bandeau handzone

Le dur apprentissage du Canada

Mondial

lundi 25 juillet 2011 - © Yves Michel

 4 min 38 de lecture

Depuis le début de la compétition, Justin Danulet et Lyndon Suvanto restent philosophes et certainement pas résignés. Justin et Lyndon sont les deux gardiens de buts de l’équipe nationale junior du Canada. Il faut sincèrement avoir un moral à toute épreuve pour se dire qu’à chaque match, vous allez en prendre 40 ou presque 50 dans les valises et que vous allez repartir avec le postérieur aussi rouge que la feuille d’érable du drapeau canadien.

Depuis qu’ils sont arrivés, nos 18 petits cousins canadiens (11 francophones, 7 anglophones en majorité nés en 1991 et 1992) forcent le respect. Dans un pays qui ne compte que 5000 licenciés mais peut-être 10 000 pratiquants et où le hand ne figure même pas dans les 60 premières disciplines sportives répertoriées (devancé par exemple par le jeu de quilles à 5 !), battre le rappel relève du sacerdoce.

Et pourtant, ce n’est pas faute de volonté. Le directeur exécutif (et seul permanent !) de la Fédération, François Lebeau doit constamment faire preuve d’ingéniosité pour maintenir sa discipline à flots. « Au Canada, personne ne se soucie de nous. Comme nous n’avons pas de résultats et que nous ne représentons pas un potentiel en licenciés, le gouvernement nous ignore. Ca se traduit par zéro budget. » Conséquence impensable pour tout autre sportif de haut niveau: pour venir en Grèce, participer au Mondial juniors, chaque joueur ou sa famille a du mettre la main à la poche. « Depuis la qualification en octobre 2010 au Venezuela, en passant par les Panaméricains à Brasilia et donc, la présence ici à Thessalonique, précise Roger Naoum, le vice-président des équipes nationales, chaque joueur a du débourser 10 000 dollars (8000 euros). Certains se sont même endettés ! » On va appeler cela de la motivation !

Lorsque vous les croisez dans le hall de leur hôtel, les Canadiens ont toujours un petit sourire en coin. Ils savent que les autres joueurs les épient comme des bêtes curieuses mais qu’importe, eux, ils sont heureux d’être là. Ils connaissent leurs limites et savent qu’ils ne pourront jamais rivaliser avec l’Espagne, le Portugal ou la Suède, les trois grosses équipes qui étaient dans leur groupe de qualification. « Nous avons un déficit physique et un manque d’expérience pour le haut niveau, rajoute Justin Danulet. Pourtant, l’un des deux gardiens de but de la sélection connait le hand sous ses meilleurs aspects. « Avec Casper Bilton, le « danois » de l’équipe qui évolue à Faaborg, je suis un des rares à jouer à l’étranger, en Roumanie en réserve au Steaua Bucarest. Mais j’aimerai poursuivre mes études de kiné et jouer en France. »  Et puis à force d’y croire, ce dimanche, les Canadiens ont remporté leur 1er match de la compétition, d’un but contre le modeste Bénin mais qu’importe, un rien suffit à leur bonheur ! Justin (photo qui suit) ne repartira pas « fanny ».

L’absence de contacts est très préjudiciable. Le championnat des 8 provinces (sur les 10 que compte le pays) n’est pas très relevé et lorsque le hand canadien a des idées de voyages à l’étranger pour se frotter à des nations qui pourraient l’aider à progresser, le boomerang financier revient toujours en pleine face. « Pourtant, souligne François Lebeau, nous essayons de nous structurer. »  En effet, il y a six mois, le Canada a engagé Salaheddine Agrane, un ancien international algérien à la tête de la sélection juniors. Engager est un bien grand mot. Salaheddine est prof de sports et cela tombait plutôt bien : « Mon moteur, c’est la passion. En venant ici, je savais à quoi je m’attendais. Il n’y a que des gens motivés et cela, c’est intéressant. »

Mais le handball n’est pas près de détrôner l’indéboulonnable hockey sur glace et sa puissance financière. Quand dans une famille canadienne, un des garçons a un gabarit intéressant, c’est vers la patinoire qu’il sera orienté. La Fédération canadienne de handball est à but non lucratif. « En fait, explique François Lebeau, on vit de dons. Comme chez vous, les Restau du Cœur. Mais les parents des joueurs, qui appartiennent à un milieu plus aisé, sont de gros contributeurs. »  Au cours de l’exercice précédent, la « collecte » a avoisiné les 500 000 euros. La Fédération en a gardé 10%, le reste a été reversé aux 8 provinces qui ont…. trouvé les donateurs.

Depuis cette année, le Canada qui aimerait bien nouer des contacts avec les ultra-marins français (3h de vol seulement sépare le Canada de la Martinique et de la Guadeloupe) ont pu mettre sur pied, deux équipes juniors et cadets (garçons et filles) mais pour participer aux compétitions internationales, c’est toujours un véritable casse-tête et un équilibrisme… financier.

Qu’importe, la poignée de handballeurs disséminée dans le 2ème pays du monde par sa superficie n’est pas disposée à abandonner l’affaire. A commencer par les juniors présents ici à Thessalonique. Si le prix à payer pour progresser est de prendre 40 buts à chaque match, les joueurs savent que ce sera un mal nécessaire avant de connaître mieux.

Une belle leçon de courage, n’est-ce pas ?

Retrouvez dès à présent les anecdotes autour du Mondial juniors sur http://totalhand.canalblog.com . Avec en prime, le « Mahétoscope », à l’intérieur du groupe France, comme si vous y étiez grâce à Kentin Mahé !

