Tout un pays attend. Tout un peuple espère. Sur la même ligne. Les yeux rivés vers un seul et unique objectif.

Dans la foule, chacun s'observe. On sait pertinemment que l'autre est là, juste à côté. Qu'on pourrait le toucher. Et on fait pourtant semblant de l'ignorer. Le froid est vif, prenant, et devrait faire monter des volutes de vapeur venues du fin fond des poumons. Mais pas un souffle n'ose sortir de ces museaux congelés.

Car personne ne respire. On est en apnée sur cette ligne de départ imaginaire. Et on continue de s'observer.

Parfois, plus jeune, plus fougueux ou plus rebelle, l'un de ces êtres immobiles semble esquisser un mouvement. Il anticipe, s'avance d'un pas. Mais les regards de feu que lui jettent ses congénères ont vite fait de mater le chien fou. Qui rentre dans le rang, confus, penaud, les yeux fixés sur ses chaussures.

Il a alors le temps de repenser à l'une des règles majeures de la vie en société, l'un des commandements immuables et sacrés. En Croatie, on ne plaisante pas avec certaines choses. Et on ne traverse pas la rue quand le petit bonhomme est rouge.