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Rétro : Quand Toulon/Saint-Cyr prenait la LFH par surprise

LBE

dimanche 17 mai 2020 - © Laurent Hoppe

 5 min 23 de lecture

A l'aube de la saison 2009-2010, les Varoises de Thierry Vincent n'étaient ni profilées, ni programmées pour devenir championnes de France. Elles ont pourtant tout renversé sur leur passage en phase finale, jusqu'au titre. Dix ans plus tard, Marie-Paule Gnabouyou, Nina Brkljacic et Jacqueline Oliveira racontent comment et pourquoi elles ont créé la sensation.


Rendons-nous à l'évidence : au XXIème siècle, les années rondes sont anticonformistes. Prenez 2010 : au printemps, c'est un volcan islandais qui paralysait la planète, et une certaine grève de bus en Afrique du Sud qui faisait jaser... La balle collante a bien essayé de rester dans la norme de l'époque, avec le deuxième titre de champion d'Europe des Bleus, et un triplé montpelliérain dans les compétitions nationales masculines. Mais il s'est trouvé une quinzaine de Varoises assez téméraires, culottées, pour renverser l'ordre établi. La première saison des play-offs contemporains de la Ligue féminine a sacré... Toulon/Saint-Cyr, cinquième de la saison régulière avec neuf défaites. Une rupture spectaculaire dans le duopole Besançon / Metz, au pouvoir non-stop depuis... 1993. La plus grosse surprise de l'ère moderne, si ce n'est de l'histoire, de l'élite féminine.


Marie Paule Gnabouyou comme Toulon au dessus du Havre

Une décennie plus tard, Marie-Paule Gnabouyou en rigole encore. « Ca fait partie de mes meilleurs souvenirs », rayonne l'arrière droit internationale. « C'était le paradis », s'exclame Jacqueline Oliveira, la gardienne brésilienne. « Personne ne nous attendait là, même nous », enchérit Nina Brkljacic. Il est vrai qu'en début d'exercice, fin août 2009, l'ensemble varois et ses neuf recrues avaient des préoccupations aux antipodes de la course au titre. « Ce qu'on voulait, c'était titiller les meilleures équipes, être dans les play-offs », soit dans le Top 6, rembobine la première citée.

« Personne ne nous attendait là, même nous »

Le démarrage, cahoteux (trois revers lors des quatre premières journées), laissait peu de place à des perspectives plus alléchantes. « On a mis un peu de temps à se connaître, à avoir des affinités », commente l'actuelle demi-centre de Chambray-les-Tours. « On jouait match par match, précise Gnabouyou. On s'impressionnait dans certains matches (rires), on était plus en dedans dans d'autres. Ce qui laissait présager qu'on pouvait le faire, c'est qu'on avait toutes une marge de progression. »


Christiane Mwasesa tout en percussion face à Metz

Sur le terrain, en dehors, la complicité est allée croissant, stabilisant la position en milieu de tableau et le collectif. « On avait un sept de base très fort. Christiane (Mwasesa, l'arrière gauche congolaise), Paula (Bredou-Gondo au pivot) et Pearl (Van der Wissel, la stratège néerlandaise), c'est le trio qui nous a mené à la victoire, décrit Nina Brkljacic. A l'aile, Siraba (Dembélé, vice-championne du monde en Chine en décembre 2009) était déjà très forte. Alexandra Bettacchini (28 arrêts sur les deux manches de la finale) avait fait l'une de ses meilleures saisons, et à l'aile droite, Manon Le Bihan est sortie du lot. »

Un épisode plus confidentiel a aussi aiguillé Toulon vers la première de ses trois glorieuses, avant le doublé en Coupe de France (2011, 12), assorties de six rencontres de Ligue des Champions à l'automne 2010. « On a perdu un match à la maison, à Vert Coteau à l'époque, confie la benjamine d'alors. C'était un moment difficile. Il y a eu des larmes dans le vestiaire, beaucoup de choses sont sorties. Notre force a été de se dire les choses à ce moment-là, ce soir-là. J'étais jeune (18 ans), je n'avais jamais vu ça dans un vestiaire, ça m'a marqué. Ca nous a donné une force incroyable derrière. Tout le monde s'est remis au travail deux fois plus fort... »


Siraba Dembélé apportait toute sa percussion et sa vitesse au groupe

« On avait toutes cette folie »

