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Eric Baradat : Entretien avec un formateur dans l'âme - 2

France

mardi 26 décembre 2017 - © François Dasriaux

 10 min 30 de lecture

Pendant une semaine, nous vous livrons un entretien avec Eric Baradat, celui qui gère, supervise et organise la formation des jeunes joueuses française depuis la dernière olympiade et qui se pose en permanence des questions sur comment, pourquoi et avec qui. Entretien en 3 volets à chaque fois sur un sujet différent

A relire : Enclenchement ou lecture, le débat


Les préconisations techniques, à quoi servent-elles ?

Le choix de privilégier l’apprentissage individuel chez les jeunes par pas mal d’obligations techniques sur les formes de défenses, le jeu en supériorité obligatoire, etc… est parfois vécu comme un verrou par les formateurs des clubs. Eux sont au quotidien avec leurs jeunes, le plus souvent connaissent les ressorts et les motivations de chacune ou chacun. Pourtant souvent la verticalité de la pyramide de formation semble les exclure de l’analyse des besoins des jeunes.
Je comprends la question, mais je pense qu’elle se fonde sur une incompréhension des enjeux réels ! Si les formes de jeu préconisées ci ou là peuvent paraître contraignantes, il est surtout important de se poser la question des intentions individuelles et collectives à développer quel que soit le cadre des « obligations » techniques. Il faut d’abord se rappeler d’où viennent les formes de défenses préconisées chez les plus jeunes en France. Elles viennent d’un courant de pensée issue de l’EPS qui a justement mis en avant un modèle systémique par opposition aux modèles analytiques et structuralistes.

Dans le modèle systémique, la jeune joueuse construit ses habiletés à travers des situations de jeu aménagées. On y bannit la notion de modèle par opposition au modèle analytique, où l’apprentissage se fait par juxtaposition d’éléments du jeu, en répétant des gestes techniques ou des phases de jeu qu’il conviendra par la suite d’associer entre elles. La caricature de cette approche est bien entendu la répétition normalisée d’un geste technique « soi-disant » référent.  Dans le modèle structuraliste on essaie d’automatiser des formes collectives, notamment de circulation de balle, avec un risque évident d’apparition de stéréotypes. Il y a eu à travers le modèle systémique la volonté de générer une activité handball chez les plus jeunes qui ne soit pas une pâle reproduction en miniature du jeu des adultes, sans les moyens ni l’appétence à le pratiquer.

Si le jeu chez le jeunes ne peut et ne doit pas être une copie du jeu adulte, la finalité pourtant est de former des joueurs et joueuses capables de s'exprimer chez lez les seniors.
Dans les années 80, les cadres de la DTN ont initié une révolution culturelle et bien leur en a pris ! Car force est de constater que le handball des plus jeunes y a largement gagné ! Ce constat ne doit pas nous interdire pour autant le sens critique sur la réalité de ce qui se passe sur nos terrains les week-ends entre 8 et 14 ans et en particulier dans le secteur féminin. Les formes de défenses en fille en fille a minima sur demi-terrain y sont trop souvent pratiquées sans y donner beaucoup de sens, et parfois pour certains défenseurs, l’activité ne prend en compte que l’adversaire direct, mais peu la balle et le rapport de force de l’instant. C’est dans ce cas une caricature éloignée de ce que les cadres préconisateurs avaient espéré générer…


 
De la même manière, je suis favorable (et je sais que ça peut choquer) à la pratique d’un tiers-temps avec des défenses alignées mais avec du volume et des intentions de perturbations de l’attaque, car elles développeront en alternance, d’autres formes de compétences complètement absentes de nos formes de jeu actuelles chez les plus jeunes attaquantes, comme le tir à travers par exemple. Elles auront aussi le mérite de permettre aux jeunes filles pas extrêmement motrices au plus jeune âge de bénéficier d’un peu d’espace pour accéder à la cible. J’insiste bien sur le fait que je ne préconise surtout pas le retour « à l’extension de linge » à 6m, mais la mise en place sur un des 3 tiers-temps, d’une défense alignée avec développement d’intentions exigeant un gros volume antéro-postérieur. La dialectique attaque-défense en serait notablement enrichie et cela permettrait l’introduction plus précoce dans notre formation de la notion de pivot, tant dans son utilisation offensive que dans sa gestion défensive. Les réseaux d’échange de balle variés que cette alternance amène dans la formation, me semblent de nature à faire émerger des joueuses plus riches techniquement. Les nordiques pratiquent essentiellement cette forme dans la formation et il est difficile de dire que leurs joueuses sont pauvres techniquement. Un certain nombre de Comités et de Ligue développent des idées dans ce sens et je pense que l’on doit aller encore plus loin sans frilosité intellectuelle.

