Jordi Ribera, le mentor de la "Roja" n'a pas tiré Arpad Sterbik de sa retraite internationale pour rien. Le gardien du Vardar arrivé la veille pour pallier l'absence sur blessure de Gonzalo Perez de Vargas, a non seulement rassuré ses coéquipiers mais aussi jeté le doute (ou un sort) dans le camp français. Côté espagnol, on retiendra longtemps les trois pénaltys qu'il a détournés.
par Yves MICHEL, envoyé spécial à Zagreb
Même si le temps de jeu qui lui est offert en finale, est aussi réduit qu’en demie, le billet d’avion aller-retour pour faire venir Arpad Sterbik, à Zagreb aura été largement rentabilisé… l’espace d’une soirée. Une minute 50, pas une seconde de plus, le portier du Vardar a fait cinq apparitions sur le parquet et il écarté le danger à 7 mètres face à trois tireurs différents. Bien inspiré, Kentin Mahé réussira le 1er mais ratera son 2ème, Michael Guigou voudra jouer en finesse mais il mésestimera la mobilité de son vis-à-vis, Raphaël Caucheteux ne sera pas plus chanceux, le ballon allant mourir sur la vieille carcasse. Pour sauver l’honneur, Kentin Mahé se reprendra à 4 minutes du terme alors qu’une petite lueur d’espoir brillait encore dans les yeux des Français. Le teint halé, le haut du corps taillé dans un menhir, l’armoire à glace de 2 mètres a débarqué en Croatie alors qu’il ne s’y attendait pas. Il regardait tranquillement le match contre l’Allemagne à la télé, lorsqu’il a vu Gonzalo Perez de Vargas, quitter le terrain en boitillant. Jordi Ribera l’entraîneur de la Roja n’a pas attendu le verdict des IRM et a appelé à la rescousse celui qu’il avait judicieusement glissé sur la liste des 28. « Quand tu mets un gardien aussi expérimenté devant un tireur à 7 mètres, la cage rétrécie d’un seul coup, image Gonzalo. Son impact psychologique est évident. En plus, les deux pénaltys qu’il arrête en 1ère période, sont très importants. Ça booste aussi Rodrigo qui sait qu’il a derrière lui, un gardien de grand niveau.» Comme si Corralès, bien meilleur avec l’Espagne qu’il ne l’est avec le PSG (ils sont d’ailleurs nombreux sur cet Euro), avait été aiguillonné par la seule présence de son aîné (38 ans). Trois pénaltys arrêtés dans un match, ce n’est pas une curiosité, c’est déjà arrivé mais là, c’est l’histoire de l’individu qui est belle. Atypique mais belle.
Arpad Sterbik dont la lassitude des cadences de matches un peu trop élevées (à son goût) commençait à se faire sentir, l’éloignement de la petite famille, tout cela avait pesé dans sa décision de s’écarter de la sélection espagnole. Pour autant, il comptait clôturer sur un titre et avait envisagé à 36 ans arrêter aux Jeux de Rio. Il n’en a jamais eu l’occasion puisque l’Espagne n’a pu valider son billet pour le Brésil. Au Mondial français, il figurait sur la liste des réservistes, pour cet Euro, aussi. « On savait qu’il pourrait débarquer en cas de problème, atteste Viran Morros, le défenseur de la Roja et au même poste, l’été prochain au PSG. Il a une grande expérience des compétitions et sa seule présence rassure. Heureusement que nos deux gardiens ont été excellents car vers la fin, je perdais patience, je regardais le chrono et pour moi, il n’allait pas assez vite. » C’est en effet avec le portier du Vardar (alors à Barcelone) passé avant par la Yougoslavie et la Serbie Monténégro (il est un des rares à avoir porté le maillot national pour trois pays différents), que l’Espagne avait remporté son Mondial en 2013 et l’argent à l’Euro 2016. Et ça, cela ne s’oublie pas puisqu’il s’agit de ses deux derniers trophées. La Roja n’a jamais remporté l’Euro mais avec Sterbik, elle a une assurance "bris divers" « On sait que si une équipe ne brille pas par ses gardiens, elle aura des difficultés à aller au bout et obtenir un titre, valide Rodrigo Corralès. Arpad, tu fonctionnes avec lui, les yeux fermés. Même quand il quitte la sélection, lorsqu’il revient, c’est comme si rien n’avait changé. Il a d’énormes qualités et je peux le comparer à Titi… les deux ont fait l’histoire. Il est arrivé pour rendre service et il a fait ce qu’il avait à faire. Il permet à l’équipe de garder tout son calme. » Après avoir aidé l’Espagne à battre la France après un échec dans les trois dernières compétitions, (dont deux demi-finales) Arpad Sterbik remettra le bleu de chauffe pour cette fois vaincre une autre malédiction que la Roja voudrait bien dépasser : gagner enfin un titre européen après quatre finales perdues (en 1996 contre la Russie, 1998 contre la Suède, 2006 contre la France et 2016 contre l’Allemagne).