Couvre-feu à Cologne avant ce samedi sur le coup de 15h, l'ouverture de la 9ème édition du Final Four de la Ligue des Champions masculine. Cette année, dans les starting-blocks au côté des tenants du trophée, les Macédoniens du Vardar Skopje, trois clubs français Montpellier, Nantes et le PSG nourrissent la légitime ambition d'aller jusqu'au bout. Et les avis sont partagés et même s'ils le sont, Paris et le Vardar ne veulent pas trop passer pour des favoris.
par Yves MICHEL, depuis Cologne
Le rituel est immuable au Final Four de la Ligue des Champions. Depuis quelques jours, les calicots de la Fédération Européenne ont fleuri aux abords de l'imposante Lanxess Arena, les quatre prétendants ont comme les années précédentes, ont pris leurs quartiers dès le jeudi soir, dans le même hôtel à proximité de la salle. Tout s'enchaîne au pas presque cadencé de l'organisation allemande. Le vendredi est traditionnellement réservé aux médias. Et là, c'est la grande corrida. Six éléments de chaque équipe sur la piste, des journalistes qui à coup de crayons, micros et caméras tentent de placer çà et là leurs banderilles. Mais cette année, il y a un certain changement. De nouvelles têtes sont apparues. C'est unique ce qui se passe dans ce haut lieu du handball, sur cette terre où est née la discipline grâce à un prof de sport de Leipzig. Carl Schellenz doit se retourner dans sa tombe. Depuis deux ans, Cologne n'accueille plus de représentants de la Bundesliga et cette année, c'est l'éternel rival d'outre-Rhin qui est venu en force. Les Gaulois ont délégué Montpellier, Nantes et Paris. Face aux trois "trublions" de la Ligue Française, le Vardar le tenant du trophée, vainqueur il y a tout juste un an pour sa 1ère participation au carré final, à la surprise générale face au PSG. Alors encore ce vendredi, tout le monde a participé au décorum, tout le monde s'est prêté aux sollicitations de la presse et du marketing qui ont pris fin par un passage sur la scène sur le parvis de la Lanxess Arena. Mais chacun n'avait qu'un souhait: que la fête commence !
LE FINAL FOUR 2018 VU PAR …
… Kiril Lazarov
Le gaucher disputera ce week-end avec Nantes, son 4ème Final Four sous un 4ème maillot différent. Le Macédonien a remporté l'épreuve en 2015 avec Barcelone et a été finaliste en 2011 avec Ciudad Real et en 2012 avec l'Atletico de Madrid. « Beaucoup de Macédoniens sont venus soutenir le Vardar mais je suis sûr qu'ils seront derrière Nantes pour la 1ère demi-finale. Ils souhaitent que nous battions Paris pour avoir une chance en finale car ils pensent que nous sommes moins forts que le PSG. Quel que soit le match, ce sera un combat dur et incertain.»
… Geoffroy Krantz
Il y a une semaine, le futur retraité du handball français a disputé la finale (perdue) de la coupe de l'EHF avec St Raphaël. Il a fait aussi partie de l'épopée montpelliéraine qui en 2003 a débouché sur la seule Ligue des Champions inscrite au palmarès d'un club tricolore. « Je suis déjà assez impressionné de la qualité de notre championnat avec trois équipes françaises au Final Four. Après, j’aimerai que Montpellier gagne. Je l’ai vécu en 2003, c’était fabuleux et ça me ferait plaisir que ça leur revienne. Ils ont de bonnes chances avec un jeu fluide, intelligent, rapide… En plus, l’histoire serait assez belle car ils sortent des poules basses et de se retrouver sur la plus haute marche, ça serait fabuleux. »
… Michael Guigou
Autre rescapé de l'aventure vieille de 15 ans, "Mika" aurait préféré commencer la semaine autrement que par une défaite du MHB justement face à Geoffroy Krantz et ses partenaires raphaélois. Un revers lourd de conséquences puisqu'il a permis à Paris de prendre les commandes à seulement deux journées de la fin du championnat. « Bien-sûr qu'on n'a pas abordé la semaine dans les meilleures conditions mais on est à Cologne pour aller chercher un titre. Ce Final Four est complètement différent de ce que j'ai connu (en 2003) mais pour avoir attentivement suivi ce qui a pu se passer depuis que ça existe, on s'aperçoit que rien n'est établi et que l'inattendu peut survenir à tous moments. Aujourd'hui, on va dire que deux équipes Paris et le Vardar sont favorites mais je dis que sur un match, tout est possible.»
