012. La méfiance est toujours de mise mais les Français ont forgé leur statut. Ils battent les Nordiques lors du tour préliminaire (29-26) avant de les retrouver dans une autre dimension, en finale.  La Suède n’a jamais pu toucher le Graal, les Tricolores eux, ont connu ce bonheur suprême quatre ans plus tôt à Pékin. Les débats sont serrés, le jeune Ekberg est toujours là, il a pris de l’assurance et fait mal à la défense française (6 buts). Mais en face, il y a des lions en cage qui gèrent parfaitement un suspense intenable. A l’entrée du money-time, les partenaires de Jérôme Fernandez sont devant (18-21) sauf que leur attaque tombe en panne. Guigou à 7 mètres et Abalo mangent la feuille  et à 1 minute du terme, Niko qui n’a pas été à son avantage pendant le match, prend 2’. Et c’est Ekberg (photo ci-dessous) qui fait le forcing et permet à la Suède de revenir à 1 but. "Lucio" a dans ces dernières secondes, un trait de génie et met tout le monde d’accord (21-22).

Didier Dinart a raccroché un an plus tôt lorsque la France se retrouve à l’Euro en 2014. Guillaume Gille a mis fin lui aussi à sa carrière internationale, Bertrand le frangin, n’en est pas loin. Grébille et Porte sont là pour prendre le relais. La France hérite de la Suède lors du dernier match du tour principal. Les Scandinaves n’ont plus rien à espérer de la compétition, les Tricolores avec 5 succès en 5 matches sont déjà qualifiés pour les demies. Onesta a lancé ceux qui n’avaient pas eu trop de temps de jeu, la Suède qui quel que soit l’enjeu, n’a jamais considéré une opposition contre la France comme anodine, s’impose pour l’honneur (28-30). Ekberg est toujours là et Zachrisson est l’éclaireur de la nouvelle génération.

2015… les gratte-ciels de Doha, la température quasi-caniculaire alors qu’il neige sur la Vieille Europe, le Qatar abrite un Mondial qui se veut hors normes. Les Suédois ont toujours en travers de la gorge leur finale olympique perdue et héritent de la France en fin de phase de poules. L’enjeu est de taille, la 1ère place du groupe et un 8ème réputé plus abordable. La Suède offre une belle résistance et pousse son vis-à-vis dans ses derniers retranchements. Si bien qu’en entrant dans le money-time, rien n’est décidé et la victoire peut basculer d’un côté comme de l’autre. Nikola Karabatic n’a pas trouvé l’inspiration face aux buts (0/5), Kentin Mahé le plus suédois des "Frenchies" l’a avantageusement suppléé (5/6), Guillaume Joli (photo ci-dessous) a été impérial, stratosphérique aux pénos (il n’est entré que pour cela et s’en est sorti avec maestria) et comme "Titi" a décidé de tout fermer (18 arrêts) rivalisant de belle manière avec un autre grand, Mattias Andersson dans la cage adverse (15 arrêts), les hommes d’Onesta parviennent à s’imposer (27-25). Ekberg… est toujours là, le coup de barre vers une jeunesse bondissante n’est pas encore dans les plans de Staffan Olsson et Ola Lindgren. D’ailleurs après un nouvel échec, les deux joueurs mythiques qui n’ont pas connu autant de réussite comme coaches, passent la main.

La dernière confrontation se déroule en 2017 en France dans le Nord, à Villeneuve d’Ascq. Seize ans sont passés, le coup de poignard de Greg Anquetil n’est toujours pas oublié chez les anciens qui depuis longtemps, ont troqué la balle pégueuse pour une canne à pêche au bord des méandres du lac Mälaren. L’opposition est animée, le fervent public lillois n’est pas de trop. Kentin Mahé encore lui, est décidément à l’aise face à une nation qu’il porte aussi dans son cœur grâce à sa grand-mère qui a habité Stockholm. Le joueur de Flensburg réussit cinq pénalties et trois buts de champ, Ludo Fabregas lui, en fait voir de toutes les couleurs aux centraux suédois qui ne savent comment l’arrêter, surtout sans provoquer la faute. Le quart de finale est maîtrisé, parfois stressant mais ce jour-là, la France est en communion avec ses supporters (33-30). Comme elle le sera jusqu’au bout de la compétition. A 29 ans, Niklas Ekberg est devenu capitaine de la sélection qui depuis 2016, a pris un entraîneur… islandais. Le renouveau est annoncé, Andresson fait table rase du passé et décide de revivifier le contenu de ses réserves. D’où l’apparition des Jeppson, Tollbring ou Lukas Nilsson. Ces trois-là étaient encore dans le bac à sable lorsqu’en 2002, la Suède a remporté le dernier titre à son palmarès, celui de champion d’Europe… chez elle.


