Une cocotte-minute, un chaudron, c'est dans une ambiance survoltée que la France retrouve la Croatie avant d'entrer dans les finalités de l'Euro. Un match où les Tricolores ont les cartes en main même si l'éventualité d'une élimination existe. Neuf ans après le Mondial disputé dans le même pays, les retrouvailles à Zagreb risquent d’être très tendues.
par Yves MICHEL, envoyé spécial à Zagreb
Inverser la pression si tant est qu’elle existe vraiment, bien montrer que ce match n’est pas joué d’avance et qu’il ne répondra en rien à une série de calculs savants, ne se focaliser que sur soi-même, de prime abord, certaines phrases paraissent convenues et d’une banalité déconcertante mais le message que les Français veulent faire passer est très clair. « Il faut gagner la Croatie car on en a besoin pour disputer la demi-finale. » Au cours de sa longue et riche carrière de joueur puis d’entraîneur, Didier Dinart a retenu la leçon. En Pologne, il y a deux ans, on lui avait assuré que la France était dans une situation favorable et qu’il était quasi inconcevable que la Croatie face au pays hôte renverse la table et inscrive les 7 buts nécessaires pour se qualifier. Les Croates en ont passé 14, grillant les Tricolores sur le poteau en les privant de demi-finale. « Spéculer, c’est déjà perdre un match, l’équipe a fait un travail très cohérent depuis le début et je pense ne pas me tromper si j’affirme que personne ne nous attendait à ce niveau. » Tout partait pourtant mal. L’arrêt d’Omeyer et de Narcisse, la cascade de blessés amputant notamment le poste d’arrière gauche, c’est apparemment dans l’adversité et la cohésion que l’équipe de France a retrouvé des vertus. Ce mercredi et on a tendance à l’oublier c’est plutôt la Croatie qui se retrouve le dos collé au dur que le contraire. Une défaite face aux Tricolores et les hommes de Cervar verront la demie et inévitablement ce qui suit depuis les tribunes ou devant leur télé. « Entre les deux pays, le caractère amical de l’opposition n’existe pas, renchérit le patron des Bleus. Tout va jouer, le cadre, les supporters, l’ambiance, les arbitres… » Au-delà de toutes ces considérations, les résultats détermineront l’ordre du classement. En demi-finales, le 1er du groupe 1 rencontrera le 2ème du groupe B et inversement. «On n’en est pas encore là, insiste Didier Dinart, on n’a pas de choix à faire. » Un sentiment partagé par Jérôme Fernandez qui a bien entendu vécu intensément tous ces grands moments. « 1er, 2ème comme adversaire, à ce stade de la compét’, on s’en fout un peu. A partir du moment où on est en demie, quelle que soit l’équipe qui va se dresser devant nous, cela va être compliqué. » Et l’ancien capitaine de la sélection de poursuivre… « L’idéal serait d’utiliser la profondeur du banc comme Didier l’a bien fait face à la Suède. Pour arriver un peu plus frais que les autres sur la demi-finale. » La formule est ainsi faite, seule équipe à avoir aligné une série de 5 victoires en autant de match, la France n’est toujours pas qualifiée pour la suite, pire même par un concours de circonstances arithmétiques, elle peut être débarquée. « Arriver dans un tel contexte, pour moi, est une vraie motivation, conclue Didier Dinart. Peut-être que les Norvégiens ont subi cette pression, cela ne doit pas être notre cas. On n’a pas à faire de calculs, les cartes sont entre nos mains, on a fait de belles performances et si on devait perdre de 8 buts, on n’aurait pas notre place au Championnat d’Europe. »
L’état de santé de Vincent Gérard
Sorti à la 18ème minute du match contre la Serbie et remplacé par Cyril Dumoulin, Vincent Gérard s’est fait une entorse au pouce mais il pourra tenir sa place. Bien obligé de toute façon puisque Didier Dinart a utilisé ses deux changements et le cas échéant, s’il devait remplacer son gardien de buts, il devrait attendre la fin du tour principal.
La Croatie dans sa bulle
Les Croates eux, se préparent à l’abri des regards dans un autre hôtel du centre-ville de Zagreb. Depuis qu’ils ont quitté Split et la phase de poule, les hommes de Lino Cervar essaient de communiquer le moins possible et surtout pas avec la presse étrangère. Certains se méfient même des médias locaux qui selon un de nos confrères de RTL, diffuseur officiel de la compétition, sont accusés de ne pas assez soutenir la sélection et d’être assez critiques à son encontre. Cervar par exemple a essuyé de vives critiques sur la gestion du cas Duvnjak. Mais depuis le succès, on peut même parler de la démonstration de la Croatie face à la Norvège, samedi dernier, les liens se sont resserrés et un consensus semble exister entre les médias et l’équipe nationale. Dans une ultime conférence de presse et comme le rapportent les sites croates, Luka Stepancic, l’arrière droit du PSG (notre photo) a reconnu que les matches face aux Français étaient "particuliers" et que la motivation était supérieure lorsque la Croatie les affrontait.
