Ce sera, à n’en pas douter, l’un des évènements phares de la saison 2008-2009. L’organisation des phases finales de la Coupe de la Ligue à Miami devrait offrir au handball hexagonal un exceptionnel coup de projecteur. Le rêve fou de la Ligue Nationale de Handball (LNH) devrait donc se concrétiser en avril prochain. C’est la première fois qu’un sport collectif français disputera une telle compétition aux Etats-Unis.
En cette période de trêve estivale, HandZone a décidé de revenir sur cet évènement majeur de la saison 2008-2009. Grine Lahrèche, ancien handballeur de Division 1, a suivi au plus près la concrétisation de ce dossier puisqu’il est l’un des avocats de la LNH pour cette Coupe de la Ligue à Miami. Il nous explique en quoi cette édition américaine va métamorphoser le handball tricolore.
HandZone : Grine, comment ce projet d’organiser les phases finales de la Coupe de la Ligue à Miami est-il né ?
Grine Lahrèche : Ce projet est tout d’abord né d’une volonté de la LNH d’organiser le « Final Four » de la Coupe de la Ligue à l’étranger. J’ai cru comprendre que c’est Thierry Anti qui a mis en relation Christian Zaharia avec la LNH. Christian Zaharia est associé dans une entreprise d’évènementiel américaine spécialisée dans la communication sportive. Il est également entraîneur des handballeurs de Miami Sharks. Il est convaincu que le handball peut devenir un sport extrêmement populaire aux Etats-Unis. Différents échanges ont ensuite eu lieu entre la LNH d’un côté et Christian Zaharia et son associé A.C. Tellison de l’autre. La Ligue a été séduite par leur enthousiasme, à défaut d’engagement précis.
HZ : Depuis un an, tu es avocat au sein du cabinet Gibson, Dunn & Crutcher LLP qui est l’un des tout premiers cabinets aux Etats-Unis et un acteur de premier plan en Europe, avec une forte vocation internationale. Comment es tu parvenu à travailler sur le dossier de la Coupe de la Ligue ?
GL : Les contacts se sont établis naturellement. Philippe Carrara, mon ancien entraîneur à Pontault-Combault, a expliqué au Président de la LNH, Alain Smadja, que j’étais avocat dans un cabinet américain. Etant donné le caractère transatlantique et international de l’opération, le rapport était évident ! De mon côté, les intérêts économiques et juridiques m’ont particulièrement motivé. Ce projet nécessite un investissement personnel très conséquent et l’appui de deux associés de mon cabinet s’est avéré déterminant. A ce titre, je tiens notamment à remercier Benoît Fleury et Nicolas Baverez.
HZ : Actuellement, où en est le projet d’un point de vue juridique ?
GL : On a signé un premier document qui permet de définir les grands principes des relations contractuelles entre les investisseurs et la LNH. A partir de ce document de base, un calendrier précis a été mis en place. Je ne peux pas m’étendre sur ce sujet puisque ça fera l’objet de discussions dans les semaines à venir avec nos partenaires américains. Tout ce que je peux dire, c’est que le projet avance.
HZ : Ta carrière de handballeur a-t-elle constitué un avantage pour traiter ce genre de dossier ?
GL : Oui, énormément ! J’avais auparavant un point de vue de joueur et je découvre maintenant les aspects économiques et juridiques. Cela me donne une vision plus globale. Je me suis d’ailleurs appuyé sur les situations rencontrées dans les différents clubs au sein desquels j’ai évolué pour comprendre certains éléments du dossier.
HZ : Faire jouer la phase finale de la Coupe de la Ligue à Miami va-t-il réellement constituer une vitrine pour le handball hexagonal ?
GL : Si l’ensemble de l’opération réussit, c’est l’ensemble des acteurs du handball français qui sera récompensé. Ce n’est pas seulement un projet réalisé par et pour le secteur professionnel masculin. Les retombées peuvent être très importantes pour tous les acteurs du hand français : les joueurs peuvent vivre une aventure sportive extraordinaire ; les clubs et la LNH peuvent être des acteurs historiques de l’évolution du handball français ; enfin, les spectateurs français, européens et/ou américains devraient également bénéficier d’un spectacle exceptionnel.
HZ : Le handball français n’est-il pas à un tournant de son histoire ?
GL : Je pense qu’on est effectivement à un tournant, tout d’abord au niveau de la professionnalisation de la Ligue. Grâce à l’excellent travail qu’a réalisé la LNH pour la négociation des droits TV, cela permet au handball d’arriver en troisième position derrière le football et le rugby mais devant le basketball et le volleyball. Cette opération, conjuguée au projet de Miami, marque véritablement une orientation stratégique pour le handball français. La LNH possède en son sein des personnes compétentes. De plus, l’association de conseillers en communication et/ou en marketing sportif, ainsi que la participation de différents conseils juridiques témoignent d’une logique d’investissement et d’adjonction de compétences indispensables au développement de la LNH.
Le deuxième point concerne le niveau national avec la construction de plusieurs grandes salles en France (Montpellier, Chambéry, Sélestat, etc …). Cela va dans le bon sens avec une professionnalisation accrue dans tous les secteurs.
Enfin, il reste encore beaucoup de chantiers pour les années à venir, notamment avec le développement des centres de formation, la reconversion des joueurs et les contrats d’image.
HZ : Peut-on craindre que le handball dérive comme le football, avec une omniprésence de l’argent ?
GL : Il est vrai que le football peut véhiculer certaines images négatives : on peut notamment penser à la marchandisation du sport, aux cadences effrénées imposées aux joueurs en raison de fortes contraintes économiques et, plus généralement, à l’omniprésence de l’argent. A l’inverse, le handball évoque intuitivement la convivialité, l’esprit d’équipe et l’honnêteté. La réalité se situe cependant entre cette représentation fantasmée du football et celle idyllique du handball. En étant purement pragmatique, on doit comprendre que l’apport d’argent est un élément de nature à favoriser le développement de la pratique en nombre de licenciés. Cela va également permettre d’accroître la notoriété de notre sport. Le projet à Miami ne doit pas être vu comme le fait de vendre son âme au diable mais bel et bien comme une opportunité historique d’installer durablement le hand dans le paysage sportif international.
HZ : Cette édition de la Coupe de la Ligue à Miami va-t-elle enfin permettre au handball hexagonal d’avoir la place qu’il mérite dans les médias ?
GL : Ce qui est intéressant, c’est que le handball français a de très bons résultats comparé à d’autres sports collectifs. Il doit désormais capitaliser sur son image en Europe. Les résultats des clubs et de l’équipe de France constituent des éléments moteurs pour sa médiatisation. Seul un développement équilibré et respectueux de tous ses acteurs permettra au handball tricolore d’accroître sa médiatisation.
Propos recueillis par