Dans un sens, au printemps, Nîmes (éliminé en quart de finale), Metz (en demie) et Le Havre ont payé la franchise. Sur un mode opératoire invariable : le débours concédé à l'aller, au Palais des Sports, ne se rattrape jamais l'heure suivante. « On a abordé chaque match comme si c'était le dernier, situe Marie-Paule Gnabouyou. Surtout, on n'était pas pas favorites. On n'avait rien à perdre, tout à gagner. » Délestées de toute pancarte encombrante, les outsiders de la rade ont ainsi fait couler le champagne présidentiel à flots sur le parquet mosellan. La fin de règne des sextuples tenantes du titre était avancée (18-20 et 29-29), les sceptiques ont commencé à réviser leur jugement. « J'en ai encore les larmes aux yeux, avoue Oliveira. Quand j'ai vu les Arènes silencieuses, j'étais sûre qu'on allait être championnes. On avait tellement confiance en nous que rien ne pouvait nous arriver. »


Jacqueline Oliveira et Toulon rendent aphones Metz et ses Arênes

Pas même de voir l'excès d'optimisme revenir à la figure façon boomerang... Le dimanche 16 mai 2010, le coup de folie toulonnais est effectivement allé à son terme, sur un nouveau match nul en Seine-Maritime (25-25, 27-22 huit jours plus tôt). « Le Havre était l'éternel second derrière Metz, a dû se dire que cette année-là serait la sienne, contextualise Brkljacic. Elles avaient la pression de perdre. Nous, c'était déjà incroyable d'être en finale. On a joué relâchées, on s'est fait plaisir, et on est allées chercher le titre. » « Un accomplissement » pour Gnabouyou. Qui, comme toute sa « bande de copines », en a beaucoup mieux jaugé la portée le lendemain, en rentrant du Havre. « C'était énorme. Tout le monde était mobilisé, nous attendait à la gare de Toulon. Le maire, les familles étaient fiers. »

Emportée par la foule effervescente, tel le RCT (période Boudjellal-Laporte) fêtant son Brennus et ses H-Cups, Jacqueline Oliveira s'est probablement revue, un an en arrière, en conversation avec Jorge Duenas, son précédent entraîneur au Pays basque. « Quand je lui ai dit que je partais en France, il m'a répondu ne pas penser que la France était faite pour moi, glisse celle qui prolonge sa carrière à Noisy-le-Grand (N1), après une escale à Chambray. J'avais signé pour un an à Toulon, je suis restée six ans. On était une famille, on aimait être ensemble. On avait toutes cette folie. » La folie caractéristique des années « zéro », on vous dit…


La joie finale au niveau de la surprise

Le compte-rendu de la finale retour Le Havre - Nimes


Rétro : Quand Toulon/Saint-Cyr prenait la LFH par surprise 

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dimanche 17 mai 2020 - © Laurent Hoppe

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A l'aube de la saison 2009-2010, les Varoises de Thierry Vincent n'étaient ni profilées, ni programmées pour devenir championnes de France. Elles ont pourtant tout renversé sur leur passage en phase finale, jusqu'au titre. Dix ans plus tard, Marie-Paule Gnabouyou, Nina Brkljacic et Jacqueline Oliveira racontent comment et pourquoi elles ont créé la sensation.


Rendons-nous à l'évidence : au XXIème siècle, les années rondes sont anticonformistes. Prenez 2010 : au printemps, c'est un volcan islandais qui paralysait la planète, et une certaine grève de bus en Afrique du Sud qui faisait jaser... La balle collante a bien essayé de rester dans la norme de l'époque, avec le deuxième titre de champion d'Europe des Bleus, et un triplé montpelliérain dans les compétitions nationales masculines. Mais il s'est trouvé une quinzaine de Varoises assez téméraires, culottées, pour renverser l'ordre établi. La première saison des play-offs contemporains de la Ligue féminine a sacré... Toulon/Saint-Cyr, cinquième de la saison régulière avec neuf défaites. Une rupture spectaculaire dans le duopole Besançon / Metz, au pouvoir non-stop depuis... 1993. La plus grosse surprise de l'ère moderne, si ce n'est de l'histoire, de l'élite féminine.


Marie Paule Gnabouyou comme Toulon au dessus du Havre

Une décennie plus tard, Marie-Paule Gnabouyou en rigole encore. « Ca fait partie de mes meilleurs souvenirs », rayonne l'arrière droit internationale. « C'était le paradis », s'exclame Jacqueline Oliveira, la gardienne brésilienne. « Personne ne nous attendait là, même nous », enchérit Nina Brkljacic. Il est vrai qu'en début d'exercice, fin août 2009, l'ensemble varois et ses neuf recrues avaient des préoccupations aux antipodes de la course au titre. « Ce qu'on voulait, c'était titiller les meilleures équipes, être dans les play-offs », soit dans le Top 6, rembobine la première citée.