… Jérôme Fernandez
L'entraîneur d'Aix en Provence a goûté à l'ambiance sur le parquet de Cologne en 2010 sous les couleurs espagnoles de Ciudad Real, sorti en demi-finale par Kiel, le futur lauréat. Ce samedi après-midi, il sera dans les tribunes de la Lanxess Arena, sans pour autant prendre parti. Même si intérieurement, une finale 100% tricolore ne lui déplairait pas. « Chacun défend ses intérêts, il n’y a pas de coalition française contre le Vardar. J’estime que l’écart entre les équipes est minime. Paris et le Vardar partent c'est vrai avec un léger avantage. Montpellier et Nantes vont découvrir ce cadre, ils auront moins de pression sur les épaules. On peut assister à une surprise. Montpellier et Nantes en outsiders peuvent causer une sensation. » Comme en leur temps, Hambourg, Flensburg et Kielce l'avaient causée.
… Rock Feliho
Le (presque inamovible) meilleur défenseur du championnat a les yeux d'un enfant devant un arbre de Noël. Arrivé en 2010 à Nantes, il a du patienter tout ce temps pour enfin participer à la grand messe du hand européen. « On est dans le top du top, que demander de mieux ? Mais ce n'est pas une fin en soi. Paris est favori, on ne peut pas le nier mais nous on est là et même si on est outsiders, on a toutes nos chances et on les défendra à fond. On l'a déjà fait donc pourquoi ne pas recommencer ? Qui que tu joues, tu sais que cela va être compliqué. On sait qu'on joue une demi-finale de Ligue des Champions, donc en face ce ne sont pas des pinpins ! (sic) A nous d'être très forts, rigoureux et bien concentrés. Si on nous prédit un destin à la Kielce, Hambourg ou Flensburg, je signe tout de suite ! »
… Guillaume Gille
Hambourg tiens… parlons-en ! Guillaume Gille et son frère Bertrand ont quitté le nord de l'Allemagne un an trop tôt. Avant que le HSV ne remporte contre toute attente une Ligue des Champions promise en 2013 à Barcelone ou Kiel. « La notion de favoris sur ce week-end n’existe plus. Les cartes sont rebattues, le vainqueur sera l’équipe qui commettra le moins d'erreurs, qui soignera le moindre détail et qui aura ce petit brin de réussite en plus. Nantes est peut-être l'équipe qu'on attendait le moins et quand on voit la qualité du jeu qu'elle produit, cela m'étonne moins de la retrouver là. Montpellier va avoir besoin de se relever mais si jouer une 1ère fois ce type de configuration, ce n’est pas de nature à remobiliser tout le monde, autant passer directement à la pétanque. Retrouver le Vardar à ce niveau, c'est tout sauf du hasard et il ne vient pas faire de la figuration. Quant à Paris, ils ont l'expérience de leur deux participations. Mais ne comptez pas sur moi pour dire qui va soulever la coupe dimanche. »
… Stojanche Stoilov
Il n'y a pas que par ses mensurations (1.92 - 110 kg) que le pivot du Vardar est une des poutres maîtresses de l'édifice macédonien. Sa parole est très écoutée. Au club depuis 2011, il a failli le quitter cet été avant de se raviser et prolonger son bail de deux saisons. Bien disposé à renouveler l'exploit de l'an passé. « L'an dernier, nous étions ici pour la 1ère fois et nous avons peut-être créé la surprise. Cette fois, nous devons supporter le poids du titre. Il n'est pas nécessaire de nous mettre une pression supplémentaire, nous n'avons qu'à jouer comme nous savons le faire et tout ira bien. Attention à Montpellier qui est une équipe de qualité, avec un handball rapide et agressif.»
… Didier Dinart
Le patron de l'équipe de France a remporté la Ligue des Champions à 4 reprises avec Montpellier (2003) puis avec Ciudad Real (2006, 2008, 2009) et a goûté à trois Final Four (3ème en 2010, 2 fois finaliste en 2011 et 2012). Il a donc tout connu en matière d'émotions. Mais de retrouver trois clubs français à pareil niveau, change les données. « J’espère que la coupe reviendra chez nous, quel que soit le club qui la ramène. Mais le Vardar a l’expérience, un grand entraîneur et de bons joueurs. Ils ont aussi terminé en tête d’un groupe difficile. Le hand français est à la fête. C’est la récompense du travail de longue haleine de la Ligue professionnelle. L’arrivée du Qatar a aussi permis le retour de la plupart des internationaux dans le championnat. Les clubs ont beaucoup travaillé, se sont structurés, tout le monde s’est mis au diapason. Le déséquilibre financier et technique a été comblé. C'est bien que les cartes soient rebattues au niveau européen et que la Ligue des Champions ne soit pas toujours dominée par les mêmes.»