Une des grandes différences se situe sur les obligations de jeu en surnombre, c'est l'exemple type de ce que les jeunes ne retrouveront pas plus tard ?
Concernant le jeu en supériorité numérique, c’est un vrai grand débat !

Créer de facto une situation de surnombre (par exemple en faisant attaquer la gardienne) a une double vocation formatrice et évaluatrice : Elle est formatrice car dans ce cas, il s’agira en permanence de « lire » où se trouve le surnombre, d’accroître la situation d’avantage en arrêtant le déplacement de la défense, pour in fine passer à une partenaire qui sera en situation de duel favorable face à la gardienne. Théoriquement c’est très facile, mais dans la pratique ce n’est pas si évident à réaliser avec justesse, sans une gestion des rythmes des appuis et de passes dissociées. Cela exige une capacité à fixer en étant « dans le but » et pas orientée vers la future réceptionneuse, la capacité à contre-informer. Du coup ces situations de surnombre permettent de mettre à jour clairement les axes de progression prioritaires chez la jeune joueuse. S’agit-il d’un déficit de culture, de qualités perceptives et décisionnelles, de qualités motrices ? En ce sens elles sont aussi évaluatrices du niveau de l’instant.

Attention, le jeu à 6C5 permet une prise de repère bien plus simple qu’à 7C6. Pour moi la situation de référence en surnombre en formation de jeunes joueuses c’est le 6C5, le 7C6 nécessitant des compétences plus fines.

Bien entendu, travailler en surnombre n’a de sens que dans l’alternance avec du jeu en équilibre numérique, car les concepts ne se reconnaissent qu’en relief l’un par rapport à l’autre pour la joueuse en formation. L’équilibre numérique reconnu, déclenchera soit l’initiative individuelle de débordement, soit le mouvement de joueuses associé à la circulation de balle, pour générer la situation de déséquilibre à reconnaître, accroître, exploiter.

En clair, je suis donc favorable à un temps d’entraînement équitablement partagé entre le surnombre et l’équilibre numérique offensif en formation. Ce faisant, je pense bien entendu aux conséquences que celà engendrera sur la formation de nos défenseurs aussi! Il faudra être trés exigeant sur certains comportements moteurs pour développer le sens tactique des joueuses dans ces situations.

Si on se comprend bien, les entraîneurs de club doivent savoir utiliser les impositions techniques, quitte à s'en affranchir par moments ?
Encore une fois, quitte à choquer un peu, si la richesse supérieure de l’approche systémique dans la formation est indéniable, un bon cadre doit à mes yeux parfois être capable, à l’instar d’un cuisinier qui maîtriserait toutes les formes de cuisson, d’utiliser un peu des approches analytique ou structuraliste en sachant se préserver de leurs dangers. L’apprentissage solide de certains savoir-faire spécifiques comme le débordement ou les formes de shoots en appui passent souvent par là pour une majorité de jeunes filles. Il y a des réponses motrice inefficaces qu’il ne faut pas laisser se développer. Elles sont tactiquement des contre-sens et il faut pouvoir le dire sans être taxé de tentative de “normalisation technique”! Encore une fois, méfions-nous du dogme qui nous interdirait de réfléchir hors du cadre… Le tout est d’être conscient de ce qu’on fait et fait faire, et d’avoir le souci de réinvestissement permanent dans l’activité globale pour évaluer les conséquences de ses options pédagogiques.

