Dis-moi quel est ton numéro de maillot, je te dirai de quel département tu viens. A Nice, comme ailleurs, Louna Benezeth s'habille en 34. L'étoffe de l'Hérault, en toute logique. « Je suis née à Palavas-les-Flots. Mon premier club était le MUC, à Montpellier. Après, je suis partie à Jacou, le meilleur club héraultais à l'époque. » Comprenez le mitan des années 2010.
Hier en Languedoc, aujourd'hui à l'OGCN, Sébastien Mizoule apprécie une combativité « de chaque instant, en défense comme en attaque ». « J'ai pris le trait de caractère de mon père, qui est pêcheur, explique sa pivot. Son travail est difficile. Il nous a appris, mon frère et moi, à toujours se battre. » Autre vertu, credo, de la demoiselle de 23 ans : savoir bien s'entourer. « J'y mets énormément d'importance, pour être épanouie dans ce que je fais. » Ceci dès le cercle familial. « Mes parents m'ont toujours soutenue dans les moments difficiles. Quand j'ai commencé en N1 à 15 ans, et que je n'avais pas de temps de jeu, ils m'ont rassurée. » En élargissant la circonférence, l'on retrouve l'amie qui, à 10 ans, l'a soumise à la tentation de la balle collante. « Je faisais de la natation, de l'athlétisme, de la danse... Je n'arrivais pas trop à trouver mon sport. Elle m'a dit : ''Le hand, c'est trop bien, viens essayer.'' J'ai essayé, je n'ai plus jamais quitté le terrain ! »
Les sélections « du comité, de la Ligue » changent l'adolescente en compétitrice, postulante à une carrière à haut niveau. Une ambition ardente, un haut potentiel détectés par Mizoule dès 2016, année de prise de contact à Jacou. « A 14 ans, elle s'entraînait avec la Nationale 2 que j'avais. Je l'ai accompagnée dans son parcours, pour entrer au pôle de Nîmes. J'aime les joueuses avec son caractère. Elle fait partie des révélations de la LFH aux yeux de tout le monde, même si ce n'en est pas une pour moi. »
L'Auvergnat n'est pas le premier entraîneur à activer sa clause de revoyure. Eté 2022 : Grégory Loubier, qui l'avait dirigée au conservatoire toulonnais trois saisons plus tôt, la convainc de participer à la relance d'Octeville, relégué en N1. « J'y ai passé deux belles années. Je ne regrette pas mon choix », se remémore-t-elle. Malgré deux montées, pourtant obtenues sur le terrain, invalidées ou déclinées. Malgré l'ombre de l'éviction, début 2024, du tacticien pour harcèlement moral. La Seine-Maritime reste d'abord « un coup de cœur » après le coup de blues de mi-2021. « A la fin de ma deuxième année de centre de formation, Toulon voulait me prolonger, mais j'ai décidé d'arrêter. J'étais tellement investie dans le handball que je voulais faire une pause, faire éducatrice spécialisée. J'avais été prise dans une école, mais je n'avais pas trouvé de (formation en) alternance. Les structures ne prenaient personne après le confinement, pour se remettre à flot. Alors, pendant un an, j'ai travaillé avec des enfants, car je voulais rester dans ce milieu. » Par la suite, le HBO lui a permis d'avancer dans son projet parallèle, actuellement en stand-by.
Apaisée, reconnaissante envers ses coéquipières et la direction normandes, sans oublier la coach adjointe Isabelle Louis, Louna Benezeth s'est sentie prête pour un grand saut. Pas dans l'inconnu, car Toulon lui avait fait goûter l'élite une trentaine de fois entre 2019 et 2021. Mais un bond de deux divisions. Un retour sans escale dans un monde pro délaissé pendant trois ans, dans le Nice version Mizoule. « Peu importe où j'allais, c'est une pivot que j'aurais sollicitée », assure l'ex-prof principal de Besançon qui n'a jamais rompu le lien. « Retrouver la LBE alors que je suis en N1, c'est déjà quelque chose de fou, s'exclame l'élève toujours avide de conseils. Avec Sébastien, que demander de plus ? »
Une adaptation réussie, peut-être ? Y a qu'à demander, ou presque... « Louna a considérablement avancé en six mois, complimente le coach azuréen. Je lui ai donné un rôle important à Nice. Elle a vite pris la mesure de ses capacités, de ce que je peux lui demander. » Faire la paire en défense avec son binôme, Marie Fall, côte à côte ou non « en fonction des adversaires ». Se montrer clinique face aux gardiennes adverses, comme à Besançon le 5 février dernier (8 buts) ou à Mérignac samedi passé (4). L'armure se fend quand il lui faut verbaliser les sentiments du moment. « C'est trop beau d'arriver à ce niveau-là, alors que j'avais arrêté pendant un an. Sébastien est tellement derrière moi, le préparateur physique est hyper investi derrière nous. Tu baisses la tête deux secondes, les coéquipières sont déjà là pour te la remonter direct... Je peux compter sur elles, sur leur bienveillance. »
Trois buts de moyenne, troisième réalisatrice de l'OGCN - certes à bonne distance des Bleues Sajka et Dupuis -, ça vous situe le degré d'éclosion. Elevé oui, maximal pas encore, évalue Mizoule. « Louna a une grosse marge de manœuvre dans les deux secteurs de jeu. Elle doit surtout se discipliner. Elle veut faire beaucoup tout le temps, a parfois tendance à s'éparpiller. Il faut qu'elle soit plus posée. »
A la lecture du classement, du calendrier, le risque de dispersion est mineur. En déplacement à Chambray ce week-end, Nice (quatrième, à trois longueurs du podium) sait que rassembler ses forces peut lui rapporter gros : distancer un poursuivant (le CTHB est cinquième avec deux points et un match de retard), tendre vers sa meilleure saison depuis la finale de play-off 2019, tutoyer cette Europe poliment déclinée il y a six ans. « Quand il y a de l'enjeu, quand c'est difficile, ce sont les meilleurs matches à jouer, salive la pivot sous contrat dans les Alpes-Maritimes jusqu'en 2026. On est ambitieuses, déterminées à aller gagner. On est des guerrières, on ne lâche rien depuis le début. » Parler de son équipe, c'est un peu parler de soi...
Chambray-les-Tours – Nice (18ème journée de LBE), dimanche 30 mars (15 h, en direct sur beIN
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