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Mahé… tel père, tel fils

Euro

mardi 10 août 2010 - © Yves Michel

 6 min 36 de lecture

Kentin Mahé, le demi-centre de l’équipe de France junior, est la nouvelle coqueluche du club de Dormagen, là où il est licencié. Surtout depuis dimanche soir. Depuis qu’il a reçu à Bratislava le titre de Meilleur Joueur du championnat d’Europe 2010. Un titre qui n’appartient qu’à l’apanage des grands et qui dans cette catégorie d’âge est une première pour un Français. Désormais, Kentin est dans le sillage de son père, Pascal, sacré champion du Monde avec les Barjots en 1995.

« Cantine Mahééé !!!! » à deux reprises et à la manière d’un bateleur de foire, le nom, déformé par l’accent slovaque a claqué dans la sono du complexe sportif de la Sibamac Arena de Bratislava. Du haut de ses 19 ans, les yeux du gamin ont brillé mais tout de suite, son regard a fixé la tribune d’en face, là où s’étaient agglutinés ses copains de l’équipe de France. Et dans un geste ample, plein de générosité et de tendresse, Kentin leur a dédié sa récompense. Les potes se sont levés et ont applaudi en donnant de la voix : « si je suis honoré, ce n’est pas tout seul que j’y suis arrivé. C’est grâce à eux. J’aurais tant aimé leur offrir mieux, qu’on soit tous ensemble sur le podium à partager ce moment unique. » Un moment unique c’est vrai, et une poussée d’adrénaline incomparable lorsqu’à la fin de la cérémonie  Rasmus Lauge Schmidt le capitaine d’un Danemark triomphant a levé bien haut le plateau en or symbolisant le trophée. Kentin Mahé était lui, admiratif, à la fois acteur et spectateur, se délectant de ce qui se passait au milieu de tous les joueurs promus.

Le demi-centre français s’intéresse à tout ce qui gravite autour de la planète handball. Son approche de ce sport ne laisse personne indifférent, pas même ses coéquipiers. Même lorsqu’on questionne Nicolas Huyghe, le troisième gardien de la sélection qui malheureusement pour lui, n’avait pas été retenu parmi les 16 en Slovaquie, le doute est vite levé. Le portier dunkerquois est en admiration devant celui qui est d’un mois, son cadet : « J’ai côtoyé Kentin, en tournoi en Pologne et dans le stage de préparation d’avant Euro. C’est un gars simple, qui ne se prend pas la tête. Sur le terrain, c’est un guerrier. Alors si des fois, il aime bien montrer qu’il est là, il n’en rajoute pas. Moi, il fait me plier en quatre par exemple, lorsqu’il met son vieux bonnet et qu’il prend l’accent allemand, il est irrésistible ».

U-na-ni-mi-té. A peine 19 ans et Kentin Mahé rassemble tous les suffrages. Comme d’ailleurs, dans les années 90, un certain Pascal, papa du petit prodige. Le bébé venait à peine de faire ses premiers pas que « Calou » remportait avec les héros des JO de Barcelone 92, la 1ère médaille de bronze du hand français. Dix-huit ans plus tard, Kentin reprend le flambeau. Leurs seuls points communs, cette rage de vaincre et cette tendance à exceller dans l’art du jet à 7 mètres. Le fils est un sacré attaquant et patron du jeu depuis la base arrière, le père était un rock sur le front de la défense. Un de ces individus qui laisseraient leur âme sur le terrain plutôt que de voir l’adversaire, passer. Comme Kentin, Pascal ne s’est jamais économisé (d’ailleurs son dos, ses chevilles, ses genoux, ses jambes en ont gardé des stigmates). A la fin de sa carrière internationale après ce bronze olympique, l’argent du Mondial 93 et l’or en 1995, ses coéquipiers et l’encadrement des Bleus lui avaient trouvé un surnom : « la momie ».

