A l'arrêt. En panne forcée. La flotte d'Osijek ne reprendra pas le large de sitôt.

Derrière le grand hôtel quatre étoiles qui domine la ville de son gris métallique et des ses baies vitrées sans âme, la Drava paresse et forme un petit bras à l'abri du courant. Pas à l'abri de la glace. Là, amarrés à une poignée de planches de bois qui jouent à se donner des airs de port de plaisance, cinquante rafiots croates ont été oubliés par l'hiver. Cinquante coquilles de noix figées dans un piège congelé, cinquante bateaux enserrés dans des mâchoires glacées et impitoyables.

Au-delà de la digue de terre, pourtant, la Drava poursuit sa course. Ses eaux avancent en narguant leurs sœurs arrêtées par le froid, et qui pour se venger condamnent toute une flotte à de longs mois d'immobilité.

Un jour, l'étau se relâchera. Les coques meurtries craqueront alors en remerciant la douceur du printemps. Et dans ce petit port à l'est de la Croatie, quelques voiliers hardis se prendront à rêver de Route du Rhum et de Vendée Globe.