Ce 20 janvier, une nouvelle page va s’écrire à l’Arena de Zagreb. Les deux nations qui ont marqué le handball pendant plus de deux décennies se retrouvent face à face. Une semaine va ensuite s’écouler. Samedi prochain, ce sera veille de finale. Mais dès ce soir 20 janvier, on connaîtra le nom de l'équipe qui a le plus de chances d'entrer dans ce carré final. « Ces dernières années, conclue Philippe Bana, les Suédois sont venus titiller les Français. A chaque fois, ils sont venus cogner pour tenter de reprendre la place, à chaque fois, comme un boxeur, on les a repoussés avec une bonne allonge. Il n'est pas garanti qu'on le fasse 150 fois. Aujourd'hui, on a peut-être moins de banc mais on a gardé le savoir-faire du boxeur. Et surtout, il faut constamment les surestimer et ne pas se satisfaire du simple fait que depuis dix ans, on les a toujours renvoyés dans les cordes..»

EURO M: France-Suède, nous nous sommes tant haïs !  

Euro

samedi 20 janvier 2018 - © Yves Michel

 7 min 16 de lecture

Après une domination sans grand partage dans les années 90, la Suède est rentrée dans le rang en assumant ses choix et en subissant surtout, la suprématie des Français. La confrontation de cette fin d'après-midi à Zagreb, en ouverture du tour principal de l'Euro pour les deux équipes, sera la 55ème du genre. Le bilan est largement en faveur des Nordiques qui n'ont pas remporté un match officiel face aux Bleus depuis, 2014. Et encore, celui-là, n'avait aucun enjeu.

par Yves MICHEL, envoyé spécial à Zagreb


Dans la culture du handball scandinave, dominer n’est pas seulement un exercice, c’est aussi un état d’esprit, une nécessité. Les années 90 comme le rappelle souvent Philippe Bana, le directeur technique national, ont été les plus douloureuses pour les Français. « Une domination insupportable et une accumulation d’une énorme frustration jusqu’à cet instant où Greg Anquetil s’enfonce dans son couloir au terme de la finale du 2001 (pas besoin de préciser qu’il s’agissait du Mondial) et là aussi, les Suédois font preuve d’une forme de mépris car ils le laissent aller comme s’il n’y avait aucun danger. Cet instant, selon moi, a bouleversé le sens de l’histoire. » Il y aura derrière quelques succès suédois (notamment un titre européen en 2002) mais le regard n’est plus le même. « On peut même dire que cette période coïncide à un crash pour eux. Ils ont commis l’erreur de faire vieillir une génération de trentenaires, tellement forte avec les Wislander, Olsson, Lövgren, Magnus Andersson et Lindgren, sans penser à la relève. Et il y a un trou de presque dix ans. Délai nécessaire à la formation de nouveaux joueurs.»

En 2009, les Tricolores entament le tour principal du Mondial à Zagreb face à cette équipe qui depuis quelques temps, montrent ses limites. La confrontation a été sérieusement préparée… à la 9ème minute, la France est largement devant (6-1) mais perd Didier Dinart, blessé à la cuisse gauche. Sans son défenseur exclusif, elle parvient à garder le même niveau de jeu, Titi excelle dans ses cages, Niko Karabatic et Michaël Guigou (7 buts chacun) sont au-dessus des nuages. Les Bleus s’imposent 28-21.

Bis repetita en 2011, qui plus est, suprême humiliation en terre sainte à Malmö. La poignée de supporters tricolores qui ont fait le déplacement est submergée dans l’arène par une déferlante jaune et bleue. Mais à la fin du match, ce sont les Gaulois qui exultent. Encore une fois, Mika a sorti le grand jeu (8/7), entrainant dans son sillage un Bertrand Gille phé-no-mé-nal (notre photo - 8/8). Les Vikings de l’époque ont pour nom Kallman, Sjostrand, Jernemyr, Karlsson et un jeune ailier de 20 ans, Niklas Ekberg pointe le bout de son nez.  A l’entrée du dernier quart d’heure, la France d’Onesta compte 7 longueurs d’avance, elle se fera peur dans le money-time (+2 à la 56ème), elle clôturera sans souci (26-29, s’offrant un billet royal pour la finale.

Il ne faut pas attendre trop longtemps pour des retrouvailles. Cette fois, le cadre est somptueux : les Jeux Olympiques de Londres en 2012. La méfiance est toujours de mise mais les Français ont forgé leur statut. Ils battent les Nordiques lors du tour préliminaire (29-26) avant de les retrouver dans une autre dimension, en finale.  La Suède n’a jamais pu toucher le Graal, les Tricolores eux, ont connu ce bonheur suprême quatre ans plus tôt à Pékin. Les débats sont serrés, le jeune Ekberg est toujours là, il a pris de l’assurance et fait mal à la défense française (6 buts). Mais en face, il y a des lions en cage qui gèrent parfaitement un suspense intenable. A l’entrée du money-time, les partenaires de Jérôme Fernandez sont devant (18-21) sauf que leur attaque tombe en panne. Guigou à 7 mètres et Abalo mangent la feuille  et à 1 minute du terme, Niko qui n’a pas été à son avantage pendant le match, prend 2’. Et c’est Ekberg (photo ci-dessous) qui fait le forcing et permet à la Suède de revenir à 1 but. "Lucio" a dans ces dernières secondes, un trait de génie et met tout le monde d’accord (21-22).