La star montante de l’équipe : Luka Cindric
C’est à Luka Cindric que l’équipe s’en remet lorsqu’elle est en mauvaise posture et les ballons qu’il gagne ou les tirs qu’il prend, sont très souvent bonifiés. Celui qui la saison passée a remporté avec le Vardar, la finale de la Ligue des Champions aux dépens du PSG, a la lourde tâche de mener le jeu à la place de Domagoj Duvnjak. Le demi-centre de Kiel s’est blessé le 12 janvier dernier à la jambe droite et depuis, a complètement disparu. Comme il revenait de blessure, la polémique n’a pas épargné l’entourage de la sélection sur un match face à la Serbie où l’écart avait été fait et sa présence n’était plus nécessaire. En attendant un éventuel retour pour les finalités du capitaine croate, Luka Cindric est mieux qu’un intérimaire qui a démontré notamment lors du match référence face à la Norvège, qu’on pouvait compter sur lui. Ce soir-là, l’ombre de Duvnjak a déserté la Zagreb Arena. « De là dire que Cindric est le sur le point de faire oublier Duvnjak, anticipe François-Xaviel Houlet, un des consultants de beIN Sports, je ne sais pas. Ce qui est sûr, c’est qu’il a pris sa place du fait de ses qualités, en attaque évidemment, sur le leadership de l’équipe, sur le côté star par rapport à l’extérieur, il a la gueule, le physique, le jeu pour cela et chose étonnante, ça marche aussi en défense même si son efficacité n’est pas celle de Duvnjak. » S’il n’a pas réintégré l’équipe, la star croate est omniprésente, dans les journaux mais aussi et surtout à la télévision où il vente les bienfaits d’une eau pétillante du coin ou les bienfaits du rayon fraîcheur de l’enseigne Lidl. Cindric lui se contente de bien jouer.
Le jeu atypique d’Igor Vori en défense
Lorsque Lino Cervar a présenté sa liste élargie des 28 et qu’il l’a déposée à l’EHF, bon nombre de médias ont cru qu’il s’agissait d’un gag. Et puis lorsque la préparation a débuté, il a fallu se rendre à l’évidence, Igor Vori, 37 ans révolus est reparti pour une nouvelle campagne. L’ancien parisien était déjà là en 2003 au Portugal pour le titre mondial ! Cervar l’utilise exclusivement en défense dans un positionnement qui interpelle parfois. « Selon moi, il joue à l’envers, explique Dragan Zovko, l’ancien coach de Tremblay, présent sur cet Euro. Quand l’arrière gauche a la balle, il aime monter très haut sur le demi-centre et quand le demi-centre fait circuler la balle, Vori recule et vient s’aligner sur Gojun. Avec des demi-centres français mobiles, habiles dans le 1 contre 1 et qui portent la balle, la Croatie, si elle aligne Vori, peut être plus perturbée. » Selon le technicien franco-bosnien, se baser sur Vori n’est pas la meilleure solution. « Niko Karabatic va l’amener d’un côté, la balle va bien circuler de l’autre côté et ça peut mettre les Croates en difficultés. » Les joueurs des deux équipes se connaissent tellement bien que tout va se décanter sur des détails.
L’impact du public
La Zagreb Arena a été inaugurée peu avant le début du Mondial 2009. D’une capacité totale de 16 500 places, c’est une véritable cocotte-minute lorsqu’elle est pleine avec l’équipe nationale sur le parquet. Il y a neuf ans, la France avait affronté la Croatie à deux reprises. Dans le dernier match sans enjeu du tour principal et en finale. Guillaume Joli était sur la feuille de la 1ère rencontre et dans les tribunes pour l’apothéose. Le souvenir de l’ambiance est encore présent. « Autant dehors, dans la rue, les supporters croates venaient nous saluer, autant une fois dans la salle, ils nous haïssaient. Même avec un 1er match sans enjeu, l’ambiance était au rendez-vous. Elle était bon enfant. En finale, ce n’était plus pareil. Je dirai même que c’était plus impressionnant vu des tribunes que sur le parquet. Tu prends des pièces, des briquets, des batteries de portables sur la tête, ça crie, ça chante, ça siffle pendant plus d’une heure. La pression s’exerce sur tout le monde, arbitres compris. » Cette pression est à double tranchant car elle peut se retourner sur l’équipe hôte. C’est exactement ce qui s’est passé en 2009. En tout cas et ce n’est pas étonnant, l’affluence des grands soirs est attendue autour de l’Arena à tel point que la ville a mis en place une série de navettes de bus supplémentaires.