Arrivé ensuite (en 1999), à Dormagen sur la rive droite du Rhin, Pascal Mahé y a terminé sa carrière de joueur avant de prendre en main les sélections de jeunes. Kentin lui, se souvient vaguement de ces images d’un autre temps lorsque papa courait vers le but adverse ou peut-être pas. Car Alain Portes, condisciple de l’épopée bronzée de 92 et actuel entraîneur de la Tunisie, est formel : «  Pascal n’a jamais cru en ses capacités en attaque et c’est dommage. En revanche, si c’était un ange hors du terrain, c’était un loup proche des 6 mètres, un rempart infranchissable.» Et l’actuel entraineur de la Tunisie de poursuivre (comme s’il fallait souligner le mimétisme qui rapproche le père et le fils) : « avec lui, le hand était présent partout. Même à table ! Je me rappelle qu’il nous parlait des heures de tactique en dessinant sur un coin de nappe en papier, le schéma à adopter. »

Le fils est à l’identique. Il vit sa passion au quotidien. Il est né pour le handball, sa vie sera handball. Et personne ne lui a forcé la main, certainement pas Pascal, son « Barjot » de père : « Avec ma femme qui a aussi été handballeuse, on ne l’a jamais poussé. Il a été lui-même le détonateur de ce qu’il est en train de construire. Aujourd’hui, cela suit un rythme un peu fou, il a une vie de vrai pro, alors qu’il n’est que lycéen ! ». Le n°3 des Bleuets vit en effet à 100 à l’heure, même… quand il dort. Pascal est même parfois obligé de réguler. « Il vient de rentrer de l’Euro et nous l’avons récupéré sur Montpellier. Il est tout de suite parti avec ses amis car il en avait besoin. Mais quand il a des moments où cela se bouscule dans la tête, il faut savoir rester ferme. Lundi soir, il voulait s’endormir avec le portable allumé… j’ai été plus persuasif… il l’a éteint. » Meilleur buteur de l’Euro juniors (avec 49 réalisations, ex aequo avec l’ailier droit slovène Gasper Marguc), Kentin Mahé ne veut pas et n’en restera pas là. Si un titre n’arrive pas chez les juniors, qu’à cela ne tienne, il ira le chercher ailleurs. En Bundesliga ? Pourquoi pas. Dans un an, libéré de tout engagement à Dormagen, il doit franchir le pas et signer pour le club de Hambourg. Retrouver Bertrand et Guillaume Gille, les frères Lijewski ou les Croates Vori et Duvnjak. Ce dernier, à tout juste 22 ans possède déjà un palmarès qui pourrait servir de repère au jeune français : trois médailles d’argent avec la sélection croate (Euro 2008 et 2010 et Mondial 2009). Sans emballer la machine, le chemin est tracé. Son rêve, il l’a déjà dessiné dans un coin de sa tête: « Mon rêve bien sur, c’est de pouvoir un jour être en France A. Mais ça, il faut le mériter, travailler pour. Mais si je n’ai pas cet objectif, je n’avancerai pas. » Voilà qui est dit sans détour ni forfanterie. Et le papa de se rappeler que lui aussi à son âge, aspirait aux mêmes desseins après un premier stage en France A à 20 ans et une première sélection, un an plus tard. « Le message qu’on lui a transmis correspond à ce qu’on aime vivre ensemble et j’espère qu’il va vivre comme moi, des choses magnifiques. Et certainement plus tôt car il est plus brillant que moi, il est plus ouvert vers l’extérieur alors que moi je ne l’étais pas. Le tout, c’est qu’il se protège. On va l’aider aussi dans ce sens.»