De notre envoyé spécial à Thessalonique

Le dur apprentissage du Canada 

Mondial

lundi 25 juillet 2011 - © Yves Michel

 4 min 38 de lecture

Depuis le début de la compétition, Justin Danulet et Lyndon Suvanto restent philosophes et certainement pas résignés. Justin et Lyndon sont les deux gardiens de buts de l’équipe nationale junior du Canada. Il faut sincèrement avoir un moral à toute épreuve pour se dire qu’à chaque match, vous allez en prendre 40 ou presque 50 dans les valises et que vous allez repartir avec le postérieur aussi rouge que la feuille d’érable du drapeau canadien.

Depuis qu’ils sont arrivés, nos 18 petits cousins canadiens (11 francophones, 7 anglophones en majorité nés en 1991 et 1992) forcent le respect. Dans un pays qui ne compte que 5000 licenciés mais peut-être 10 000 pratiquants et où le hand ne figure même pas dans les 60 premières disciplines sportives répertoriées (devancé par exemple par le jeu de quilles à 5 !), battre le rappel relève du sacerdoce.

Et pourtant, ce n’est pas faute de volonté. Le directeur exécutif (et seul permanent !) de la Fédération, François Lebeau doit constamment faire preuve d’ingéniosité pour maintenir sa discipline à flots. « Au Canada, personne ne se soucie de nous. Comme nous n’avons pas de résultats et que nous ne représentons pas un potentiel en licenciés, le gouvernement nous ignore. Ca se traduit par zéro budget. » Conséquence impensable pour tout autre sportif de haut niveau: pour venir en Grèce, participer au Mondial juniors, chaque joueur ou sa famille a du mettre la main à la poche. « Depuis la qualification en octobre 2010 au Venezuela, en passant par les Panaméricains à Brasilia et donc, la présence ici à Thessalonique, précise Roger Naoum, le vice-président des équipes nationales, chaque joueur a du débourser 10 000 dollars (8000 euros). Certains se sont même endettés ! » On va appeler cela de la motivation !

Lorsque vous les croisez dans le hall de leur hôtel, les Canadiens ont toujours un petit sourire en coin. Ils savent que les autres joueurs les épient comme des bêtes curieuses mais qu’importe, eux, ils sont heureux d’être là. Ils connaissent leurs limites et savent qu’ils ne pourront jamais rivaliser avec l’Espagne, le Portugal ou la Suède, les trois grosses équipes qui étaient dans leur groupe de qualification. « Nous avons un déficit physique et un manque d’expérience pour le haut niveau, rajoute Justin Danulet. Pourtant, l’un des deux gardiens de but de la sélection connait le hand sous ses meilleurs aspects. « Avec Casper Bilton, le « danois » de l’équipe qui évolue à Faaborg, je suis un des rares à jouer à l’étranger, en Roumanie en réserve au Steaua Bucarest. Mais j’aimerai poursuivre mes études de kiné et jouer en France. »  Et puis à force d’y croire, ce dimanche, les Canadiens ont remporté leur 1er match de la compétition, d’un but contre le modeste Bénin mais qu’importe, un rien suffit à leur bonheur ! Justin (photo qui suit) ne repartira pas « fanny ».

L’absence de contacts est très préjudiciable. Le championnat des 8 provinces (sur les 10 que compte le pays) n’est pas très relevé et lorsque le hand canadien a des idées de voyages à l’étranger pour se frotter à des nations qui pourraient l’aider à progresser, le boomerang financier revient toujours en pleine face. « Pourtant, souligne François Lebeau, nous essayons de nous structurer. »  En effet, il y a six mois, le Canada a engagé Salaheddine Agrane, un ancien international algérien à la tête de la sélection juniors. Engager est un bien grand mot. Salaheddine est prof de sports et cela tombait plutôt bien : « Mon moteur, c’est la passion. En venant ici, je savais à quoi je m’attendais. Il n’y a que des gens motivés et cela, c’est intéressant. »

Mais le handball n’est pas près de détrôner l’indéboulonnable hockey sur glace et sa puissance financière. Quand dans une famille canadienne, un des garçons a un gabarit intéressant, c’est vers la patinoire qu’il sera orienté. La Fédération canadienne de handball est à but non lucratif. « En fait, explique François Lebeau, on vit de dons. Comme chez vous, les Restau du Cœur. Mais les parents des joueurs, qui appartiennent à un milieu plus aisé, sont de gros contributeurs. »  Au cours de l’exercice précédent, la « collecte » a avoisiné les 500 000 euros. La Fédération en a gardé 10%, le reste a été reversé aux 8 provinces qui ont…. trouvé les donateurs.

Depuis cette année, le Canada qui aimerait bien nouer des contacts avec les ultra-marins français (3h de vol seulement sépare le Canada de la Martinique et de la Guadeloupe) ont pu mettre sur pied, deux équipes juniors et cadets (garçons et filles) mais pour participer aux compétitions internationales, c’est toujours un véritable casse-tête et un équilibrisme… financier.

Qu’importe, la poignée de handballeurs disséminée dans le 2ème pays du monde par sa superficie n’est pas disposée à abandonner l’affaire. A commencer par les juniors présents ici à Thessalonique. Si le prix à payer pour progresser est de prendre 40 buts à chaque match, les joueurs savent que ce sera un mal nécessaire avant de connaître mieux.

Une belle leçon de courage, n’est-ce pas ?

Retrouvez dès à présent les anecdotes autour du Mondial juniors sur http://totalhand.canalblog.com . Avec en prime, le « Mahétoscope », à l’intérieur du groupe France, comme si vous y étiez grâce à Kentin Mahé !

De notre envoyé spécial à Thessalonique

Dans la même rubrique

  1 2 3 4