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Alain Portes sort de son silence

France

mardi 8 mars 2016 - © Yves Michel

 6 min 47 de lecture

Un mois et demi après son éviction de la tête de l'équipe de France féminine, Alain Portes a décidé de sortir du silence qu'il s'était imposé. Le technicien tricolore revient sans se dérober sur ce qui a été pour lui un long chemin de croix et sur les séquelles que cela a pu laisser. 

Propos recueillis par Yves MICHEL

Le 25 janvier dernier, la Fédération Française de Handball décidait de "mettre fin à la mission d’Alain Portes et de son staff auprès de l’équipe de France féminine." Selon le communiqué, cette décision intervenait "après avoir constaté que les conditions de confiance mutuelle indispensables à la réussite de l’équipe de France n’étaient plus réunies." Depuis cette date, le technicien français avait préféré rester en retrait et ne pas réagir par médias ou réseaux sociaux interposés. Ce que n’avait pas manqué de faire ceux ou celles qui avaient à tort ou à raison quelque chose à lui reprocher. L’ancien bronzé de Barcelone, 216 fois international et en poche, 4 titres de champion de France avec l’USAM Nîmes comme joueur, vainqueur de la Challenge Cup avec le HBC Nîmes et deux Coupes d’Afrique des Nations avec la Tunisie comme entraîneur, a décidé de briser son silence. Et c’est à Handzone qu’il a bien voulu confier son état d’esprit sur ce qui s’est passé, ses rancœurs et ce à quoi il aspire désormais.

Alain, pourquoi ne pas avoir réagi plus tôt alors que d’autres ne s’en sont pas privé ?
J’avais dit au Directeur Technique National (NDLR : Philippe Bana) et au Président (Joël Delplanque) que je ne communiquerai pas sur mon éviction. Je trouvais que l’image de mon sport était suffisamment salie par ce que je lisais ou entendais. J’avais aussi besoin de réfléchir sur l’attitude à tenir. Aujourd'hui, j'éprouve la volonté de m'exprimer car beaucoup de gens qui me soutiennent m’ont encouragé à le faire. Ils estiment que si mon silence a de mon côté, montré beaucoup de dignité, il a pu aussi servir la cause de certains.

Pour motiver votre éviction, un manque de confiance mutuelle entre les joueuses et le staff technique a été évoqué. Réfutez-vous cette argumentation?
Je m’en fiche. Avec mon staff, nous considérons avoir fait notre travail du mieux possible. L’avis des spécialistes français et étrangers sur notre boulot auprès de cette équipe m’importe plus que ce genre d’argument. En fait, j’avais imposé un certain niveau d’exigence dans le travail afin que les filles progressent encore un peu plus. Visiblement, toutes ne l’ont pas accepté.

Regrettez-vous de n’avoir peut-être pas assez communiqué avec elles ?
J’ai lu quelque part que "je n’étais pas un grand communicant en interne". Demandez à mon staff si c’est le cas. Demandez au DTN qui vivait 24/24 avec nous ce qu’il en pense. Demandez aux joueuses du HBC Nîmes qui ont gagné la Challenge Cup en 2001 si c’est le cas. Pensez-vous que l’on puisse remporter deux Coupes d’Afrique avec la Tunisie sans communiquer avec ses joueurs ? Je n’ai aucun regret à ce niveau-là. Pour communiquer, il faut être deux. Certaines joueuses se sont cloitrées dans le mutisme pendant le Mondial de façon assez… étrange.

Des personnes en qui vous croyiez vous ont-elles déçu ?
Déçu et trahi, oui.

Pourtant début janvier, vous aviez reçu le soutien du président de la Fédération et de son conseil d’administration.
Je ne souhaite pas m’exprimer sur ce sujet. J’attends surtout que le soutien fédéral s’illustre dans le traitement qui nous sera réservé, à Philippe Carrara mon adjoint et moi-même, dans la gestion de notre avenir.

On vous a reproché beaucoup de choses…
Oui mais certaines idées ou propositions n’étaient pas de mon fait. Par exemple, je n'ai jamais demandé la modification de la rétribution des joueuses. C'est une idée des responsables fédéraux. Force est de constater que le système actuel est très favorable aux joueuses et que la place en Equipe de France est plutôt bonne à prendre... Ce sera mon dernier avis sur le handball féminin français !

