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La dernière envolée de "Mémé"

France

samedi 30 septembre 2017 - © Yves Michel

 4 min 27 de lecture

Philippe Médard est décédé la nuit dernière à l'âge de 58 ans. Gardien au grand cœur, il a contribué avec Daniel Costantini et les Bronzés de Barcelone à mettre le handball tricolore sur le devant de la scène. En club, il a participé à l'apogée de la Stella Saint Maur, de l'USM Gagny et de l'USAM Nîmes.

par Yves MICHEL

Cette dernière nuit de septembre, "Mémé" s’en est allé. A 58 balais !

Les Perez, Martini, Gaudin, Omeyer et bien d’autres gardiens tricolores sont ses héritiers. Aujourd'hui, ils sont les orphelins d’un mec en or qui croquait la vie à pleines dents, sans retenue parfois même jusqu’à l’excès. « Il faut être un peu fou pour être gardien de buts » dit on souvent, Philippe Médard lui, était un fou génial, d’une sensibilité à fleur de peau, capable du pire comme du meilleur mais un guerrier hors pair toujours prêt à mouiller le maillot... en toutes circonstances. Ses débuts au handball, il les construit à Bois-Colombes (Hauts-de-Seine) dans les années 70 puis à la mythique Stella Saint-Maur (Val de Marne) où il remporte le titre de champion de France en 1980 aux côtés de Jean Louis Legrand et Jean Michel Germain. Ensuite c'est Gagny (Seine Saint Denis) avec quatre trophées nationaux et une coupe de France (entre 1982 et 1987) puis il quitte la région parisienne, direction le sud. Montpellier d'abord, puis Nîmes et deux titres en 90 et 91. Dans le pays, le handball sort à peine des préaux et l'équipe nationale est une parenthèse que le grand public a beaucoup de mal à identifier. Pourtant dans un tel contexte, "Mémé" ne s'est jamais découragé.

Son style est inimitable, son coup d'œil admiré, son agilité et ses réflexes inégalés. « Un talent pur exceptionnel,  rajoute Daniel Costantini, il n’avait aucun point faible. A une époque où le handball français avait du mal à s'exprimer, il a su faire décoller les clubs par lesquels il est passé et surtout l'équipe de France qui sortait à peine du Mondial B. Il y avait eu des grands gardiens français avant lui mais il a été le 1er à passer de l’ombre à la lumière. S'il n'avait pas été là par exemple au Mondial 90 (en Tchécoslovaquie), on ne se serait jamais qualifié pour les Jeux. » En 1992, cela fait treize années que Philippe Médard porte le maillot tricolore. Il a participé aux fondations, vécu les matches sans public, programmés le plus souvent aux premières heures de la journée et avec les Bleus, il débarque à Barcelone, dans une indifférence quasi générale. Le parcours olympique est semé d’obstacles. La France chute en demies face à la Suède mais se rattrape deux jours plus tard face à l’Islande pour la médaille de bronze. "Mémé" a suivi la rencontre depuis les tribunes, le sélectionneur national ayant privilégié la paire Thiébault-Perez. « Cette sortie, je pense qu'il l'a mal vécue, explique Frédéric Pérez. Il n'a pas participé au match pour cette 3ème place. Il n'a pas bien assimilé le passage de témoin que Daniel Costantini voulait faire. Mais pour moi, Médard restera un véritable moteur pour une équipe ou pour un groupe. Il était parfois difficile de le suivre mais c'était quelqu'un d'adorable, très attachant, un boute-en-train, un précurseur des Barjots. Cela tranchait avec cette face un peu sombre du mec tourmenté, instable dans sa vie professionnelle qui méritait sans doute beaucoup plus qu'il n'a reçu.» Les avis sur le bonhomme divergent peu, tous ceux qui l'ont côtoyé révèlent le même ressenti, la même impression.  



«J'étais le petit jeune qui arrivait en équipe de France», raconte Pascal Mahé qui avec Philippe Gardent vient de taper dans l'œil de Daniel Costantini. On est en 1983 et encore loin de la consécration. Malgré son impressionnante stature, le Cristolien est véritablement sous le charme. « Pour moi, "Mémé" c'était beaucoup de respect par rapport à ce qu'il était et ce qu'il proposait sur le terrain. Lors des 1ers stages, j'ai partagé sa chambre. C'était comme on dit, un taiseux, quelqu'un qui ne parlait pas beaucoup, c'était un écorché vif. » Celui qui deviendra par la suite un des tous meilleurs défenseurs de la planète handball entre un peu plus dans l'intimité de ce gardien si atypique. Un personnage difficile à cerner. « Il incarnait son stress en fumant 2 à 3 paquets de cigarettes par jour ou en se mettant sans cesse de la crème sur les mains pour hydrater sa peau. Son langage corporel montrait qu'il n'était pas totalement à l'aise dans son quotidien. Mais je l'appréciais beaucoup car il était en mission. Comme quelqu'un qui allait au terme du challenge qu'il s'était lui-même fixé. On a beaucoup compté sur lui, il a beaucoup rendu. Sur la fin, il a eu du mal à prendre les bonnes décisions. » Après Barcelone et le sud de la France, Philippe Médard réintègrera la région parisienne et terminera son périple à Massy puis à Boulogne Billancourt. Ces dernières années, il avait élu domicile dans les Yvelines à Montigny-le-Bretonneux et avait même donné un coup de main au club de hand local. Nous l'avions croisé en 2012, à Paris, lors du 20ème anniversaire des Barjots (photo ci-dessus). Il y a peu, on avait appris qu'il se battait contre la maladie et la nuit dernière, l'irréparable est survenu. "Mémé" s'en est allé la même semaine qu'Alain Mouchel, l'ancien directeur technique du hand français (de 1988 à 1999).