« Personne ne nous attendait là, même nous »

Le démarrage, cahoteux (trois revers lors des quatre premières journées), laissait peu de place à des perspectives plus alléchantes. « On a mis un peu de temps à se connaître, à avoir des affinités », commente l'actuelle demi-centre de Chambray-les-Tours. « On jouait match par match, précise Gnabouyou. On s'impressionnait dans certains matches (rires), on était plus en dedans dans d'autres. Ce qui laissait présager qu'on pouvait le faire, c'est qu'on avait toutes une marge de progression. »


Christiane Mwasesa tout en percussion face à Metz

Sur le terrain, en dehors, la complicité est allée croissant, stabilisant la position en milieu de tableau et le collectif. « On avait un sept de base très fort. Christiane (Mwasesa, l'arrière gauche congolaise), Paula (Bredou-Gondo au pivot) et Pearl (Van der Wissel, la stratège néerlandaise), c'est le trio qui nous a mené à la victoire, décrit Nina Brkljacic. A l'aile, Siraba (Dembélé, vice-championne du monde en Chine en décembre 2009) était déjà très forte. Alexandra Bettacchini (28 arrêts sur les deux manches de la finale) avait fait l'une de ses meilleures saisons, et à l'aile droite, Manon Le Bihan est sortie du lot. »

Un épisode plus confidentiel a aussi aiguillé Toulon vers la première de ses trois glorieuses, avant le doublé en Coupe de France (2011, 12), assorties de six rencontres de Ligue des Champions à l'automne 2010. « On a perdu un match à la maison, à Vert Coteau à l'époque, confie la benjamine d'alors. C'était un moment difficile. Il y a eu des larmes dans le vestiaire, beaucoup de choses sont sorties. Notre force a été de se dire les choses à ce moment-là, ce soir-là. J'étais jeune (18 ans), je n'avais jamais vu ça dans un vestiaire, ça m'a marqué. Ca nous a donné une force incroyable derrière. Tout le monde s'est remis au travail deux fois plus fort... »


Siraba Dembélé apportait toute sa percussion et sa vitesse au groupe

« On avait toutes cette folie »

Dans un sens, au printemps, Nîmes (éliminé en quart de finale), Metz (en demie) et Le Havre ont payé la franchise. Sur un mode opératoire invariable : le débours concédé à l'aller, au Palais des Sports, ne se rattrape jamais l'heure suivante. « On a abordé chaque match comme si c'était le dernier, situe Marie-Paule Gnabouyou. Surtout, on n'était pas pas favorites. On n'avait rien à perdre, tout à gagner. » Délestées de toute pancarte encombrante, les outsiders de la rade ont ainsi fait couler le champagne présidentiel à flots sur le parquet mosellan. La fin de règne des sextuples tenantes du titre était avancée (18-20 et 29-29), les sceptiques ont commencé à réviser leur jugement. « J'en ai encore les larmes aux yeux, avoue Oliveira. Quand j'ai vu les Arènes silencieuses, j'étais sûre qu'on allait être championnes. On avait tellement confiance en nous que rien ne pouvait nous arriver. »


Jacqueline Oliveira et Toulon rendent aphones Metz et ses Arênes

Pas même de voir l'excès d'optimisme revenir à la figure façon boomerang... Le dimanche 16 mai 2010, le coup de folie toulonnais est effectivement allé à son terme, sur un nouveau match nul en Seine-Maritime (25-25, 27-22 huit jours plus tôt). « Le Havre était l'éternel second derrière Metz, a dû se dire que cette année-là serait la sienne, contextualise Brkljacic. Elles avaient la pression de perdre. Nous, c'était déjà incroyable d'être en finale. On a joué relâchées, on s'est fait plaisir, et on est allées chercher le titre. » « Un accomplissement » pour Gnabouyou. Qui, comme toute sa « bande de copines », en a beaucoup mieux jaugé la portée le lendemain, en rentrant du Havre. « C'était énorme. Tout le monde était mobilisé, nous attendait à la gare de Toulon. Le maire, les familles étaient fiers. »

Emportée par la foule effervescente, tel le RCT (période Boudjellal-Laporte) fêtant son Brennus et ses H-Cups, Jacqueline Oliveira s'est probablement revue, un an en arrière, en conversation avec Jorge Duenas, son précédent entraîneur au Pays basque. « Quand je lui ai dit que je partais en France, il m'a répondu ne pas penser que la France était faite pour moi, glisse celle qui prolonge sa carrière à Noisy-le-Grand (N1), après une escale à Chambray. J'avais signé pour un an à Toulon, je suis restée six ans. On était une famille, on aimait être ensemble. On avait toutes cette folie. » La folie caractéristique des années « zéro », on vous dit…


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