Le pire n'est pas atteint mais rien ne laisse présager une saison qui arriverait à son terme. Si en France, la raison et l'organisation l'emportent sur la panique, les deux Ligues professionnelles masculine et féminine sont sur le qui-vive. Le couvre-feu imposé dès ce samedi à partir de 00h00 en Ile de France et dans huit autres métropoles va inévitablement changer les habitudes et inciter les spectateurs à fréquenter les salles bien plus tôt. Etat des lieux en LSL, LBE et Proligue.
par Yves MICHEL
Le factuel vient inévitablement chambouler l'ordre établi. On n'en oublierait presque la performance sportive. Les nouvelles ne sont pas bonnes sur le front de la pandémie Covid 19, les autorités tentent de masquer leurs tâtonnements, de nouvelles restrictions ont été mises en place, elles vont impacter toutes les franges de la population. Au milieu de cette tourmente plus ou moins maîtrisée, le monde sportif. Le handball. Qui n'échappe pas aux difficultés. Pour organiser ses compétitions mais également pour gérer ses effectifs.
Le club de Montpellier par exemple, vit bien malgré lui, une double sanction. D'être à la fois dans une ville identifiée comme zone à très haut risque pour la propagation du virus et de l'avoir contracté. Six joueurs ou membres du staff ont été testés positifs en début de semaine et comme ils avaient rencontré Nantes quelques jours plus tôt, le "H" est aussi concerné comme cas contact. Pour les Héraultais, la confrontation qui devait se dérouler ce samedi à Istres est d'ores et déjà reportée, le doute plane sur celle de mardi en Ligue européenne face à Moscou. Dans le même intervalle, deux cas ont été révélés au sein de l'USAM Nîmes qui lui s'est vu refuser toute idée de report.
Ce samedi à 00h00, l'Ile de France et huit métropoles devront donc se plier pour au moins 4 semaines, à un couvre-feu. Entre 21h et 6h, plus question de se réunir en masse, d'aller prendre un verre, de dîner au restaurant, d'assister à une pièce de théâtre, une séance de cinéma et même de faire un footing au-delà de 21h. Dans les zones concernées, les compétitions sportives (dont les matches de handball) pourront se disputer au-delà de la limite... mais à huis clos.
Huit clubs de Starligue (Aix, Créteil, Dunkerque, Ivry, Montpellier, Paris, Toulouse, Tremblay), deux de Proligue (Massy, Pontault Combault), deux de Ligue féminine (Paris 92, Plan de Cuques) sont impactés et dans la majorité des cas, une réorganisation du calendrier a été engagée.

Chez eux, les Cristoliens vont devoir jouer un peu plus tôt dans la journée
Pour l'instant, seul le club de Toulouse préfère ne rien changer et disputer ses rendez-vous (nationaux et européens) à domicile sans public. Pays d'Aix sous le coup d'un arrêté préfectoral depuis le début de la saison, avait anticipé et demandé le report de tous ses matches à l'Arena. A Créteil, dès l'intervention des autorités, tout l'environnement du club s'est mis à la tâche et pour permettre aux fidèles d'être présents, toutes les rencontres seront reprogrammées le week end bien avant l'heure du couvre-feu. « Outre les raisons d'ambiance et d'animation de la salle, nous confie Eric Poignant, le président cristolien, l'aspect économique n'est pas négligeable. Pour un club comme le nôtre (budget de 2,3 millions d'euros hors centre de formation), l'apport de la billetterie est conséquent. Tout le monde va se retrousser les manches. Pour la ville, cela va être un casse-tête de trouver du personnel pour faire fonctionner Oubron le dimanche, mais on va y arriver. Côté partenaires, on va être obligé d'assurer un service minimum et des rotations concernant les invitations. Nous allons inventer une nouvelle formule et pour rester dans les clous, il faudra que tout le monde soit compréhensif. » Même si le guichet du Palais des Sports reste ouvert, pas question donc d'accueillir un surplus trop important de spectateurs. « Bien-sûr que c'est ma hantise de refuser du monde mais nous resterons dans les limites de la loi. Si à la dernière minute, 200 personnes se présentent et que nous ne pouvons en accueillir que 60, nous ferons 140 déçus. Je comprends mieux maintenant pour quelle raison mardi, lors du match contre Dunkerque, certains supporters sont arrivés relativement tôt pour être sûrs d'avoir une place. » Même son de cloche à l'étage inférieur, enfin... dans les deux clubs franciliens, Massy et Pontault, pointés du doigt.