Jamais, il n’y a eu un tel déballage dans le handball français…
Tous les coups étaient apparemment permis : diffamation, lettres anonymes, objets personnels dérobés. Ce qui m’a amené à vivre une situation surréaliste : aller porter plainte dès mon retour du Mondial danois ! Je rajouterai que l’attitude de certains médias se délectant des calomnies prononcées, m’a interpelé. Je précise que ce n’est pas moi qui en ai divulgué la teneur !

Selon vous, à qui tout cela profite ?
J’ai été victime d’une machination orchestrée par des personnes qui souhaitaient voir quelqu’un d’autre que moi au poste d’entraîneur de l’équipe de France féminine.

Lorsqu’il a été évincé, Olivier Krumbholz a été la cible de certaines joueuses. Il y a donc des similitudes...
Je ne souhaite pas parler de mon successeur.

Certaines joueuses ne vous ont pas épargné….
C’est vrai. Je suis d’ailleurs sidéré que des joueuses de l’équipe de France se soient autorisées à critiquer de façon aussi caricaturale leur entraineur et son staff en envoyant une lettre au président de la Fédération. Celle qui a rédigé ce courrier et qui s’en vante, aurait mieux fait de dépenser son énergie à essayer de bien faire son métier. J’ai été pendant 10 ans, joueur de l’équipe de France et je pensais naïvement que sa place se gagnait sur le terrain par des performances et par le travail. 

Avez-vous reçu du soutien de la part de certaines membres de l'équipe ?
Bien-sûr. Et je veux remercier au passage celles qui m’ont gentiment adressé des petits messages suite à mon éviction. C’est courageux de leur part et ça questionne sur l’unanimité avancée par certaines…

Sportivement, ce Mondial est-il un échec ou la France est-elle à sa place ?
La France s'est inclinée contre plus fort qu’elle en quart de finale (les Pays-Bas). Elle aurait pu perdre au tour précédent contre l’Espagne. Elle est régulière dans les grandes compétitions entre la 5ème et la 7ème place. Pour entrer dans un dernier carré, il faudrait que les joueuses dites "majeures" soient au rendez-vous le jour J. A ce propos, je constate et regrette qu’à l’issue de ce dernier Mondial, on ait beaucoup parlé des calomnies et attaques que j’ai subies mais quasiment jamais des performances des joueuses françaises.

Si c’était à refaire ?
J’aurais dû écouter les nombreuses personnes qui me déconseillaient d’accepter ce poste. J’ai effectivement connu bien peu de satisfactions lors de mon passage à la tête de cette équipe. Rien à voir avec les émotions et l’aventure humaine vécues dans la même fonction, en Tunisie avec les garçons de l’Equipe Nationale de 2009 à 2013. Rien à voir non plus, pour faire référence à mon expérience passée dans le handball féminin, avec les joueuses du HBC Nîmes que j’ai entrainées entre 1995 et 2004.

Etes-vous encore marqué par tout ce qui s’est passé ?
Bien-sûr, on ne sort pas indemne d’une telle épreuve. Mais aujourd’hui, ma seule préoccupation est de gérer mon avenir et celui de mes proches qui ont forcément été impactés par ce triste épisode.

La France joue contre l’Allemagne, samedi à Nîmes. Vous y serez ?
Vous le verrez samedi soir.

La France va-t-elle se qualifier pour les JO de Rio ?
Oui. Sans hésitation !

Quelle est aujourd’hui votre situation professionnelle ?
Je suis toujours sous contrat avec la Fédération Française jusqu’en août 2016. Pour la suite, je ne sais pas…

Ce week-end, le président de la Fédération Tunisienne de Handball a cité votre nom afin de reprendre la tête de la sélection. Quelle est votre réaction ?
Tout le monde connait mon attachement à la Tunisie, le respect que j’ai pour son peuple, son équipe nationale, ses joueurs, son public et ses dirigeants. J’ai voulu répondre à l’appel de mon pays en 2013 quand on est venu me chercher. J’aurais mieux fait de rester dans ce pays que j’avais quitté en pleurs. Le fait que le Président de la FTHB, Mourad Mestiri qui m’avait accueilli en 2009 avec d’autres dirigeants, évoque mon nom montre qu’ils n’ont pas oublié mon passage et qu’apparemment, ils l’ont plutôt apprécié. Ca me fait chaud au cœur, je l’avoue.

