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L'obstination du Canada force le respect

Mondial

lundi 23 juin 2025 - © Yves Michel

 5 min 39 de lecture

Invités de la dernière heure, c'est un véritable chemin de croix que vivent les joueurs du Canada sur le championnat du Monde des moins de 21 ans en Pologne. Pas une seule victoire en quatre rencontres à se mettre sous la dent, des scores et surtout des écarts fleuves à leur passif mais l'équipe garde son flegme, fière tout simplement d'être là. La Fédération qui ne subsiste que grâce à de généreux donateurs compte sur cette exposition pour que la discipline progresse dans la "Belle Province" et ses alentours.

De notre envoyé spécial à Sosnowiec (Pologne) 

N’allez pas leur dire qu’ils sont une curiosité dans un univers où ils sont malmenés, cela pourrait à juste titre, les vexer. Il y a moins de quatre mois, seize jeunes Canadiens s’employaient à planifier leurs vacances d’été. Caraïbes ou Amérique latine pour certains, Europe ou Gaspésie pour les autres, tout était calé. Et puis branle-bas de combat. Le titre des Etats-Unis au trophée intercontinental qui les qualifie pour le Mondial U21 en Pologne, libère de facto, une place et le Canada est repêché.  « Dès lors, une course contre-le-montre a été engagée, valide Sylvie Bisou, une Française passée par Montpellier et Nîmes, en charge de la préparation des gardiens de buts. Et il a fallu trouver surtout le financement. » Le doigt est posé sur le problème majeur rencontré par nos cousins éloignés. Contrairement à ce qui se fait avec la plupart des nations qui participent à la compétition en Pologne, le Canada ne perçoit aucune subvention de l’Etat et des pouvoirs publics. « On a vite fait les comptes, explique Simon Lefebvre-Gagnon (photo de tête). Pour participer au Mondial, cela nous coûte 4500 dollars canadiens (un peu plus de 2800 euros) par personne. On est allé faire du porte à porte auprès de sociétés qui ont l'habitude d’investir dans le sport. Il y a aussi beaucoup de parents de joueurs qui bossent dans ces entreprises, ça aide. Mais on a dû personnellement mettre la main à la poche. » Le demi-centre de 21 ans a dans le groupe, cette particularité d’être le seul à évoluer en… France. Depuis l’an dernier, il porte les couleurs du HBC Objat-Corrèze en Excellence Régionale. « Je voulais me frotter à un handball plus structuré, plus technique. J’ai fait les sélections juvéniles canadiennes et après un tournoi au Mexique, j’ai eu cette opportunité de venir en France. » Mais lorsque la plupart des jeunes du pays ne rêvent qu’à lancer un ballon de basket ou de volley, courir sur les largeurs d’un terrain de foot US ou glisser sur une patinoire de hockey, Simon lui, a choisi pour ainsi dire la difficulté d’une discipline totalement anonyme dans son pays. « Mais j’ai pratiqué ces sports quand j’étais ado ! J’ai trouvé dans le hand, tout ce que peuvent regrouper ces disciplines. La tactique, les valeurs, cela va bien plus vite que le ’’soccer’’ par exemple. Je ne regrette vraiment pas mon choix. » C’est toutefois une gageure que de s’être embarqué dans cette folle aventure. 



Seize joueurs dans le groupe, trois personnes dans le staff, là où d’autres en comptent 3 voire 4 fois plus. Et à Sosnowiec, où ils se sont mesurés à la Croatie, au Portugal, à l'Algérie et ce lundi à la Corée du sud, ils ont été sévèrement corrigés. « On savait à la base que ça serait difficile, conçoit Frantz Champagne, le coach principal, passé au début du siècle comme joueur pro par Strasbourg, Sélestat et l’Allemagne et qui a été investi dans sa fonction en septembre 2024. J’avais fait un break car j’avais cédé au découragement, les conditions dans lesquelles je travaillais en club n’étaient pas optimales. Il y avait un projet sur les jeunes à la Fédé, j’ai replongé. Je suis un homme de défis et j’ai gardé la fibre du compétiteur. » Un véritable sacerdoce dans un univers où réclamer gracieusement un jeu de maillots ou même trois paires de chaussettes est mission quasi impossible. Quant à réunir suffisamment de joueurs pour constituer une sélection…. « Notre chance est d’avoir des clubs majeurs implantés autour de Québec et à Montréal (à moins de 3h de route). C’est l’ossature de l’équipe avec pas mal de francophones. Ce sont des gars animés par la volonté de bien faire et toujours à l’écoute. Mais c’est vrai, la plupart manque de pratique à un haut niveau. C’est notre souci. » La solution passerait par des échanges avec des nations majeures et l’Europe est dans la ligne de mire. « On trouve des gens passionnés qui ne comptent pas leurs heures et qui s’investissent à fond, se réjouit Carrie Kuypers, la présidente de la Fédération Canadienne. Le meilleur exemple, c’est Christian Latulippe, le coach de notre équipe nationale A. Avec sa longue expérience au plus haut niveau, il a de nombreux contacts. » L’intéressé, ancien joueur pro, a passé sept saisons sur le banc de Grand Poitiers HB en Nationale 1, avant de basculer toujours dans ce même championnat, à Elite Val d’Oise. « C’est ce type de personnes qui peut transmettre la passion à nos jeunes, enchérit la présidente. »  Les jeunes, fondation de toute nation sportive… 

