C’est une petite révolution qui s’annonce au cœur du handball français. Depuis 1991, les Intercomités étaient un passage presque initiatique pour des générations de jeunes joueurs. Un rendez-vous fédérateur, porteur d’émotions et souvent d’ambitions. La Fédération Française de Handball a choisi de revoir le système en profondeur. Exit le format unique, place à un dispositif plus large, plus juste et plus représentatif du territoire : les Trophées Michel Barbot.
À la manœuvre, Éric Baradat, responsable du Parcours de Performance Fédéral féminin et sélectionneur de l’équipe de France Féminine U20, défend une vision claire : conjuguer équité des chances et exigence de performance. HandZone est allé à sa rencontre. Derrière cette réforme, il y a l’idée que chaque jeune licencié, qu’il vienne de la Seine-Saint-Denis, de la Loire-Atlantique ou du fin fond de la Creuse, doit pouvoir se montrer et espérer.
Les intercomités vont connaître un grand changement cette saison. Qu’est-ce qui motive cette évolution ?
Éric Baradat : Ce changement va surtout améliorer la détection. Permettre à tous les jeunes, quelle que soit leur origine ou la force du handball sur leur territoire, de participer à un trophée national. Jusqu’ici, les mêmes comités se retrouvaient aux finalités : ceux avec beaucoup de licenciés. Du coup, on ne voyait pas forcément les meilleurs potentiels.
On a donc voulu garder le côté compétitif et convivial des intercomités, mais en donnant le droit d’accès à tout le monde. Plutôt qu’une seule finale nationale, il y en aura désormais sept chez les garçons et sept chez les filles. En plus des comités qualifiés, nous ajoutons des équipes de regroupement, qui vont réunir les meilleurs potentiels des sélections éliminées, on offre une meilleure démocratisation de l'accès au haut niveau. C'est un vrai perfectionnement de notre système de détection Certains s’interrogent, et c’est normal, mais je suis convaincu que dans un an ou deux, tout le monde verra le sens et l’intérêt de cette réforme. C’est une mesure d’équité que tout le monde peut comprendre.
Justement, comment vont se dérouler l'arrivée de ces équipes de regroupement ?
É.B. : Le premier tour reste 100 % départemental : chaque comité joue avec ses forces. À partir du deuxième tour, ce sont les ligues régionales qui décident d'ajouter une équipe de regroupement. Si une ligue a, par exemple, cinq places pour le tour national, elle peut qualifier quatre comités et créer une cinquième équipe issue du regroupement des non-qualifiés. Comme ça, à Pâques, sur le Trophée national Michel Barbot, tous les potentiels de la ligue seront visibles, qu’ils se soient qualifiés ou non avec leur comité d’origine.
L’Île-de-France fait exception à ce fonctionnement…
É.B. : Oui, parce que c’est un territoire totalement à part. Sur une surface très réduite, il y a plus de 50 000 licenciés ! On dit souvent, en rigolant, qu’en Île-de-France, “si vous shootez dans une poubelle, il y a douze potentiels qui tombent”. C’est évidemment une caricature, mais ça illustre la densité exceptionnelle du vivier. Là-bas, le risque, c’est plutôt d’en louper. Donc, les huit comités franciliens participeront en nom propre, sans équipe de regroupement. On veut élargir au maximum la détection dans cette zone.
Certains disent que cette réforme offre une “seconde chance” aux jeunes des petits comités. Vous partagez ce point de vue ?
É.B. : Je préfère dire qu’on donne les mêmes chances à tout le monde. Ce n’est pas une “seconde chance” : c’est une question d’équité. Tous les tournois seront filmés. Donc, si une fille de la Creuse participe au Trophée Michel Barbot, je pourrai la voir jouer, comme je le ferais pour une fille de Loire-Atlantique ou de Seine-Saint-Denis. C’est ça, la véritable avancée : améliorer l’équité de détections lors des trophées nationaux. Et puis, il faut des conditions équitables d’évaluation. Un bon joueur isolé dans une équipe faible ne se mettra pas autant en valeur que celui entouré de coéquipiers de qualité.
Le regroupement permet de le voir autrement. La détection, c’est un phénomène continu. Personne n’a de boule de cristal pour reconnaître à 13 ans le futur Karabatic ! Ce qu’on cherche, c’est à repérer aussi ceux qui ne brillent pas tout de suite, mais qui ont un potentiel de développement énorme. Et peut-être que demain, ces jeunes venus de départements sans grande culture handballistique deviendront des professionnels, des entraîneurs ou des dirigeants, et feront grandir le handball chez eux, pour créer une véritable dynamique locale. C’est ça aussi le sens du projet.
Cette réforme s’inscrit-elle dans une réflexion plus large de la FFHandball ?
É.B. : Oui, bien sûr. C’est un dispositif pensé dans la durée, pour faire progresser tout le handball français. Certains “gros” comités, habitués à se qualifier chaque année, ont exprimé leur déception, et je les comprends. Mais notre rôle n’est pas de faire de la démagogie : c’est de faire avancer le collectif. Avec sept tournois féminins et sept masculins, il y aura sept fois plus de vainqueurs, et donc beaucoup plus de jeunes valorisés. Personne ne sera “champion de France”, mais chacun pourra remporter les Trophées Michel Barbot. Et puis, le changement ouvre aussi de nouvelles perspectives. Certains comités créeront peut-être des tournois internationaux en fin de saison. On peut voir le changement comme une perte, ou comme une opportunité. Moi, je crois que c’est clairement une opportunité.
Et qu’aimeriez-vous qu’on retienne de cette réforme dans quelques années ?
É.B. : Que la Fédération a su moderniser un dispositif historique et le rendre accessible à tous. Être détecté, c’est un droit pour chaque licencié. Ce droit, on veut le garantir à tous les niveaux. C’est un projet d’intérêt général, pas une réforme pour quelques-uns. Franchement, qui peut contester qu’un gamin talentueux de 13 ans, au fin fond de la Creuse, doit avoir les mêmes chances qu’un gamin de Toulouse, Nantes ou Marseille ? Personne. C’est aussi simple que ça.