Alain Portes sort de son silence  

France

mardi 8 mars 2016 - © Yves Michel

 6 min 47 de lecture

Un mois et demi après son éviction de la tête de l'équipe de France féminine, Alain Portes a décidé de sortir du silence qu'il s'était imposé. Le technicien tricolore revient sans se dérober sur ce qui a été pour lui un long chemin de croix et sur les séquelles que cela a pu laisser. 

Propos recueillis par Yves MICHEL

Le 25 janvier dernier, la Fédération Française de Handball décidait de "mettre fin à la mission d’Alain Portes et de son staff auprès de l’équipe de France féminine." Selon le communiqué, cette décision intervenait "après avoir constaté que les conditions de confiance mutuelle indispensables à la réussite de l’équipe de France n’étaient plus réunies." Depuis cette date, le technicien français avait préféré rester en retrait et ne pas réagir par médias ou réseaux sociaux interposés. Ce que n’avait pas manqué de faire ceux ou celles qui avaient à tort ou à raison quelque chose à lui reprocher. L’ancien bronzé de Barcelone, 216 fois international et en poche, 4 titres de champion de France avec l’USAM Nîmes comme joueur, vainqueur de la Challenge Cup avec le HBC Nîmes et deux Coupes d’Afrique des Nations avec la Tunisie comme entraîneur, a décidé de briser son silence. Et c’est à Handzone qu’il a bien voulu confier son état d’esprit sur ce qui s’est passé, ses rancœurs et ce à quoi il aspire désormais.

Alain, pourquoi ne pas avoir réagi plus tôt alors que d’autres ne s’en sont pas privé ?
J’avais dit au Directeur Technique National (NDLR : Philippe Bana) et au Président (Joël Delplanque) que je ne communiquerai pas sur mon éviction. Je trouvais que l’image de mon sport était suffisamment salie par ce que je lisais ou entendais. J’avais aussi besoin de réfléchir sur l’attitude à tenir. Aujourd'hui, j'éprouve la volonté de m'exprimer car beaucoup de gens qui me soutiennent m’ont encouragé à le faire. Ils estiment que si mon silence a de mon côté, montré beaucoup de dignité, il a pu aussi servir la cause de certains.

Pour motiver votre éviction, un manque de confiance mutuelle entre les joueuses et le staff technique a été évoqué. Réfutez-vous cette argumentation?
Je m’en fiche. Avec mon staff, nous considérons avoir fait notre travail du mieux possible. L’avis des spécialistes français et étrangers sur notre boulot auprès de cette équipe m’importe plus que ce genre d’argument. En fait, j’avais imposé un certain niveau d’exigence dans le travail afin que les filles progressent encore un peu plus. Visiblement, toutes ne l’ont pas accepté.

Regrettez-vous de n’avoir peut-être pas assez communiqué avec elles ?
J’ai lu quelque part que "je n’étais pas un grand communicant en interne". Demandez à mon staff si c’est le cas. Demandez au DTN qui vivait 24/24 avec nous ce qu’il en pense. Demandez aux joueuses du HBC Nîmes qui ont gagné la Challenge Cup en 2001 si c’est le cas. Pensez-vous que l’on puisse remporter deux Coupes d’Afrique avec la Tunisie sans communiquer avec ses joueurs ? Je n’ai aucun regret à ce niveau-là. Pour communiquer, il faut être deux. Certaines joueuses se sont cloitrées dans le mutisme pendant le Mondial de façon assez… étrange.

Des personnes en qui vous croyiez vous ont-elles déçu ?
Déçu et trahi, oui.

Pourtant début janvier, vous aviez reçu le soutien du président de la Fédération et de son conseil d’administration.
Je ne souhaite pas m’exprimer sur ce sujet. J’attends surtout que le soutien fédéral s’illustre dans le traitement qui nous sera réservé, à Philippe Carrara mon adjoint et moi-même, dans la gestion de notre avenir.

On vous a reproché beaucoup de choses…
Oui mais certaines idées ou propositions n’étaient pas de mon fait. Par exemple, je n'ai jamais demandé la modification de la rétribution des joueuses. C'est une idée des responsables fédéraux. Force est de constater que le système actuel est très favorable aux joueuses et que la place en Equipe de France est plutôt bonne à prendre... Ce sera mon dernier avis sur le handball féminin français !