… Nikola Karabatic
Si avec la caravane de médias macédoniens qui ont couru toute la journée à ses basques, Kiril Lazarov est un des joueurs les plus sollicités, Nikola Karabatic qui peut s'exprimer a minima en cinq langues, n'a pu lui non plus échapper à la meute de journalistes qui à chaque fois, insistaient sur la présence record d'équipes françaises sur ce Final Four. « C'est vrai que c'est une question qui revient mais je pense que ça suffit de dire que Cologne a l'accent français cette année. C'est génial, on est tous très fiers mais il faut arrêter de se focaliser là-dessus. Il ne faut pas que ce soit ponctuel, il faut renouveler la performance dans l'avenir, c'est cela le vrai défi. Maintenant, on ne pense qu'à la demi-finale contre Nantes. Je ne cache pas que je veux gagner la compétition avec le PSG et que nous sommes favoris. Mais ces dernières années, il y a eu comme une malédiction du favori.»
… Melvyn Richardson
Cela fait aussi partie de ses surprises à lui. Lorsque nous avons demandé à Melvyn Richardson si Jackson son père serait dans les tribunes de la Lanxess Arena ce samedi, le gaucher montpelliérain nous a répondu qu'il n'en savait rien et que l'ancien demi-centre des Barjots s'était montré évasif. Il y a 17 ans, "Jack" remportait l'épreuve sous les couleurs de Pampelune. Il aurait pu récidiver deux saisons plus tard si Montpellier n'avait pas réalisé une mémorable "remontada". Qu'à cela ne tienne, le fiston qui comme ses partenaires, a pris un coup derrière la tête mardi à Saint Raphaël, évoluera sans appréhension. « On peut être déçu après une défaite, surtout celle qui nous fait perdre la 1ère place mais quand ensuite tu as un Final Four à jouer, tu dois te ressaisir. On n'a pas le droit de décevoir. On va montrer qu'on n'est pas des victimes, qu'on peut produire du beau jeu et qu'on peut réaliser quelque chose d'exceptionnel.»
… Uwe Gensheimer et Dominik Klein
Pour la 2ème année consécutive donc, l'Allemagne (malgré trois clubs sur la ligne de départ) n'est pas représentée au Final Four. Enfin… pas totalement puisque deux joueurs nés outre-Rhin seront sur le parquet de l'Arena. Ils évoluent tous les deux en LNH, sur le même poste d'ailier gauche. A Nantes pour Dominik Klein et à Paris, pour Uwe Gensheimer. Si le 1er a remporté l'épreuve à trois reprises avec Kiel, le second ne l'a jamais épinglée à sa carte de visite. Et le Parisien compte bien combler cette lacune. « Je suis venu au PSG dans le seul but de gagner la Ligue des Champions. Je ne pense pas au passé, je regarde plutôt vers l'avenir.» A la fin de la semaine, le Nantais mettra fin à une carrière professionnelle très riche. Il n'est pas du genre à se mettre la pression. « Pour Nantes et pour moi, c'est un rêve d'être à Cologne alors que c'est normal pour Uwe et le PSG. Peu importe ce qui va se passer, j'ai l'impression d'avoir déjà remporté le titre.»
Désignation des arbitres… en principe, c'est du costaud !
C'est une paire danoise très expérimentée - Martin Geding et Mads Hansen - qui ce samedi, dirigera la 1ère demi-finale (15h15 sur beIN sports) entre Nantes et le PSG. Un binôme islandais - Jonas Eliasson et Anton Palson - prendra ensuite le relais pour arbitrer Vardar Skopje - Montpellier (18h00).
Le lendemain, la petite finale (15h15) sera confiée aux Slovènes Bojan Lah et David Sok, la finale (18h00) aux Espagnols Oscar Raluis Lopez et Angel Sabroso Ramirez.
En apparence, le ballon mis à disposition par la société Select sur ce 9ème Final Four n'a rien de particulier. A un détail près, et non des moindres, il s'agit d'un i-ballon équipé d'une puce électronique chargée de collecter une mine de renseignements. Les spectateurs et chaînes de télévision pourront être informés en temps réel de la vitesse des tirs, de la distance au but, de la position exacte de tous les lancers.