Les préconisations techniques se doivent donc d’être utilisées sans se laisser enfermer par elles mais en en comprenant le sens, car les intentions développées à l’intérieur sont largement plus importantes que les formes défensives ou de surnombre numérique. Au-delà des intentions, ce qui me semble capital c’est de partir de la jeune fille elle-même. Comment se perçoit elle dans l’activité ?  Sur quel sentiment de compétence s’appuie-t-elle et comment le renforcer? Tout doit concourir à ce que la jeune joueuse évolue dans un contexte toujours exigeant certes mais bienveillant, car sans épanouissement personnel peu d’évolution favorable sur la durée ! Là sont les vrais enjeux…des situations de jeu variées mais identifiées par la jeune joueuse, sur qui on mettra cette exigence culturelle, permettant l’émergence de tous les types de profils de joueuses y compris les morphologies atypiques, et dans un contexte d’apprentissage favorisant car bienveillant.

Un dernier point sur ces fameuses obligations des modes de jeu. Concernant l’aspect défensif du jeu, quasiment dans tous les comités, des – de 9 au – de 15, on demande une défense très haute de type 3-3, mais dans le même temps on interdit la prise en stricte individuelle. 1 cela semble contradictoire, tant la 3-3 est une défense éminemment individuelle, 2 cela peut couper quasiment tout travail collectif défensif possible pour les formateurs des clubs qui doivent attendre le passage en – de 17 pour mettre en œuvre ce type de travail. Introduire la possibilité d’une défense en bloc chez les jeunes est-elle une aberration totale ?
J’ai apporté quelques éléments de réponse plus tôt. Je suis favorable à l’alternance raisonnée dès les -11 ans. Défendre c’est amener l’adversaire à faire ce qui est le plus difficile pour lui individuellement et collectivement, dans l’instant et sur la durée, et le contrer dès la récupération de la balle.

Donc non clairement, une défense de zone y compris la 0/6, si tant est qu’elle soit pratiquée sur un seul tiers-temps, avec des intentions tactiques de perturbation et du volume d’action antéro-postérieure, ne serait pas à mes yeux une hérésie ! Ce qui est aberrant c’est d’aligner des enfants autour d’une zone en leur faisant lever les bras et en les faisant flotter un mètre à gauche un mètre à droite ! Ça, en termes de formation c’est le niveau zéro de la compétence, et c’est un risque réel de traduction de la préconisation, mais il ne sera pas plus délétère que ce que l’on peut malheureusement parfois observer actuellement.

Par contre, orienter son adversaire en l’amenant collectivement dans une zone de moindre efficacité , rechercher un alignement corps balle, agir dans la profondeur pour interdire l’accès au but au porteur de balle, couvrir un pivot ou laisser à penser que la passe lui est possible pour mieux l’intercepter, faire des montées inversées (changement de secteur défensif),etc… c’est le nec plus ultra de la formation défensive « joueuse », quand ça vient se conjuguer au travail de harcèlement-dissuasion-interception réalisé en fille à fille demi-terrain. N’oublions pas que si les défenses étagées peuvent prendre des formes filles à filles pures et dures type 3-3, elles peuvent aussi évoluer vers des formes type 2-4 de zone et offrent une multitude d’intentions tactiques collectives à développer et de problèmes à résoudre pour l’attaque. Cela doit nous épargner le recours à la stricte, qui souvent de plus est inopérante.

Le travail de transition entre les défenses système filles à filles vs défense de zone et des défenses sur grand espace vs des défenses sur espace plus réduit, doit du coup se concevoir comme beaucoup mieux lissé sur le temps et dans une logique d’alternance et d’inversion possible de proportions.

Bien qu’adepte prioritaire des défenses de zone au niveau adultes dans le haut niveau féminin, je suis un utilisateur régulier des défenses de type filles à filles à l’entraînement pour plusieurs raisons:

  • Elles garantissent la capacité à se responsabiliser dans le gain du duel
  • Elles préparent évidemment l’équipe au respect des principes de son attaque en match 
  • Par relief, elles rappellent à toutes ce que sont les avantages de la zone, et ses nécessités dans le retour de flottement.

Encore une fois, la forme utilisée n’est rien sans développement des intentions tactiques associées et il n’est jamais trop tôt pour développer le sens tactique d’une jeune joueuse !

A suivre : Les postes clé du handball dans la formation ?

