bandeau handzone

Mouna Chebbah : « Le hand, c’est mon oxygène, toute ma vie »

Mondial

dimanche 26 novembre 2017 - © Yves Michel

 5 min 30 de lecture

La Tunisie peine à se faire une place sur la scène internationale. Sévèrement battues par la France vendredi, Mouna Chebbah et ses partenaires ne se sont pas plus rassuré en s’inclinant face à l’Angola (14-31) ce dimanche, en petite finale du Tournoi Razel-Bec. La meneuse de jeu de Chambray qui n’a pas encore programmé sa fin de carrière participera en cette fin de semaine en Allemagne à son 6ème Mondial consécutif.

par Yves MICHEL

35 buts encaissés et un écart de moins 16 vendredi contre la France, un rapport de force tout aussi bancal ce dimanche (moins 17) face à l’Angola, la Tunisie a sans précaution écaillé le vernis d’une carrosserie déjà bien cabossée. Depuis le dernier titre en 2014 à la Coupe d’Afrique des Nations, rien ne va plus et surtout aucune amélioration n’est en vue. Les Rafika Marzouk ou autre Raja Toumi, symboles vivants d’une génération dorée ne sont plus là, seule l’emblématique Mouna Chebbah fait front. Voilà plus de quinze ans qu’elle promène sa silhouette gracile sur tous les terrains de la planète hand. Son profil est atypique, elle qui a commencé sur le tard et vécu une ascension des plus fulgurantes. De ses années scandinaves au Danemark à Esjberg et Viborg, elle garde une certaine nostalgie d’un handball auquel tout réussissait ou presque, de son parcours français, des sentiments mêlés. L’éclosion et l’insouciance à Besançon, une œuvre inachevée à Nîmes et depuis 2016, à Chambray, une aventure dans un club à l’esprit familial qui s’est donné les moyens de figurer parmi l’élite depuis peu. A l’issue de la précédente saison, la meneuse de jeu tunisienne a même décroché le titre symbolique de meilleure buteuse (148 réalisations). Mouna Chebbah a toujours été fidèle à son image. Elle n’a jamais triché et ne s’est jamais délestée de ses certitudes et de ses convictions. Surtout lorsqu’il s’agit d’aider la sélection de son pays.

La situation est grave, à quel avenir se prépare la sélection tunisienne ?
C’est à notre fédération de penser à l’avenir, pas aux joueuses. Nous vivons une période difficile, c’est vrai mais c’était la même chose quand j’ai commencé. Avec ma génération, au début, on a pris de belles raclées. A la 2ème participation au Mondial, c’était un peu mieux, à la 3ème, on a joué contre la Norvège, le Danemark et on était prises au sérieux, on a construit progressivement une équipe, celle qui en 2014 nous a permis de gagner la CAN.

Cette équipe a longtemps conservé la même ossature...
Là, je dirais qu’on recommence presque tout à zéro. Avec des jeunes qui ont une mentalité différente. Elles sont moins patientes que nous, elles voudraient brûler les étapes, jouer dans de grands championnats étrangers mais il faut qu’elles prouvent avant leur valeur et surtout qu’elles travaillent. 

Y-a-t’il une nécessité à s’engager plus ?
Certaines croient que tout va leur tomber dans les mains. Je suis encore là car j’ai envie de leur faire profiter de mon expérience pour y arriver. Je ne vais pas partir alors que la situation n’est pas favorable.

Comment expliquer que le hand féminin ait perdu son attractivité ?
C’est comme si on s’était reposé sur notre génération sans penser à la suite. Donc, ces jeunes arrivent d’un coup,  dans des matches de préparation avant un Mondial, contre des équipes comme la France qui pour elles, sont trop fortes. 

Comment agir et amorcer une relance ?
Ce qui est sûr, c’est qu’il va falloir du temps, de la patience, des joueuses qui voient à long terme, qui ont de l’ambition et qui acceptent de faire des sacrifices. Il faut aussi que ces joueuses aient une part de rêve, qu’elles aient la volonté d’aller évoluer dans les grands clubs. Pour cela, il faut qu’elles arrivent à sortir de Tunisie.

Pour quelle raison ?
Tout simplement parce que notre championnat, ce n’est rien du tout. Si une joueuse reste dix ans en Tunisie, elle ne va pas progresser. Le niveau de la compétition équivaut à peine à la N1 française.