Changement d'habitudes également pour Johann Caron et ses partenaires du Massy Essonne HB
Plutôt que de jouer dans un désert, dans une salle sans âme, les matches seront proposés aux intéressés en fin de semaine avant l'heure fatidique. « 18h30 me semble être l'horaire le plus approprié, confirme Stéphanie Ntsama Akoa, la directrice opérationnelle du Massy Essonne Handball. Même si à la base notre jauge est limitée, nous pourrons accueillir 265 spectateurs. C'est déjà ça. Le huis clos c'est une petite mort. En jouant, on apporte une certaine visibilité pour nos partenaires et l'image du club reste intacte. Quel intérêt pour ceux qui nous soutiennent financièrement à s'engager si une rencontre se déroule devant des tribunes vides ? » Et l'ancienne arrière internationale passée notamment par Besançon, Le Havre, Toulon et Brest d'avouer, « J'ai été joueuse et dans ce rôle-là, je me dis tous les jours depuis l'apparition du virus, heureusement que je n'ai pas vécu cela. Désormais, celui ou celle qui est sur le terrain va plutôt vivre dans le stress à se demander s'il sera positif au prochain test. L'incertitude est constante. » Depuis novembre 2019, aux côtés du président Grégoire de Rouffignac et de Jérémy Roussel, l'entraîneur de l'équipe professionnelle, Stéphanie Akoa est en quelque-sorte la tour de contrôle du club massicois. Depuis quelques semaines, elle a du élargir son champ d'attributions. « Au quotidien et dans ce nouveau contexte, j'ai plein de paramètres à gérer. Je reçois constamment des emails de gens qui n'ont plus de repères. Concernant la tenue d'un match, le maintien d'un horaire. Ces personnes-là, il ne faut surtout pas les négliger. Les bénévoles aussi s'interrogent. La protection civile qui assure la sécurité médicale, le speaker, tout le monde est dans le doute. » Seule exception avant la mise en place des nouvelles normes, comme Massy accueille Besançon ce vendredi, la confrontation aura bien lieu à 20h30 !

La néo Isséenne de Paris 92 Nadia Offendal pourra continuer à communier avec le public
Si des matches ont été reportés pour diverses raisons en Starligue, la Ligue Féminine n'a pas échappé à la vague Covid. Toulon-St Amand et Besançon-Dijon restent encore en souffrance dans le calendrier. Avec l'instauration des nouvelles mesures gouvernementales, deux clubs ont depuis mercredi et l'intervention du chef de l'Etat, toute une stratégie opérationnelle à revoir. Plan-de-Cuques situé à 12 kilomètres de Marseille et Paris 92 dont le fief est à Issy les Moulineaux seront soumis au couvre-feu. Plus question dans l'immédiat d'envisager une rencontre en nocturne. Le casse-tête est encore plus important pour les dirigeants des Lionnes isséennes puisqu'il y a aussi la coupe d'Europe à gérer. « Pour limiter les frais, nous organisons ce samedi et dimanche, nos matches aller et retour contre les Slovaques (Iuventa Michalovce) à la maison. Nous les avons avancés à 18h. Tout sera terminé à 20h, indique le président Jean Marie Sifre. La contrepartie négative, c'est la suppression de notre espace VIP d'après-match. Nous allons tôt ou tard, nous retrouver débiteurs vis à vis de nos partenaires. Nous ne sommes pas en mesure de leur proposer les prestations qu'on leur doit. Il va falloir étudier une sorte de compensation ou carrément procéder à des remboursements. » Le club isséo-parisien est le porte drapeau du handball féminin régional depuis plus d'une décennie et entend le rester. Son rayonnement dans la France et à l'extérieur des frontières s'est maintes fois vérifié. Une poignée d'irréductibles accompagne l'équipe dans ses moindres déplacements et grossit lorsqu'il s'agit d'aller l'encourager dans l'antre du Palais des Sports Robert Charpentier. « On a du s'adapter avec une jauge réduite. Les rentrées au niveau de la billetterie (soit habituellement 10% des 1,8 M d'euros de budget) sont importantes. Il y a déjà des pertes à ce niveau-là. La boutique, la buvette, tout ce qui gravite autour de la prestation de nos filles est impacté. Nous n'avons pas d'autre choix que de s'adapter. Nous espérons bénéficier des aides promises par l'Etat pour pallier ce que nous avons et ce que nous allons financièrement perdre. Nous allons tout faire pour mener la saison jusqu'à son terme. Un plan "B" comme chez les garçons (voir plus bas) n'est pas encore arrêté, l'ensemble de la Ligue doit se positionner dès la 1ère semaine de novembre. » Pour l'instant, le championnat d'élite féminin avec notamment Brest et Metz engagées en Ligue des Champions navigue tant bien que mal dans cet environnement mais comme les deux entités masculines, la Ligue Propane se retrouve sur le fil du rasoir.