Eric Baradat : Entretien avec un formateur dans l'âme - 2 

France

mardi 26 décembre 2017 - © François Dasriaux

 10 min 30 de lecture

Pendant une semaine, nous vous livrons un entretien avec Eric Baradat, celui qui gère, supervise et organise la formation des jeunes joueuses française depuis la dernière olympiade et qui se pose en permanence des questions sur comment, pourquoi et avec qui. Entretien en 3 volets à chaque fois sur un sujet différent

A relire : Enclenchement ou lecture, le débat


Les préconisations techniques, à quoi servent-elles ?

Le choix de privilégier l’apprentissage individuel chez les jeunes par pas mal d’obligations techniques sur les formes de défenses, le jeu en supériorité obligatoire, etc… est parfois vécu comme un verrou par les formateurs des clubs. Eux sont au quotidien avec leurs jeunes, le plus souvent connaissent les ressorts et les motivations de chacune ou chacun. Pourtant souvent la verticalité de la pyramide de formation semble les exclure de l’analyse des besoins des jeunes.
Je comprends la question, mais je pense qu’elle se fonde sur une incompréhension des enjeux réels ! Si les formes de jeu préconisées ci ou là peuvent paraître contraignantes, il est surtout important de se poser la question des intentions individuelles et collectives à développer quel que soit le cadre des « obligations » techniques. Il faut d’abord se rappeler d’où viennent les formes de défenses préconisées chez les plus jeunes en France. Elles viennent d’un courant de pensée issue de l’EPS qui a justement mis en avant un modèle systémique par opposition aux modèles analytiques et structuralistes.

Dans le modèle systémique, la jeune joueuse construit ses habiletés à travers des situations de jeu aménagées. On y bannit la notion de modèle par opposition au modèle analytique, où l’apprentissage se fait par juxtaposition d’éléments du jeu, en répétant des gestes techniques ou des phases de jeu qu’il conviendra par la suite d’associer entre elles. La caricature de cette approche est bien entendu la répétition normalisée d’un geste technique « soi-disant » référent.  Dans le modèle structuraliste on essaie d’automatiser des formes collectives, notamment de circulation de balle, avec un risque évident d’apparition de stéréotypes. Il y a eu à travers le modèle systémique la volonté de générer une activité handball chez les plus jeunes qui ne soit pas une pâle reproduction en miniature du jeu des adultes, sans les moyens ni l’appétence à le pratiquer.

Si le jeu chez le jeunes ne peut et ne doit pas être une copie du jeu adulte, la finalité pourtant est de former des joueurs et joueuses capables de s'exprimer chez lez les seniors.
Dans les années 80, les cadres de la DTN ont initié une révolution culturelle et bien leur en a pris ! Car force est de constater que le handball des plus jeunes y a largement gagné ! Ce constat ne doit pas nous interdire pour autant le sens critique sur la réalité de ce qui se passe sur nos terrains les week-ends entre 8 et 14 ans et en particulier dans le secteur féminin. Les formes de défenses en fille en fille a minima sur demi-terrain y sont trop souvent pratiquées sans y donner beaucoup de sens, et parfois pour certains défenseurs, l’activité ne prend en compte que l’adversaire direct, mais peu la balle et le rapport de force de l’instant. C’est dans ce cas une caricature éloignée de ce que les cadres préconisateurs avaient espéré générer…


 
De la même manière, je suis favorable (et je sais que ça peut choquer) à la pratique d’un tiers-temps avec des défenses alignées mais avec du volume et des intentions de perturbations de l’attaque, car elles développeront en alternance, d’autres formes de compétences complètement absentes de nos formes de jeu actuelles chez les plus jeunes attaquantes, comme le tir à travers par exemple. Elles auront aussi le mérite de permettre aux jeunes filles pas extrêmement motrices au plus jeune âge de bénéficier d’un peu d’espace pour accéder à la cible. J’insiste bien sur le fait que je ne préconise surtout pas le retour « à l’extension de linge » à 6m, mais la mise en place sur un des 3 tiers-temps, d’une défense alignée avec développement d’intentions exigeant un gros volume antéro-postérieur. La dialectique attaque-défense en serait notablement enrichie et cela permettrait l’introduction plus précoce dans notre formation de la notion de pivot, tant dans son utilisation offensive que dans sa gestion défensive. Les réseaux d’échange de balle variés que cette alternance amène dans la formation, me semblent de nature à faire émerger des joueuses plus riches techniquement. Les nordiques pratiquent essentiellement cette forme dans la formation et il est difficile de dire que leurs joueuses sont pauvres techniquement. Un certain nombre de Comités et de Ligue développent des idées dans ce sens et je pense que l’on doit aller encore plus loin sans frilosité intellectuelle.