La dernière envolée de "Mémé" 

France

samedi 30 septembre 2017 - © Yves Michel

 4 min 27 de lecture

Philippe Médard est décédé la nuit dernière à l'âge de 58 ans. Gardien au grand cœur, il a contribué avec Daniel Costantini et les Bronzés de Barcelone à mettre le handball tricolore sur le devant de la scène. En club, il a participé à l'apogée de la Stella Saint Maur, de l'USM Gagny et de l'USAM Nîmes.

par Yves MICHEL

Cette dernière nuit de septembre, "Mémé" s’en est allé. A 58 balais !

Les Perez, Martini, Gaudin, Omeyer et bien d’autres gardiens tricolores sont ses héritiers. Aujourd'hui, ils sont les orphelins d’un mec en or qui croquait la vie à pleines dents, sans retenue parfois même jusqu’à l’excès. « Il faut être un peu fou pour être gardien de buts » dit on souvent, Philippe Médard lui, était un fou génial, d’une sensibilité à fleur de peau, capable du pire comme du meilleur mais un guerrier hors pair toujours prêt à mouiller le maillot... en toutes circonstances. Ses débuts au handball, il les construit à Bois-Colombes (Hauts-de-Seine) dans les années 70 puis à la mythique Stella Saint-Maur (Val de Marne) où il remporte le titre de champion de France en 1980 aux côtés de Jean Louis Legrand et Jean Michel Germain. Ensuite c'est Gagny (Seine Saint Denis) avec quatre trophées nationaux et une coupe de France (entre 1982 et 1987) puis il quitte la région parisienne, direction le sud. Montpellier d'abord, puis Nîmes et deux titres en 90 et 91. Dans le pays, le handball sort à peine des préaux et l'équipe nationale est une parenthèse que le grand public a beaucoup de mal à identifier. Pourtant dans un tel contexte, "Mémé" ne s'est jamais découragé.

Son style est inimitable, son coup d'œil admiré, son agilité et ses réflexes inégalés. « Un talent pur exceptionnel,  rajoute Daniel Costantini, il n’avait aucun point faible. A une époque où le handball français avait du mal à s'exprimer, il a su faire décoller les clubs par lesquels il est passé et surtout l'équipe de France qui sortait à peine du Mondial B. Il y avait eu des grands gardiens français avant lui mais il a été le 1er à passer de l’ombre à la lumière. S'il n'avait pas été là par exemple au Mondial 90 (en Tchécoslovaquie), on ne se serait jamais qualifié pour les Jeux. » En 1992, cela fait treize années que Philippe Médard porte le maillot tricolore. Il a participé aux fondations, vécu les matches sans public, programmés le plus souvent aux premières heures de la journée et avec les Bleus, il débarque à Barcelone, dans une indifférence quasi générale. Le parcours olympique est semé d’obstacles. La France chute en demies face à la Suède mais se rattrape deux jours plus tard face à l’Islande pour la médaille de bronze. "Mémé" a suivi la rencontre depuis les tribunes, le sélectionneur national ayant privilégié la paire Thiébault-Perez. « Cette sortie, je pense qu'il l'a mal vécue, explique Frédéric Pérez. Il n'a pas participé au match pour cette 3ème place. Il n'a pas bien assimilé le passage de témoin que Daniel Costantini voulait faire. Mais pour moi, Médard restera un véritable moteur pour une équipe ou pour un groupe. Il était parfois difficile de le suivre mais c'était quelqu'un d'adorable, très attachant, un boute-en-train, un précurseur des Barjots. Cela tranchait avec cette face un peu sombre du mec tourmenté, instable dans sa vie professionnelle qui méritait sans doute beaucoup plus qu'il n'a reçu.» Les avis sur le bonhomme divergent peu, tous ceux qui l'ont côtoyé révèlent le même ressenti, la même impression.  



«J'étais le petit jeune qui arrivait en équipe de France», raconte Pascal Mahé qui avec Philippe Gardent vient de taper dans l'œil de Daniel Costantini. On est en 1983 et encore loin de la consécration. Malgré son impressionnante stature, le Cristolien est véritablement sous le charme. « Pour moi, "Mémé" c'était beaucoup de respect par rapport à ce qu'il était et ce qu'il proposait sur le terrain. Lors des 1ers stages, j'ai partagé sa chambre. C'était comme on dit, un taiseux, quelqu'un qui ne parlait pas beaucoup, c'était un écorché vif. » Celui qui deviendra par la suite un des tous meilleurs défenseurs de la planète handball entre un peu plus dans l'intimité de ce gardien si atypique. Un personnage difficile à cerner. « Il incarnait son stress en fumant 2 à 3 paquets de cigarettes par jour ou en se mettant sans cesse de la crème sur les mains pour hydrater sa peau. Son langage corporel montrait qu'il n'était pas totalement à l'aise dans son quotidien. Mais je l'appréciais beaucoup car il était en mission. Comme quelqu'un qui allait au terme du challenge qu'il s'était lui-même fixé. On a beaucoup compté sur lui, il a beaucoup rendu. Sur la fin, il a eu du mal à prendre les bonnes décisions. » Après Barcelone et le sud de la France, Philippe Médard réintègrera la région parisienne et terminera son périple à Massy puis à Boulogne Billancourt. Ces dernières années, il avait élu domicile dans les Yvelines à Montigny-le-Bretonneux et avait même donné un coup de main au club de hand local. Nous l'avions croisé en 2012, à Paris, lors du 20ème anniversaire des Barjots (photo ci-dessus). Il y a peu, on avait appris qu'il se battait contre la maladie et la nuit dernière, l'irréparable est survenu. "Mémé" s'en est allé la même semaine qu'Alain Mouchel, l'ancien directeur technique du hand français (de 1988 à 1999).

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