Avant de penser à Hambourg, à une carrière à la Karabatic en Bundesliga, débouchant sur les France A, Kentin est investi d’une mission. Ses potes comptent sur lui pour les qualifier et disputer en Grèce le Mondial junior en juillet prochain. La date est cochée depuis belle lurette sur son agenda…

Yves MICHEL (www.rtl-lequipe.fr)

Mahé… tel père, tel fils 

Euro

mardi 10 août 2010 - © Yves Michel

 6 min 36 de lecture

Kentin Mahé, le demi-centre de l’équipe de France junior, est la nouvelle coqueluche du club de Dormagen, là où il est licencié. Surtout depuis dimanche soir. Depuis qu’il a reçu à Bratislava le titre de Meilleur Joueur du championnat d’Europe 2010. Un titre qui n’appartient qu’à l’apanage des grands et qui dans cette catégorie d’âge est une première pour un Français. Désormais, Kentin est dans le sillage de son père, Pascal, sacré champion du Monde avec les Barjots en 1995.

« Cantine Mahééé !!!! » à deux reprises et à la manière d’un bateleur de foire, le nom, déformé par l’accent slovaque a claqué dans la sono du complexe sportif de la Sibamac Arena de Bratislava. Du haut de ses 19 ans, les yeux du gamin ont brillé mais tout de suite, son regard a fixé la tribune d’en face, là où s’étaient agglutinés ses copains de l’équipe de France. Et dans un geste ample, plein de générosité et de tendresse, Kentin leur a dédié sa récompense. Les potes se sont levés et ont applaudi en donnant de la voix : « si je suis honoré, ce n’est pas tout seul que j’y suis arrivé. C’est grâce à eux. J’aurais tant aimé leur offrir mieux, qu’on soit tous ensemble sur le podium à partager ce moment unique. » Un moment unique c’est vrai, et une poussée d’adrénaline incomparable lorsqu’à la fin de la cérémonie  Rasmus Lauge Schmidt le capitaine d’un Danemark triomphant a levé bien haut le plateau en or symbolisant le trophée. Kentin Mahé était lui, admiratif, à la fois acteur et spectateur, se délectant de ce qui se passait au milieu de tous les joueurs promus.

Le demi-centre français s’intéresse à tout ce qui gravite autour de la planète handball. Son approche de ce sport ne laisse personne indifférent, pas même ses coéquipiers. Même lorsqu’on questionne Nicolas Huyghe, le troisième gardien de la sélection qui malheureusement pour lui, n’avait pas été retenu parmi les 16 en Slovaquie, le doute est vite levé. Le portier dunkerquois est en admiration devant celui qui est d’un mois, son cadet : « J’ai côtoyé Kentin, en tournoi en Pologne et dans le stage de préparation d’avant Euro. C’est un gars simple, qui ne se prend pas la tête. Sur le terrain, c’est un guerrier. Alors si des fois, il aime bien montrer qu’il est là, il n’en rajoute pas. Moi, il fait me plier en quatre par exemple, lorsqu’il met son vieux bonnet et qu’il prend l’accent allemand, il est irrésistible ».

U-na-ni-mi-té. A peine 19 ans et Kentin Mahé rassemble tous les suffrages. Comme d’ailleurs, dans les années 90, un certain Pascal, papa du petit prodige. Le bébé venait à peine de faire ses premiers pas que « Calou » remportait avec les héros des JO de Barcelone 92, la 1ère médaille de bronze du hand français. Dix-huit ans plus tard, Kentin reprend le flambeau. Leurs seuls points communs, cette rage de vaincre et cette tendance à exceller dans l’art du jet à 7 mètres. Le fils est un sacré attaquant et patron du jeu depuis la base arrière, le père était un rock sur le front de la défense. Un de ces individus qui laisseraient leur âme sur le terrain plutôt que de voir l’adversaire, passer. Comme Kentin, Pascal ne s’est jamais économisé (d’ailleurs son dos, ses chevilles, ses genoux, ses jambes en ont gardé des stigmates). A la fin de sa carrière internationale après ce bronze olympique, l’argent du Mondial 93 et l’or en 1995, ses coéquipiers et l’encadrement des Bleus lui avaient trouvé un surnom : « la momie ».