Didier Dinart a raccroché un an plus tôt lorsque la France se retrouve à l’Euro en 2014. Guillaume Gille a mis fin lui aussi à sa carrière internationale, Bertrand le frangin, n’en est pas loin. Grébille et Porte sont là pour prendre le relais. La France hérite de la Suède lors du dernier match du tour principal. Les Scandinaves n’ont plus rien à espérer de la compétition, les Tricolores avec 5 succès en 5 matches sont déjà qualifiés pour les demies. Onesta a lancé ceux qui n’avaient pas eu trop de temps de jeu, la Suède qui quel que soit l’enjeu, n’a jamais considéré une opposition contre la France comme anodine, s’impose pour l’honneur (28-30). Ekberg est toujours là et Zachrisson est l’éclaireur de la nouvelle génération.

2015… les gratte-ciels de Doha, la température quasi-caniculaire alors qu’il neige sur la Vieille Europe, le Qatar abrite un Mondial qui se veut hors normes. Les Suédois ont toujours en travers de la gorge leur finale olympique perdue et héritent de la France en fin de phase de poules. L’enjeu est de taille, la 1ère place du groupe et un 8ème réputé plus abordable. La Suède offre une belle résistance et pousse son vis-à-vis dans ses derniers retranchements. Si bien qu’en entrant dans le money-time, rien n’est décidé et la victoire peut basculer d’un côté comme de l’autre. Nikola Karabatic n’a pas trouvé l’inspiration face aux buts (0/5), Kentin Mahé le plus suédois des "Frenchies" l’a avantageusement suppléé (5/6), Guillaume Joli (photo ci-dessous) a été impérial, stratosphérique aux pénos (il n’est entré que pour cela et s’en est sorti avec maestria) et comme "Titi" a décidé de tout fermer (18 arrêts) rivalisant de belle manière avec un autre grand, Mattias Andersson dans la cage adverse (15 arrêts), les hommes d’Onesta parviennent à s’imposer (27-25). Ekberg… est toujours là, le coup de barre vers une jeunesse bondissante n’est pas encore dans les plans de Staffan Olsson et Ola Lindgren. D’ailleurs après un nouvel échec, les deux joueurs mythiques qui n’ont pas connu autant de réussite comme coaches, passent la main.

La dernière confrontation se déroule en 2017 en France dans le Nord, à Villeneuve d’Ascq. Seize ans sont passés, le coup de poignard de Greg Anquetil n’est toujours pas oublié chez les anciens qui depuis longtemps, ont troqué la balle pégueuse pour une canne à pêche au bord des méandres du lac Mälaren. L’opposition est animée, le fervent public lillois n’est pas de trop. Kentin Mahé encore lui, est décidément à l’aise face à une nation qu’il porte aussi dans son cœur grâce à sa grand-mère qui a habité Stockholm. Le joueur de Flensburg réussit cinq pénalties et trois buts de champ, Ludo Fabregas lui, en fait voir de toutes les couleurs aux centraux suédois qui ne savent comment l’arrêter, surtout sans provoquer la faute. Le quart de finale est maîtrisé, parfois stressant mais ce jour-là, la France est en communion avec ses supporters (33-30). Comme elle le sera jusqu’au bout de la compétition. A 29 ans, Niklas Ekberg est devenu capitaine de la sélection qui depuis 2016, a pris un entraîneur… islandais. Le renouveau est annoncé, Andresson fait table rase du passé et décide de revivifier le contenu de ses réserves. D’où l’apparition des Jeppson, Tollbring ou Lukas Nilsson. Ces trois-là étaient encore dans le bac à sable lorsqu’en 2002, la Suède a remporté le dernier titre à son palmarès, celui de champion d’Europe… chez elle.


Ce 20 janvier, une nouvelle page va s’écrire à l’Arena de Zagreb. Les deux nations qui ont marqué le handball pendant plus de deux décennies se retrouvent face à face. Une semaine va ensuite s’écouler. Samedi prochain, ce sera veille de finale. Mais dès ce soir 20 janvier, on connaîtra le nom de l'équipe qui a le plus de chances d'entrer dans ce carré final. « Ces dernières années, conclue Philippe Bana, les Suédois sont venus titiller les Français. A chaque fois, ils sont venus cogner pour tenter de reprendre la place, à chaque fois, comme un boxeur, on les a repoussés avec une bonne allonge. Il n'est pas garanti qu'on le fasse 150 fois. Aujourd'hui, on a peut-être moins de banc mais on a gardé le savoir-faire du boxeur. Et surtout, il faut constamment les surestimer et ne pas se satisfaire du simple fait que depuis dix ans, on les a toujours renvoyés dans les cordes..»

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