Beaucoup sont tentés par l’aventure ’’oversea’’ conscients des sacrifices à consentir. « Aider les jeunes à se perfectionner ailleurs, pourquoi pas ? Outre les fonds à trouver, il faut aussi tenir compte du déracinement, de l’éloignement avec la famille, tempère Sylvie Bisou. Et par rapport au Canada, il y aussi un gros décalage entre les cursus scolaires.» Et si finalement la solution n’était pas trouvée en créant des structures de formation plus poussées, des sortes d’Académies, à proximité des villes déjà acquises à la cause de la discipline ? « Il faut aussi qu’on ait des résultats au niveau des sélections nationales pour être reconnus dans notre propre pays. » Au Mondial U21, cela n’en prend pas le chemin.

A moins que… le match programmé ce mardi débouche sur une embellie. Le Canada va se mesurer au… voisin américain. « Ah ! the big match, s’extasie Simon Lefebvre-Gagnon. Récemment aux Panaméricains au Mexique, malgré quelques absents, il ne nous a pas manqué grand-chose pour les battre. Ici, c’est l’objectif. On va attaquer ce match en restant sur notre projet de jeu. Les écarts qui ont sanctionné nos 1ères confrontations sont conséquents mais on n’est pas là pour se lamenter et baisser les bras. C’est une chance et un honneur de faire partie de ce Mondial (la 2ème fois dans l'histoire pour des U21 après celui en Grèce en 2011). On va garder le moral et surtout rester soudés. »  Tabernacle ! Voilà que nos cousins québécois nourrissent des ambitions. A eux seuls, ils sont une bouffée rafraîchissante sur le handball international.  

Le Canada en photos et en quête de reconnaissance (© Yves Michel)

L'obstination du Canada force le respect  

Mondial

lundi 23 juin 2025 - © Yves Michel

 5 min 39 de lecture

Invités de la dernière heure, c'est un véritable chemin de croix que vivent les joueurs du Canada sur le championnat du Monde des moins de 21 ans en Pologne. Pas une seule victoire en quatre rencontres à se mettre sous la dent, des scores et surtout des écarts fleuves à leur passif mais l'équipe garde son flegme, fière tout simplement d'être là. La Fédération qui ne subsiste que grâce à de généreux donateurs compte sur cette exposition pour que la discipline progresse dans la "Belle Province" et ses alentours.

De notre envoyé spécial à Sosnowiec (Pologne) 

N’allez pas leur dire qu’ils sont une curiosité dans un univers où ils sont malmenés, cela pourrait à juste titre, les vexer. Il y a moins de quatre mois, seize jeunes Canadiens s’employaient à planifier leurs vacances d’été. Caraïbes ou Amérique latine pour certains, Europe ou Gaspésie pour les autres, tout était calé. Et puis branle-bas de combat. Le titre des Etats-Unis au trophée intercontinental qui les qualifie pour le Mondial U21 en Pologne, libère de facto, une place et le Canada est repêché.  « Dès lors, une course contre-le-montre a été engagée, valide Sylvie Bisou, une Française passée par Montpellier et Nîmes, en charge de la préparation des gardiens de buts. Et il a fallu trouver surtout le financement. » Le doigt est posé sur le problème majeur rencontré par nos cousins éloignés. Contrairement à ce qui se fait avec la plupart des nations qui participent à la compétition en Pologne, le Canada ne perçoit aucune subvention de l’Etat et des pouvoirs publics. « On a vite fait les comptes, explique Simon Lefebvre-Gagnon (photo de tête). Pour participer au Mondial, cela nous coûte 4500 dollars canadiens (un peu plus de 2800 euros) par personne. On est allé faire du porte à porte auprès de sociétés qui ont l'habitude d’investir dans le sport. Il y a aussi beaucoup de parents de joueurs qui bossent dans ces entreprises, ça aide. Mais on a dû personnellement mettre la main à la poche. » Le demi-centre de 21 ans a dans le groupe, cette particularité d’être le seul à évoluer en… France. Depuis l’an dernier, il porte les couleurs du HBC Objat-Corrèze en Excellence Régionale. « Je voulais me frotter à un handball plus structuré, plus technique. J’ai fait les sélections juvéniles canadiennes et après un tournoi au Mexique, j’ai eu cette opportunité de venir en France. » Mais lorsque la plupart des jeunes du pays ne rêvent qu’à lancer un ballon de basket ou de volley, courir sur les largeurs d’un terrain de foot US ou glisser sur une patinoire de hockey, Simon lui, a choisi pour ainsi dire la difficulté d’une discipline totalement anonyme dans son pays. « Mais j’ai pratiqué ces sports quand j’étais ado ! J’ai trouvé dans le hand, tout ce que peuvent regrouper ces disciplines. La tactique, les valeurs, cela va bien plus vite que le ’’soccer’’ par exemple. Je ne regrette vraiment pas mon choix. » C’est toutefois une gageure que de s’être embarqué dans cette folle aventure. 