Une des grandes différences se situe sur les obligations de jeu en surnombre, c'est l'exemple type de ce que les jeunes ne retrouveront pas plus tard ?
Concernant le jeu en supériorité numérique, c’est un vrai grand débat !

Créer de facto une situation de surnombre (par exemple en faisant attaquer la gardienne) a une double vocation formatrice et évaluatrice : Elle est formatrice car dans ce cas, il s’agira en permanence de « lire » où se trouve le surnombre, d’accroître la situation d’avantage en arrêtant le déplacement de la défense, pour in fine passer à une partenaire qui sera en situation de duel favorable face à la gardienne. Théoriquement c’est très facile, mais dans la pratique ce n’est pas si évident à réaliser avec justesse, sans une gestion des rythmes des appuis et de passes dissociées. Cela exige une capacité à fixer en étant « dans le but » et pas orientée vers la future réceptionneuse, la capacité à contre-informer. Du coup ces situations de surnombre permettent de mettre à jour clairement les axes de progression prioritaires chez la jeune joueuse. S’agit-il d’un déficit de culture, de qualités perceptives et décisionnelles, de qualités motrices ? En ce sens elles sont aussi évaluatrices du niveau de l’instant.

Attention, le jeu à 6C5 permet une prise de repère bien plus simple qu’à 7C6. Pour moi la situation de référence en surnombre en formation de jeunes joueuses c’est le 6C5, le 7C6 nécessitant des compétences plus fines.

Bien entendu, travailler en surnombre n’a de sens que dans l’alternance avec du jeu en équilibre numérique, car les concepts ne se reconnaissent qu’en relief l’un par rapport à l’autre pour la joueuse en formation. L’équilibre numérique reconnu, déclenchera soit l’initiative individuelle de débordement, soit le mouvement de joueuses associé à la circulation de balle, pour générer la situation de déséquilibre à reconnaître, accroître, exploiter.

En clair, je suis donc favorable à un temps d’entraînement équitablement partagé entre le surnombre et l’équilibre numérique offensif en formation. Ce faisant, je pense bien entendu aux conséquences que celà engendrera sur la formation de nos défenseurs aussi! Il faudra être trés exigeant sur certains comportements moteurs pour développer le sens tactique des joueuses dans ces situations.

Si on se comprend bien, les entraîneurs de club doivent savoir utiliser les impositions techniques, quitte à s'en affranchir par moments ?
Encore une fois, quitte à choquer un peu, si la richesse supérieure de l’approche systémique dans la formation est indéniable, un bon cadre doit à mes yeux parfois être capable, à l’instar d’un cuisinier qui maîtriserait toutes les formes de cuisson, d’utiliser un peu des approches analytique ou structuraliste en sachant se préserver de leurs dangers. L’apprentissage solide de certains savoir-faire spécifiques comme le débordement ou les formes de shoots en appui passent souvent par là pour une majorité de jeunes filles. Il y a des réponses motrice inefficaces qu’il ne faut pas laisser se développer. Elles sont tactiquement des contre-sens et il faut pouvoir le dire sans être taxé de tentative de “normalisation technique”! Encore une fois, méfions-nous du dogme qui nous interdirait de réfléchir hors du cadre… Le tout est d’être conscient de ce qu’on fait et fait faire, et d’avoir le souci de réinvestissement permanent dans l’activité globale pour évaluer les conséquences de ses options pédagogiques.