Jamais, il n’y a eu un tel déballage dans le handball français…
Tous les coups étaient apparemment permis : diffamation, lettres anonymes, objets personnels dérobés. Ce qui m’a amené à vivre une situation surréaliste : aller porter plainte dès mon retour du Mondial danois ! Je rajouterai que l’attitude de certains médias se délectant des calomnies prononcées, m’a interpelé. Je précise que ce n’est pas moi qui en ai divulgué la teneur !

Selon vous, à qui tout cela profite ?
J’ai été victime d’une machination orchestrée par des personnes qui souhaitaient voir quelqu’un d’autre que moi au poste d’entraîneur de l’équipe de France féminine.

Lorsqu’il a été évincé, Olivier Krumbholz a été la cible de certaines joueuses. Il y a donc des similitudes...
Je ne souhaite pas parler de mon successeur.

Certaines joueuses ne vous ont pas épargné….
C’est vrai. Je suis d’ailleurs sidéré que des joueuses de l’équipe de France se soient autorisées à critiquer de façon aussi caricaturale leur entraineur et son staff en envoyant une lettre au président de la Fédération. Celle qui a rédigé ce courrier et qui s’en vante, aurait mieux fait de dépenser son énergie à essayer de bien faire son métier. J’ai été pendant 10 ans, joueur de l’équipe de France et je pensais naïvement que sa place se gagnait sur le terrain par des performances et par le travail. 

Avez-vous reçu du soutien de la part de certaines membres de l'équipe ?
Bien-sûr. Et je veux remercier au passage celles qui m’ont gentiment adressé des petits messages suite à mon éviction. C’est courageux de leur part et ça questionne sur l’unanimité avancée par certaines…

Sportivement, ce Mondial est-il un échec ou la France est-elle à sa place ?
La France s'est inclinée contre plus fort qu’elle en quart de finale (les Pays-Bas). Elle aurait pu perdre au tour précédent contre l’Espagne. Elle est régulière dans les grandes compétitions entre la 5ème et la 7ème place. Pour entrer dans un dernier carré, il faudrait que les joueuses dites "majeures" soient au rendez-vous le jour J. A ce propos, je constate et regrette qu’à l’issue de ce dernier Mondial, on ait beaucoup parlé des calomnies et attaques que j’ai subies mais quasiment jamais des performances des joueuses françaises.

Si c’était à refaire ?
J’aurais dû écouter les nombreuses personnes qui me déconseillaient d’accepter ce poste. J’ai effectivement connu bien peu de satisfactions lors de mon passage à la tête de cette équipe. Rien à voir avec les émotions et l’aventure humaine vécues dans la même fonction, en Tunisie avec les garçons de l’Equipe Nationale de 2009 à 2013. Rien à voir non plus, pour faire référence à mon expérience passée dans le handball féminin, avec les joueuses du HBC Nîmes que j’ai entrainées entre 1995 et 2004.

Etes-vous encore marqué par tout ce qui s’est passé ?
Bien-sûr, on ne sort pas indemne d’une telle épreuve. Mais aujourd’hui, ma seule préoccupation est de gérer mon avenir et celui de mes proches qui ont forcément été impactés par ce triste épisode.

La France joue contre l’Allemagne, samedi à Nîmes. Vous y serez ?
Vous le verrez samedi soir.

La France va-t-elle se qualifier pour les JO de Rio ?
Oui. Sans hésitation !

Quelle est aujourd’hui votre situation professionnelle ?
Je suis toujours sous contrat avec la Fédération Française jusqu’en août 2016. Pour la suite, je ne sais pas…

Ce week-end, le président de la Fédération Tunisienne de Handball a cité votre nom afin de reprendre la tête de la sélection. Quelle est votre réaction ?
Tout le monde connait mon attachement à la Tunisie, le respect que j’ai pour son peuple, son équipe nationale, ses joueurs, son public et ses dirigeants. J’ai voulu répondre à l’appel de mon pays en 2013 quand on est venu me chercher. J’aurais mieux fait de rester dans ce pays que j’avais quitté en pleurs. Le fait que le Président de la FTHB, Mourad Mestiri qui m’avait accueilli en 2009 avec d’autres dirigeants, évoque mon nom montre qu’ils n’ont pas oublié mon passage et qu’apparemment, ils l’ont plutôt apprécié. Ca me fait chaud au cœur, je l’avoue.

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