Seize joueurs dans le groupe, trois personnes dans le staff, là où d’autres en comptent 3 voire 4 fois plus. Et à Sosnowiec, où ils se sont mesurés à la Croatie, au Portugal, à l'Algérie et ce lundi à la Corée du sud, ils ont été sévèrement corrigés. « On savait à la base que ça serait difficile, conçoit Frantz Champagne, le coach principal, passé au début du siècle comme joueur pro par Strasbourg, Sélestat et l’Allemagne et qui a été investi dans sa fonction en septembre 2024. J’avais fait un break car j’avais cédé au découragement, les conditions dans lesquelles je travaillais en club n’étaient pas optimales. Il y avait un projet sur les jeunes à la Fédé, j’ai replongé. Je suis un homme de défis et j’ai gardé la fibre du compétiteur. » Un véritable sacerdoce dans un univers où réclamer gracieusement un jeu de maillots ou même trois paires de chaussettes est mission quasi impossible. Quant à réunir suffisamment de joueurs pour constituer une sélection…. « Notre chance est d’avoir des clubs majeurs implantés autour de Québec et à Montréal (à moins de 3h de route). C’est l’ossature de l’équipe avec pas mal de francophones. Ce sont des gars animés par la volonté de bien faire et toujours à l’écoute. Mais c’est vrai, la plupart manque de pratique à un haut niveau. C’est notre souci. » La solution passerait par des échanges avec des nations majeures et l’Europe est dans la ligne de mire. « On trouve des gens passionnés qui ne comptent pas leurs heures et qui s’investissent à fond, se réjouit Carrie Kuypers, la présidente de la Fédération Canadienne. Le meilleur exemple, c’est Christian Latulippe, le coach de notre équipe nationale A. Avec sa longue expérience au plus haut niveau, il a de nombreux contacts. » L’intéressé, ancien joueur pro, a passé sept saisons sur le banc de Grand Poitiers HB en Nationale 1, avant de basculer toujours dans ce même championnat, à Elite Val d’Oise. « C’est ce type de personnes qui peut transmettre la passion à nos jeunes, enchérit la présidente. »  Les jeunes, fondation de toute nation sportive… 

Beaucoup sont tentés par l’aventure ’’oversea’’ conscients des sacrifices à consentir. « Aider les jeunes à se perfectionner ailleurs, pourquoi pas ? Outre les fonds à trouver, il faut aussi tenir compte du déracinement, de l’éloignement avec la famille, tempère Sylvie Bisou. Et par rapport au Canada, il y aussi un gros décalage entre les cursus scolaires.» Et si finalement la solution n’était pas trouvée en créant des structures de formation plus poussées, des sortes d’Académies, à proximité des villes déjà acquises à la cause de la discipline ? « Il faut aussi qu’on ait des résultats au niveau des sélections nationales pour être reconnus dans notre propre pays. » Au Mondial U21, cela n’en prend pas le chemin.

A moins que… le match programmé ce mardi débouche sur une embellie. Le Canada va se mesurer au… voisin américain. « Ah ! the big match, s’extasie Simon Lefebvre-Gagnon. Récemment aux Panaméricains au Mexique, malgré quelques absents, il ne nous a pas manqué grand-chose pour les battre. Ici, c’est l’objectif. On va attaquer ce match en restant sur notre projet de jeu. Les écarts qui ont sanctionné nos 1ères confrontations sont conséquents mais on n’est pas là pour se lamenter et baisser les bras. C’est une chance et un honneur de faire partie de ce Mondial (la 2ème fois dans l'histoire pour des U21 après celui en Grèce en 2011). On va garder le moral et surtout rester soudés. »  Tabernacle ! Voilà que nos cousins québécois nourrissent des ambitions. A eux seuls, ils sont une bouffée rafraîchissante sur le handball international.  

Le Canada en photos et en quête de reconnaissance (© Yves Michel)

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