Cinq questions à David Tébib, président intérimaire de la LNH
David, comment qualifier la situation ?
J'ai demandé à toutes les équipes de la Ligue de prendre beaucoup de recul et de hauteur pour ne pas tomber dans des jugements à chaud. Le point positif est de pouvoir évoluer le week-end en fin d'après-midi. Il faut au maximum éviter le report ou le huis clos. Ce qui doit nous guider, c'est la volonté de jouer.
C'est le minimum qui doit être demandé ?
Oui, parce que pour les joueurs qui depuis des mois concentrent leurs efforts à s'entraîner, à se préparer, ça serait compliqué de s'arrêter. Et puis il y a le volet économique. Huis clos ou pas, la pire des choses serait de renoncer. Le handball professionnel français est en bonne santé financière avec dans tous les clubs des partenaires privés et institutionnels fiables. Et puis, comment imaginer recevoir demain des aides de l'Etat et de bénéficier des mesures compensatoires si de notre propre chef, nous décidons de ne pas jouer. Il n'y a pas à réfléchir, il faut jouer.
Pourtant des clubs comme Toulouse (qui préfère le huis clos) ou Aix (le report) sortent du lot…
Je me suis entretenu avec Philippe Dallard, le président toulousain et j'ai entendu ses arguments. Mais j'incite les clubs à jouer avec du public.
Doit-on désormais avoir à l'esprit l'activation du plan B ?
Aujourd'hui, c'est encore prématuré. La compétition est faite pour arriver à son terme. Nous avons supprimé des dates dans les coupes mais nous avons anticipé en gardant dans la boîte à outils, la solution du plan B pour les deux championnats. A l'heure qu'il est, on a disputé 89% des matches donc on se félicite d'avoir démarré les compétitions au moment qu'on a choisi.
Quelle peut être la suite ?
Les autorités nous alertent sur une recrudescence de la pandémie dans certaines régions. Tout le pays doit être concerné. Particulièrement le monde sportif. De notre côté, nous restons vigilants, nous allons observer toutes les directives, mettre sous bulle toutes les équipes même si on ne peut pas tout maîtriser.

Les plans de réserve de la Starligue et de la Proligue
en Starligue, si à la date du 21 décembre, chacune des équipes n'a pas disputé au moins 10 des 14 rencontres prévues au calendrier, la compétition prendra dès lors, un autre aspect. Avec une phase de poules dès février (4 poules de 4 équipes réparties par tirage au sort dans les pots réalisés en fonction du classement établi au 21 décembre, avec matches aller et retour).
Une phase finale sur deux tours (format play-offs en matches aller et retour) entre les équipes qui auront obtenu un classement identique dans leurs poules respectives. Le classement final sera établi à l'issue de cette phase. Dans le pire des cas, si cette formule alternative ne peut pas aller à son terme, la saison 2020-2021 en Starligue ne pourra pas être homologuée.
Pour la Proligue, le championnat sera homologué si chacune des équipes a disputé au moins 21 des 26 rencontres de la phase régulière. Si à la 26ème journée, ce seuil de 21 rencontres disputées n’est pas atteint par les 14 engagés, la phase de play-offs (barrages et phase finale) sera automatiquement supprimée pour permettre au maximum de matchs reportés de se dérouler. Les 2 premiers du championnat à l’issue de la phase régulière seront promus en D1. Si le quota des 21 matches n'est pas atteint à la mi-mai, le championnat ne sera pas validé.