Les Bleues sont, pour la première fois de leur histoire, championnes d’Europe. A l’issue d’un match âpre, où rien ne leur a été facile, où elles ont dû aller chercher chaque but avec toute l’envie qu’elles pouvaient, les Françaises ont battu la Russie sur le score de 24 à 21. Titre européen, le plus dur à obtenir, revanche sur la finale des JO, qualification pour ceux de Tokyo, la coupe est pleine et superbe pour le handball féminin français. Dans ce Bercy qui a si souvent porté les masculins au plus haut, cette fois ce sont les féminines qui se sont hissées tout en haut dans cette salle de plus en plus mythique pour le handball tricolore.

Dieu que tout cela fût dur… Alors que Bercy était chaud bouillant dès l’entame de match, la Russie va vite montrer qu’il ne fallait pas compter sur un non-match de sa part. Toutes les taulières russes se montraient à leur avantage. Anna Vyakhereva, élue MVP du tournoi, donnait le la, Daria Dmitrieva exploitait le moindre espace créé par la puce gauchère et Anna Sen jouait de sa force de percussion pour enfoncer la défense bleue. Comme à l’autre bout, une autre Anna, Sedoykina, fermait parfaitement la baraque dans les buts, les Bleues comprenaient vite qu’un match tranquille et brillant ne serait pas à l’ordre du jour. Il fallait qu’Estelle Nze Minko s’arrache pour trouver des espaces, et heureusement qu’elle le faisait au mieux, il fallait que Béatrice Edwige rentre dans un combat de titan avec la défense centrale russe, et il fallait que Grâce Zaadi mène le jeu tricolore de main de maître pour que la Russie ne prenne pas ses aises dès la première période. Et si l’attaque devait faire quasiment un miracle à chaque fois pour marquer, que dire de la défense qui redevenait l’arme absolue de la France sur ce match. Camille Ayglon, Alisson Pineau, Béatrice Edwige, Astrid N’Gouan, toutes fermaient la boutique au mieux, même si dans le domaine on allait voir encore mieux plus tard. Un vrai combat des chefs, clairement, sur cette finale on voyait les deux meilleures équipes de cet Euro et tout le monde se tenait dans un mouchoir et si les Bleues avait un petit but d’avance à la pause, cela ne voulait pas dire grand-chose.

Mais un paramètre était déjà en train de faire son effet, la fraîcheur physique. Si les Bleues jouent vraiment à 16, au niveau de la Russie on en est loin. Pour conserver un niveau de performance suffisant pour contrer les Françaises, Evgueni Trefilov était obligé de laisser ses cadres en permanence sur le terrain, et même en début de seconde période on sentait que certaines avaient un peu de mal à relancer la machine. La France en profitait de suite pour prendre un peu ses aises, +2, +3, les Russes étaient dans le dur et plusieurs fois les Françaises allaient avoir une balle de +4, dont celle du fameux 14-18 fatidique… Mais sans jamais arriver à concrétiser cette vraie domination avec cet écart significatif. C’est un fait de jeu, plutôt un fait arbitral qui allait faire basculer tout cela. Sur un jet de 7 mètres, Alisson Pineau effleurait l’oreille d’Anna Sedoykina, la vidéo le confirme totalement. Mais les arbitres après justement visionnage de la vidéo allaient décider d’exclure Alisson Pineau pour tir dangereux…Décision que personne, ni les joueuses, ni le staff, ni le public n’allait comprendre, mais le mal était fait, le rouge brandi obligeait la tricolore à regagner les tribunes. Ce fait de jeu va produire 2 effets. Le premier, de faire perdre un peu les pédales à une paire d’arbitres qui va siffler un peu dans tous les sens sans vraiment un équilibre, aussi bien dans les sanctions que dans le jeu passif ou dans les fautes d’attaques. Si ce pataugeage en règle était très partagé pour les deux équipes, cela avait aussi pour effet de donner un vrai supplément d’âme à la défense française.

Sur les 25 minutes restantes, la Russie va vivre un vrai calvaire pour marquer des buts, la défense bleue va atteindre un niveau tout simplement fabuleux, et hormis quelques jets de 7 mètres distribués de ci de là par les arbitres, les Russes ne trouvaient plus la faille et même si les Bleues avaient elles aussi quelques soucis offensifs, la qualité défensive était telle que c’était une assurance tout risque et surtout l’outil pour finir de détruire physiquement une équipe russe de plus en plus entamée dans ce domaine.