Arrivé ensuite (en 1999), à Dormagen sur la rive droite du Rhin, Pascal Mahé y a terminé sa carrière de joueur avant de prendre en main les sélections de jeunes. Kentin lui, se souvient vaguement de ces images d’un autre temps lorsque papa courait vers le but adverse ou peut-être pas. Car Alain Portes, condisciple de l’épopée bronzée de 92 et actuel entraîneur de la Tunisie, est formel : «  Pascal n’a jamais cru en ses capacités en attaque et c’est dommage. En revanche, si c’était un ange hors du terrain, c’était un loup proche des 6 mètres, un rempart infranchissable.» Et l’actuel entraineur de la Tunisie de poursuivre (comme s’il fallait souligner le mimétisme qui rapproche le père et le fils) : « avec lui, le hand était présent partout. Même à table ! Je me rappelle qu’il nous parlait des heures de tactique en dessinant sur un coin de nappe en papier, le schéma à adopter. »

Le fils est à l’identique. Il vit sa passion au quotidien. Il est né pour le handball, sa vie sera handball. Et personne ne lui a forcé la main, certainement pas Pascal, son « Barjot » de père : « Avec ma femme qui a aussi été handballeuse, on ne l’a jamais poussé. Il a été lui-même le détonateur de ce qu’il est en train de construire. Aujourd’hui, cela suit un rythme un peu fou, il a une vie de vrai pro, alors qu’il n’est que lycéen ! ». Le n°3 des Bleuets vit en effet à 100 à l’heure, même… quand il dort. Pascal est même parfois obligé de réguler. « Il vient de rentrer de l’Euro et nous l’avons récupéré sur Montpellier. Il est tout de suite parti avec ses amis car il en avait besoin. Mais quand il a des moments où cela se bouscule dans la tête, il faut savoir rester ferme. Lundi soir, il voulait s’endormir avec le portable allumé… j’ai été plus persuasif… il l’a éteint. » Meilleur buteur de l’Euro juniors (avec 49 réalisations, ex aequo avec l’ailier droit slovène Gasper Marguc), Kentin Mahé ne veut pas et n’en restera pas là. Si un titre n’arrive pas chez les juniors, qu’à cela ne tienne, il ira le chercher ailleurs. En Bundesliga ? Pourquoi pas. Dans un an, libéré de tout engagement à Dormagen, il doit franchir le pas et signer pour le club de Hambourg. Retrouver Bertrand et Guillaume Gille, les frères Lijewski ou les Croates Vori et Duvnjak. Ce dernier, à tout juste 22 ans possède déjà un palmarès qui pourrait servir de repère au jeune français : trois médailles d’argent avec la sélection croate (Euro 2008 et 2010 et Mondial 2009). Sans emballer la machine, le chemin est tracé. Son rêve, il l’a déjà dessiné dans un coin de sa tête: « Mon rêve bien sur, c’est de pouvoir un jour être en France A. Mais ça, il faut le mériter, travailler pour. Mais si je n’ai pas cet objectif, je n’avancerai pas. » Voilà qui est dit sans détour ni forfanterie. Et le papa de se rappeler que lui aussi à son âge, aspirait aux mêmes desseins après un premier stage en France A à 20 ans et une première sélection, un an plus tard. « Le message qu’on lui a transmis correspond à ce qu’on aime vivre ensemble et j’espère qu’il va vivre comme moi, des choses magnifiques. Et certainement plus tôt car il est plus brillant que moi, il est plus ouvert vers l’extérieur alors que moi je ne l’étais pas. Le tout, c’est qu’il se protège. On va l’aider aussi dans ce sens.»

Avant de penser à Hambourg, à une carrière à la Karabatic en Bundesliga, débouchant sur les France A, Kentin est investi d’une mission. Ses potes comptent sur lui pour les qualifier et disputer en Grèce le Mondial junior en juillet prochain. La date est cochée depuis belle lurette sur son agenda…

Yves MICHEL (www.rtl-lequipe.fr)

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