Les préconisations techniques se doivent donc d’être utilisées sans se laisser enfermer par elles mais en en comprenant le sens, car les intentions développées à l’intérieur sont largement plus importantes que les formes défensives ou de surnombre numérique. Au-delà des intentions, ce qui me semble capital c’est de partir de la jeune fille elle-même. Comment se perçoit elle dans l’activité ?  Sur quel sentiment de compétence s’appuie-t-elle et comment le renforcer? Tout doit concourir à ce que la jeune joueuse évolue dans un contexte toujours exigeant certes mais bienveillant, car sans épanouissement personnel peu d’évolution favorable sur la durée ! Là sont les vrais enjeux…des situations de jeu variées mais identifiées par la jeune joueuse, sur qui on mettra cette exigence culturelle, permettant l’émergence de tous les types de profils de joueuses y compris les morphologies atypiques, et dans un contexte d’apprentissage favorisant car bienveillant.

Un dernier point sur ces fameuses obligations des modes de jeu. Concernant l’aspect défensif du jeu, quasiment dans tous les comités, des – de 9 au – de 15, on demande une défense très haute de type 3-3, mais dans le même temps on interdit la prise en stricte individuelle. 1 cela semble contradictoire, tant la 3-3 est une défense éminemment individuelle, 2 cela peut couper quasiment tout travail collectif défensif possible pour les formateurs des clubs qui doivent attendre le passage en – de 17 pour mettre en œuvre ce type de travail. Introduire la possibilité d’une défense en bloc chez les jeunes est-elle une aberration totale ?
J’ai apporté quelques éléments de réponse plus tôt. Je suis favorable à l’alternance raisonnée dès les -11 ans. Défendre c’est amener l’adversaire à faire ce qui est le plus difficile pour lui individuellement et collectivement, dans l’instant et sur la durée, et le contrer dès la récupération de la balle.

Donc non clairement, une défense de zone y compris la 0/6, si tant est qu’elle soit pratiquée sur un seul tiers-temps, avec des intentions tactiques de perturbation et du volume d’action antéro-postérieure, ne serait pas à mes yeux une hérésie ! Ce qui est aberrant c’est d’aligner des enfants autour d’une zone en leur faisant lever les bras et en les faisant flotter un mètre à gauche un mètre à droite ! Ça, en termes de formation c’est le niveau zéro de la compétence, et c’est un risque réel de traduction de la préconisation, mais il ne sera pas plus délétère que ce que l’on peut malheureusement parfois observer actuellement.

Par contre, orienter son adversaire en l’amenant collectivement dans une zone de moindre efficacité , rechercher un alignement corps balle, agir dans la profondeur pour interdire l’accès au but au porteur de balle, couvrir un pivot ou laisser à penser que la passe lui est possible pour mieux l’intercepter, faire des montées inversées (changement de secteur défensif),etc… c’est le nec plus ultra de la formation défensive « joueuse », quand ça vient se conjuguer au travail de harcèlement-dissuasion-interception réalisé en fille à fille demi-terrain. N’oublions pas que si les défenses étagées peuvent prendre des formes filles à filles pures et dures type 3-3, elles peuvent aussi évoluer vers des formes type 2-4 de zone et offrent une multitude d’intentions tactiques collectives à développer et de problèmes à résoudre pour l’attaque. Cela doit nous épargner le recours à la stricte, qui souvent de plus est inopérante.

Le travail de transition entre les défenses système filles à filles vs défense de zone et des défenses sur grand espace vs des défenses sur espace plus réduit, doit du coup se concevoir comme beaucoup mieux lissé sur le temps et dans une logique d’alternance et d’inversion possible de proportions.

Bien qu’adepte prioritaire des défenses de zone au niveau adultes dans le haut niveau féminin, je suis un utilisateur régulier des défenses de type filles à filles à l’entraînement pour plusieurs raisons:

  • Elles garantissent la capacité à se responsabiliser dans le gain du duel
  • Elles préparent évidemment l’équipe au respect des principes de son attaque en match 
  • Par relief, elles rappellent à toutes ce que sont les avantages de la zone, et ses nécessités dans le retour de flottement.

Encore une fois, la forme utilisée n’est rien sans développement des intentions tactiques associées et il n’est jamais trop tôt pour développer le sens tactique d’une jeune joueuse !

A suivre : Les postes clé du handball dans la formation ?

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