Tu as eu 35 ans en juillet dernier, as-tu programmé la fin de ta carrière ?
Ce genre de question m’agace un peu ! Pour moi, le hand, c’est mon oxygène, c’est toute ma vie. Quand je me sentirai ridicule sur le terrain, quand je n’arriverai plus à courir, que je n’aurai plus d’envie, là, en effet, il sera temps d’arrêter. Ce n’est pas le cas aujourd’hui, je me sens en forme. J’ai une hygiène de vie, je joue presque une heure, je n’ai aucun problème de cardio.

C’est quand même normal que tu envisages ta reconversion…
J’ai l’impression qu’en France, quand tu es une sportive de haut niveau et que tu dépasses la trentaine, tu n’es plus apte. Quand j’étais au Danemark, je n’ai pas connu cela. Là-bas, tant que tu cours, tu marques des buts et tu défends, personne ne te demande ton âge.  A Viborg, je n’ai jamais abordé le sujet avec mes partenaires.

Tu préfères donc t’accrocher…
Oui, mais je suis comme ça et personne ne me changera. Je mets tout ce que j’ai dans le hand. C’est important de prendre du plaisir mais aussi d’en donner. Je suis contre la routine, je veux continuer à faire le show et entraîner avec moi tous ceux qui sont passionnés par ce sport.

Au Mondial, la Tunisie a une poule difficile*, la qualification pour les 8èmes est compromise…
Il faut donc rester à la maison et se cacher ? Si on part avec l’esprit d’une perdante, ce n’est pas la peine d’y aller. C’est aussi mon rôle de secouer les mentalités, de donner aux plus jeunes l’envie d’affronter les plus forts. Contre la France, quand elles sont entrées sur le terrain, elles étaient stressées.

Te verrais-tu dans la peau d’un entraîneur ?
Certainement pas !  Je suis une guerrière sur le terrain, je sais prendre mes responsabilités mais ça s’arrête là. Diriger depuis la touche, ce n’est pas pour moi.

Sans parler de retraite, c’est ta dernière saison à Chambray…
Oui, il faut que tout le monde le sache, je suis en fin de contrat (sourires) et donc disponible. Je vais faire le Mondial, mon cœur bat à 100% pour la Tunisie et je suis prête à m’investir dans un projet ambitieux.

*La Tunisie dispute le Mondial dans le groupe C en compagnie du Brésil, de la Russie (championne olympique), du Danemark, du Monténégro et du Japon. 

Mouna Chebbah : « Le hand, c’est mon oxygène, toute ma vie » 

Mondial

dimanche 26 novembre 2017 - © Yves Michel

 5 min 30 de lecture

La Tunisie peine à se faire une place sur la scène internationale. Sévèrement battues par la France vendredi, Mouna Chebbah et ses partenaires ne se sont pas plus rassuré en s’inclinant face à l’Angola (14-31) ce dimanche, en petite finale du Tournoi Razel-Bec. La meneuse de jeu de Chambray qui n’a pas encore programmé sa fin de carrière participera en cette fin de semaine en Allemagne à son 6ème Mondial consécutif.

par Yves MICHEL

35 buts encaissés et un écart de moins 16 vendredi contre la France, un rapport de force tout aussi bancal ce dimanche (moins 17) face à l’Angola, la Tunisie a sans précaution écaillé le vernis d’une carrosserie déjà bien cabossée. Depuis le dernier titre en 2014 à la Coupe d’Afrique des Nations, rien ne va plus et surtout aucune amélioration n’est en vue. Les Rafika Marzouk ou autre Raja Toumi, symboles vivants d’une génération dorée ne sont plus là, seule l’emblématique Mouna Chebbah fait front. Voilà plus de quinze ans qu’elle promène sa silhouette gracile sur tous les terrains de la planète hand. Son profil est atypique, elle qui a commencé sur le tard et vécu une ascension des plus fulgurantes. De ses années scandinaves au Danemark à Esjberg et Viborg, elle garde une certaine nostalgie d’un handball auquel tout réussissait ou presque, de son parcours français, des sentiments mêlés. L’éclosion et l’insouciance à Besançon, une œuvre inachevée à Nîmes et depuis 2016, à Chambray, une aventure dans un club à l’esprit familial qui s’est donné les moyens de figurer parmi l’élite depuis peu. A l’issue de la précédente saison, la meneuse de jeu tunisienne a même décroché le titre symbolique de meilleure buteuse (148 réalisations). Mouna Chebbah a toujours été fidèle à son image. Elle n’a jamais triché et ne s’est jamais délestée de ses certitudes et de ses convictions. Surtout lorsqu’il s’agit d’aider la sélection de son pays.