Anna Vyakhereva ne surprenait plus, Daria Dmitrieva ne perforait plus, Anna Sen n’enfonçait plus, les armes des Tsarines étaient totalement enrayées. Cette incapacité à marquer facilement va faire le jeu des Françaises qui vont presque gérer tranquillement la fin de match. Même si le +4 tant espéré et qui aurait sans doute été définitif, n’est jamais venu, le matelas de 2 ou 3 buts va largement suffire à voguer tranquillement vers une apothéose qui va faire exploser Bercy de la plus belle des façons. Enfin, les Bleues pouvaient être reines chez elles, comme l’ont fait leurs homologues masculins, dans cette salle qui leur donne ce qu’elles n’avaient pas su prendre en 2007. Championnes d’Europe après un titre de championnes du Monde, les Françaises rejoignent les mythes danois et norvégiens tout en haut de l’Olympe de la petite balle pégueuse.
Le diaporama du match par Céline Dély
Les réactions....
Allison Pineau (qui revient sur l'ineptie de son exclusion définitive) "Je sais que l'on va en parler. Ça a fait lever le public et ça a énervé tout le monde, parce que ce n'était pas mérité. Je passe par toutes les émotions, parce que je me dis qu'elles m'ont volé quelque chose ce soir. Ce qui se passe dans ma tête, c'est que je ne suis pas du tout d'accord avec la décision. Elle ne prend pas la balle en pleine figure. Le summum du ridicule, c'est qu'elles mettent un carton rouge, mais accordent le but. C'est un fait de jeu. Pour moi c'est marquant parce que c'est le deuxième carton rouge que je prends, le premier direct sur un fait d'attaque. C'est encore plus troublant, mais l'essentiel est ailleurs. Une fois dans les tribunes, je n'ai pas cessé de les pousser. C'est fou, en étant inutile sur le terrain, j'ai été utile autre part."
Estelle Nze Minko (arrière de l'EDF): "Je vis un rêve éveillé avec cette équipe. On a joué quatre compétitions et on a été médaillé à chaque fois. C'est magique, ça me remplit de bonheur, j'ai la sensation du devoir accompli, d'une consécration aussi. Je me sens chanceuse de vivre ça. Tout était parfait. C'était magnifique, devant les proches, la famille, les amis, les supporteurs. Les gens sont super, j'ai reçu des tas de messages. Ils se sont mobilisés quand Allison a pris son carton rouge. Ca a mis le feu dans la salle. C'était trop beau. On savait que ce serait un peu la même finale que contre la Norvège l'année dernière. A savoir que notre force c'est qu'on a un collectif énorme. Les Russes ont très peu tourné. Je les ai senties fatiguées sur la fin, en manque de solutions. Et nous non, parce qu'on avait encore plein de fraîcheur et plein de solutions. J'ai l'impression qu'on pourrait encore jouer trois matchs parce qu'il y a des trucs qu'on n'a pas encore montré!"
Amandine Leynaud (gardienne de buts): "Les mots vont manquer. Je suis heureuse, fière... Ce qu'on vient de faire, sportivement, humainement, tout le travail accompli, c'est énorme. Tout le monde nous attendait au tournant, beaucoup pensaient que jouer en France pouvait nous déstabiliser mais en fait on a été sereines, stables dans nos performances, tout au long de l'Euro, on n'est jamais passées au travers d'un match comme l'a fait la Russie. Aujourd'hui, je suis heureuse de pouvoir apporter le sourire aux Français, surtout avant Noël avec ce qui s'est passé. On avait raté d'un rien une finale il y a deux ans à l'Euro, c'est vraiment beau de réitérer autant de performances. J'ai connu des années plus difficiles, je vis les meilleures années de l'équipe de France et c'est juste extraordinaire."
A Paris, Accor Hotel Arena
Le dimanche 16 décembre 2018 à 17h30
Finale de l'Euro 2018 féminin
Russie - France : 21 - 24 (Mi-temps : 12-13)
14 060 spectateurs
Arbitres : MMES Karina Christiansen et Line Hesseldahl Hansen (Danemark)
Déléguée : MME Carmen Manchado (Espagne)
Évolution du score : 2-3 5°, 4-4 10°, 7-7 15°, 8-9 20°, 10-12 25°, 12-13 MT - 13-16 35°, 15-17 40°, 16-19 45°, 19-21 50°, 21-23 55°, 21-24 FT.