La situation est grave, à quel avenir se prépare la sélection tunisienne ?
C’est à notre fédération de penser à l’avenir, pas aux joueuses. Nous vivons une période difficile, c’est vrai mais c’était la même chose quand j’ai commencé. Avec ma génération, au début, on a pris de belles raclées. A la 2ème participation au Mondial, c’était un peu mieux, à la 3ème, on a joué contre la Norvège, le Danemark et on était prises au sérieux, on a construit progressivement une équipe, celle qui en 2014 nous a permis de gagner la CAN.

Cette équipe a longtemps conservé la même ossature...
Là, je dirais qu’on recommence presque tout à zéro. Avec des jeunes qui ont une mentalité différente. Elles sont moins patientes que nous, elles voudraient brûler les étapes, jouer dans de grands championnats étrangers mais il faut qu’elles prouvent avant leur valeur et surtout qu’elles travaillent. 

Y-a-t’il une nécessité à s’engager plus ?
Certaines croient que tout va leur tomber dans les mains. Je suis encore là car j’ai envie de leur faire profiter de mon expérience pour y arriver. Je ne vais pas partir alors que la situation n’est pas favorable.

Comment expliquer que le hand féminin ait perdu son attractivité ?
C’est comme si on s’était reposé sur notre génération sans penser à la suite. Donc, ces jeunes arrivent d’un coup,  dans des matches de préparation avant un Mondial, contre des équipes comme la France qui pour elles, sont trop fortes. 

Comment agir et amorcer une relance ?
Ce qui est sûr, c’est qu’il va falloir du temps, de la patience, des joueuses qui voient à long terme, qui ont de l’ambition et qui acceptent de faire des sacrifices. Il faut aussi que ces joueuses aient une part de rêve, qu’elles aient la volonté d’aller évoluer dans les grands clubs. Pour cela, il faut qu’elles arrivent à sortir de Tunisie.

Pour quelle raison ?
Tout simplement parce que notre championnat, ce n’est rien du tout. Si une joueuse reste dix ans en Tunisie, elle ne va pas progresser. Le niveau de la compétition équivaut à peine à la N1 française.


Tu as eu 35 ans en juillet dernier, as-tu programmé la fin de ta carrière ?
Ce genre de question m’agace un peu ! Pour moi, le hand, c’est mon oxygène, c’est toute ma vie. Quand je me sentirai ridicule sur le terrain, quand je n’arriverai plus à courir, que je n’aurai plus d’envie, là, en effet, il sera temps d’arrêter. Ce n’est pas le cas aujourd’hui, je me sens en forme. J’ai une hygiène de vie, je joue presque une heure, je n’ai aucun problème de cardio.

C’est quand même normal que tu envisages ta reconversion…
J’ai l’impression qu’en France, quand tu es une sportive de haut niveau et que tu dépasses la trentaine, tu n’es plus apte. Quand j’étais au Danemark, je n’ai pas connu cela. Là-bas, tant que tu cours, tu marques des buts et tu défends, personne ne te demande ton âge.  A Viborg, je n’ai jamais abordé le sujet avec mes partenaires.

Tu préfères donc t’accrocher…
Oui, mais je suis comme ça et personne ne me changera. Je mets tout ce que j’ai dans le hand. C’est important de prendre du plaisir mais aussi d’en donner. Je suis contre la routine, je veux continuer à faire le show et entraîner avec moi tous ceux qui sont passionnés par ce sport.

Au Mondial, la Tunisie a une poule difficile*, la qualification pour les 8èmes est compromise…
Il faut donc rester à la maison et se cacher ? Si on part avec l’esprit d’une perdante, ce n’est pas la peine d’y aller. C’est aussi mon rôle de secouer les mentalités, de donner aux plus jeunes l’envie d’affronter les plus forts. Contre la France, quand elles sont entrées sur le terrain, elles étaient stressées.

Te verrais-tu dans la peau d’un entraîneur ?
Certainement pas !  Je suis une guerrière sur le terrain, je sais prendre mes responsabilités mais ça s’arrête là. Diriger depuis la touche, ce n’est pas pour moi.

Sans parler de retraite, c’est ta dernière saison à Chambray…
Oui, il faut que tout le monde le sache, je suis en fin de contrat (sourires) et donc disponible. Je vais faire le Mondial, mon cœur bat à 100% pour la Tunisie et je suis prête à m’investir dans un projet ambitieux.

*La Tunisie dispute le Mondial dans le groupe C en compagnie du Brésil, de la Russie (championne olympique), du Danemark, du Monténégro et du Japon. 

Dans la même rubrique

  1 2 3 4